L'association Qualitel a publié ce jeudi 5 octobre, les résultats de son premier baromètre réalisé avec l'institut Ipsos sur la qualité du logement. Une photographie sur la qualité perçue par les Français, qui permet d'identifier leurs motifs de satisfaction et d'insatisfaction, mais aussi l'apport des réglementations au fil du temps, les enjeux de la rénovation et du logement du XXIe siècle. Détails.
De 1900 à 1979, voire au-delà... La "période noire." On s'en doutait, mais les résultats du premier baromètre Qualitel-Ipsos*, publié ce 5 octobre, sur la qualité perçue de leur logement par les Français le confirment en tout point : le XXe siècle n'aura pas été celui où l'on a construit le mieux. De 1900 à 1980, il est même fait mention d'un "trou d'air" : "(…) on a construit vite et pas toujours bien, sous la triple pression du boom démographique, de l'urbanisation et de la reconstruction."
Quand le quantitatif prime sur le qualitatif, le score moyen de la qualité perçue chute d'autant. Ainsi, avant 1900, le Qualiscore moyen - soit l'outil de scoring qui permet de noter, sur 10, la qualité perçue du logement sur la base de 15 critères déterminés par Ipsos et Qualitel - s'établit à 6,7/10, avant de chuter à 6,2/10 de 1900 à 1944, puis à 6,3/10 de 1945 à 1979, avant de remonter à 7/10 de 1980 à 2007, puis 7,6/10 après 2007. "Le score progresse encore lorsque les logements sont à la fois récents et qu'ils bénéficient d'une certification ou d'une labellisation, pour atteindre 7,9/10, confirme Brice Teinturier, directeur général délégué France d'Ipsos, lors de la présentation du baromètre, "les soins apportés à l'amélioration de la construction ont payé !"
La mise en place des réglementations thermiques et acoustiques, l'évolution des modes et matériaux de construction a permis cette meilleure qualité. Une qualité notamment perçue dans les logements sociaux, dont les plus récents enregistrent un score moyen de 7/10, "très nettement supérieur à celui des logements sociaux de plus de 10 ans (5,4/10)," précise le baromètre.
Un apport évident des réglementations, mais attention au coût !
Cinq "plaies" du logement sont identifiées par le baromètre. Le confort thermique (32%), la consommation énergétique (32%), l'isolation acoustique (30%), la qualité des matériaux de construction (25%) et enfin, l'aération et la ventilation (21%), sont ainsi les principaux motifs d'insatisfaction dans leur logement pour les Français. Et ces plaies sont d'autant plus marquées que le logement est ancien (voir ci-dessous).
Ce 5 octobre, Manuel Flam, directeur général du groupe SNI et président du Directoire de Grand Paris Habitat, présent lors de la présentation du baromètre, confirme cette rupture dans le temps et l'apport des réglementations successives, de même que Laurent Tirot, directeur général logement de Bouygues Immobilier.
Mais pour autant, plaident-ils, attention à trouver un bon équilibre entre les normes et le coût qu'elles engendrent, saluant en cela le moratoire sur les normes et la simplification engagée par le Président de la république sur cette question. "Il faut garder certainement un niveau d'exigence, mais aussi garantir un coût global d'usage qui permette d'innover, tout en restant accessibles en termes économiques" rappelle ainsi Laurent Tirot. Et Manuel Flam de renchérir : "les normes ne sont pas un bloc homogène, certaines sont très utiles - la RT 2012 a permis une amélioration - mais par exemple, celles sur l'accessibilité handicapé imposant 100% des logements accessibles qui a réduit les espaces de vie n'a aucun sens, de même que le durcissement de la réglementation amiante, qui a contribué à l'arrêt d'un chantier de réhabilitation sur trois pour SNI, du fait des coûts engendrés par l'abaissement du seuil nécessitant la présence d'une entreprise spécialisée."
Ce baromètre Qualitel permet de mettre l'accent sur l'enjeu primordial de la rénovation, notamment pour les logements de cette période noire et ce, dans tous ces aspects, pas seulement énergétiques. Laurent Tirot confirme : "aujourd'hui, nous ne créons plus seulement des logements, mais des espaces de vie", dont le confort des occupants est primordial et à qui il faut proposer des services adaptés à l'évolution de leurs usages.
"S'il ne fallait retenir qu'un enseignement de cette édition 2017, ce serait donc celui-là : la rénovation des logements anciens est un chantier prioritaire du XXIe siècle !"
Bertrand Delcambre, président de l'association Qualitel
Mais que faire de tous ces logements de la "période noire", les détruire et reconstruire, les rénover ? Et surtout, à quel prix ! "Il nous faut inventer des solutions pour maintenir l'équilibre financier, créer des montages financiers intelligents", précise ainsi Manuel Flam, "les solutions techniques existent, comme les surélévations ou le travail sur une 5e façade." Innover tout en gardant en tête l'exigence de qualité et en ne négligeant pas les outils à destination des usagers. Les logements doivent être confortables, économes, évolutifs... Pilotage intelligent et pédagogie du bâtiment pour assurer un impact environnemental réduit, logement connecté avec son quartier, sa ville, sont ainsi tout autant de nouveaux défis à relever.
Des Français, loin d'être égaux face à la qualité de leur logement... autant de leviers d'amélioration
Au-delà de la hausse de la qualité perçue des logements par les Français, la note moyenne de 6,7/10 reste en effet un "peu mieux faire" et cache, on l'a vu, de nombreuses disparités et pas seulement du fait de l'ancienneté de la construction (maison vs appartement ; propriétaire vs locataire ; apport de la nature ; surface ; situation, etc.). Antoine Desbarrières, directeur de l'association Qualitel, le confirme, "On peut toujours mieux faire, mais à bon escient." Et Brice Teinturier de renchérir : "le niveau global de satisfaction reste pas très élevé : identifier les points sensibles, c'est se donner les moyens de les améliorer."
"Ce qui me frappe, c'est que pour la première fois, on met en évidence que les Français se sentent mieux dans des logements récents ; on fait également le lien entre une meilleure qualité de vie et un cadre normatif et réglementaire qui a contribué à cette amélioration ; il faut rester vigilant sur la question de l'équilibre financier, du dosage de ces normes, en adéquation avec les nouveaux défis sociétaux et environnementaux et répondre ainsi aux inquiétudes des Français, sur la question du maintien à domicile des personnes âgées, sur les impacts du changement climatique ou encore sur leurs préoccupations relatives à la sécurité, y compris sanitaire, de leur lieu de vie." Bertrand Delcambre, président de l'association Qualitel.
L'ensemble des résultats du baromètre est disponible en suivant ce lien : www.qualite-logement.org/baromètre
*2.700 personnes interrogées issues d'un panel représentatif de Français, 80 questions posées
Les 5 plaies du logement selon le baromètre Qualitel-Ipsos
La moitié des Français déclare avoir parfois ou souvent trop froid en hiver, la même proportion dit avoir trop chaud en été. Ceux qui vivent en appartement sont particulièrement affectés (41 % d'insatisfaction vs 26 % en maison).
1/3 des Français se disent insatisfaits de la consommation énergétique de leur logement. Le chauffage individuel électrique, qui est pourtant le plus utilisé (34 % de la population), est aussi celui qui est considéré comme le
moins satisfaisant par les Français. En cause : les installations anciennes, car le niveau d'insatisfaction vis-à-vis du chauffage électrique baisse dès lors que le logement est récent.
La mauvaise isolation acoustique est également une plaie quotidienne pour 3 Français sur 10. Elle frappe surtout les habitants d'appartements et de studios. À tel point que 31 % des occupants de studio disent être souvent ou très souvent réveillés la nuit par des bruits provenant de leur voisinage, contre seulement 12 % pour l'ensemble des Français. La mauvaise isolation engendre des frictions : ainsi 4 personnes sur 10 vivant en appartement ont déjà vécu des tensions avec leurs voisins à cause du bruit.
25 % des Français se disent insatisfaits de la qualité des matériaux de construction de leur logement : c'est seulement le cas pour 15% des occupants propriétaires contre 41% des locataires.
Un Français sur cinq se plaint d'une mauvaise aération / ventilation au sein de son logement. Une plaie qui affecte presque trois fois plus les locataires (35%) que les propriétaires (13%) et qui est très directement liée à la surface du logement : 20 % des occupants de logements de moins de 75 m2 affirment même que l'air qu'ils respirent dans leur logement "n'est pas sain." Source Qualitel