FICHE PRATIQUE. Depuis son entrée en vigueur en 2017, le succès du bail réel solidaire produit un effet boule de neige avec la multiplication des Organismes de foncier solidaire (OFS). En dissociant la propriété du foncier de celle du bâti, cet outil a pour but de contourner l'inflation des prix sur le marché libre.
Déjà une dizaine d'organismes de foncier solidaire agréés pour atteindre une petite vingtaine en fin d'année. Depuis son entrée en vigueur, le succès du bail réel solidaire ne se dément pas dans les métropoles confrontées à une tension des prix de l'immobilier, atteignant leur sommet à Paris, dont l'OFS municipal devrait être bientôt agréé. Comme tout nouveau produit sur le marché, le bail réel solidaire attire par son montage financier innovant, qui présente dans un contexte immobilier compliqué, des avantages et quelques inconvénients si son évolution n'est pas surveillée.
Le BRS, quel montage ?
En inscrivant le bail réel solidaire dans la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (2015), le gouvernement espère freiner l'envoyée des prix de l'immobilier en modulant un des paramètres de calcul : le coût du foncier. En dissociant le terrain du bâti, l'organisme de foncier solidaire porte le foncier, sur lequel il touche une redevance de la part de "preneur", qui a signé un bail réel solidaire. A cette décote de terrain, le preneur a la jouissance du logement acquis, comme s'il en était propriétaire, pour une durée de 18 à 99 ans.
Qui est éligible ?
Le bail réel solidaire reste dédié à de l'accession sociale à la propriété, synonyme de plafonds de revenus. Ces conditions de ressources sont calquées sur celles du prêt social location-accession (PSLA) qui, à titre d'exemple, s'élèvent à 45.418 euros de revenus annuels pour un couple en zone tendue. Ce bail peut être cédé ou transmis en héritage, à condition que les récipiendaires remplissent les mêmes conditions de revenus que les précédents occupants.
Pourquoi un tel succès ?
Dans un contexte de prix de l'immobilier élevés, tirés vers le haut par des conditions d'emprunt avantageuses, l'accession sociale à la propriété est vue comme un outil contournant la spéculation pour maintenir la mixité sociale. Pour Xavier Lièvre, notaire associé à l'étude 14 Pyramides Notaires, le succès est d'abord "politique". "Dans les communes où les prix sont très tendus, le BRS donne la possibilité de créer une offre à prix décotée de 15 à 30% (…), les communes qui disposent d'un parc social trop important peuvent privilégier le BRS à du logement locatif social. Enfin, les communes carencées au vu de la loi SRU peuvent recourir au BRS pour leur permettre de respecter leurs engagements", énumère Xavier Lièvre auprès de Batiactu.
Des avantages et des effets de bord à surveiller
Dans un marché bien encadré qu'est celui de la dissociation foncier-bâti, le bail réel solidaire présente le principal avantage d'un système vertueux. Par son aspect "perpétuel", le BRS s'oppose à l'effet d'aubaine des décotes foncières conventionnelles, "qui permettait à certains propriétaires de récupérer une plus-value d'entrée, alors qu'ils n'en avaient pas nécessairement besoin", estime le notaire spécialiste du dispositif. Pas de plus-value non plus au moment de la mutation, "le système encadre le prix pour toute la durée du montage. Seule la plus-value de l'inflation naturelle revient à l'accédant", explique Xavier Lièvre.
Si ce marché est à part, concède-t-il, il ne faut pas qu'il le soit trop. Le notaire met en avant un jeu "de subtilité" à avoir entre marché libre et marché en BRS. "Les écarts de prix doivent être significatifs, mais s'ils sont trop importants, cela risque de bloquer la machine", alerte-t-il, rappelant que le bail réel solidaire doit être envisagé comme une étape du parcours résidentiel, devant permettre au bout, une entrée dans le marché libre, et non pas un blocage du taux de rotation.
Vers une émanation libre du BRS
Fort du succès du bail réel solidaire et d'une tension immobilière qui ne faiblit pas dans les métropoles, le député (Modem) Jean-Luc Lagleize a avancé l'idée d'un bail réel libre, piloté par des Organismes de foncier libre, dans une proposition de loi adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 28 novembre. Reprenant le même montage que le BRS, sa version dédiée au marché libre serait exemptée des conditions de ressources, à l'acquisition comme à la cession ou la transmission du logement. Xavier Lièvre se pose néanmoins la question de la pertinence d'un tel dispositif plus ouvert, "dans un marché qui pour l'heure, sera plus demandeur qu'offreur" .Si les OFL sont censés répondre aux besoins d'une classe moyenne de plus en plus coupée des grandes villes, ne pas les encadrer présenterait "un risque que des demandeurs soient prêts à payer plus pour accéder à ce type de bail". Bonnes idées sur le fond comme sur la forme, les OFS comme les futurs OFL ne pourront remplir leur mission que dans un contexte de marché plus équilibré qui permettra toujours de quitter la dissociation foncier-bâti pour de la pleine propriété.