PROSPECTIVE. Quels sont les liens existants entre les notions de 'bâtiment responsable' et 'bâtiment intelligent' ? Quelle place pour l'intelligence artificielle ? Réponses dans la dernière note du groupe de travail "Réflexion bâtiment responsable 2020-2050". Elle est soumise à observation jusqu'au 20 avril 2018.
"Bâtiment responsable et intelligence artificielle". C'est le titre de la note soumise au débat jusqu'au 20 avril prochain, réalisée par le groupe de travail "Réflexion bâtiment responsable 2020-2050". Cette instance est placée sous l'autorité d'Alain Maugard, président de Qualibat, et Christian Cléret, président du conseil de surveillance de Novaxia. La particularité de ce groupe de travail, qui a déjà publié des notes sur les notions de confort et d'usage dans le bâtiment, est de toujours partir des besoins de l'usager, en cherchant à ne pas imposer des directives "par le haut".
Ce nouveau travail vise à préciser sous quelles conditions le développement de l'intelligence artificielle pourrait se coordonner avec l'objectif de parvenir à des bâtiments respectant l'idée de développement durable au sens large. C'est-à-dire en prenant en compte, non seulement la performance énergétique, mais le bien-être des occupants. L'étude porte ici sur la phase exploitation. "Nous ne souhaitions pas réaliser un inventaire à la Prévert de tous les services qu'offre l'IA", explique Alain Maugard à Batiactu. "Une chose est sûre, son apport sera plus puissant qu'on ne le pensait. Les possibilités ouvertes sont immenses : nous basculons sur une logique de plateforme de service, au niveau du bâtiment, du quartier, puis de la ville."
"La connectivité d'un bâtiment devient une valeur immobilière à part entière"
"Avec l'intelligence artificielle, le bâtiment gagne un 'cerveau'", écrivent les auteurs de l'étude. "Ce 'cerveau' acquiert une compréhension des usages, peut les anticiper, proposer de nouveaux réglages, en intégrant de nombreuses données, ce qui ne serait pas possible à l'occupant et/ou au gestionnaire. Le bâtiment se comporte de façon plus dynamique vis-à-vis de ses occupants." Ces capacités se basent bien évidemment sur l'installation de capteurs et d'objets connectés au réseau. Ce qui conduit d'ailleurs le groupe de travail à noter que "la connectivité - soit le potentiel de connexion du bâtiment avec son environnement - devient aujourd'hui une valeur immobilière à part entière".
Cette connectivité doit servir de base pour faire du bâtiment cette plateforme de services de toutes sortes. Les auteurs pointent ici les exemples de la livraison de colis ou l'aide à l'utilisation des transports (choisir le meilleur itinéraire ou localiser une voiture électrique...). La communication des données en temps réel pourrait également permettre d'effectuer un suivi médical d'un patient sans hospitalisation, ou de 'surveiller' à distance une personne âgée maintenue à domicile.
La contractualisation via la chaîne de blocs (blockchain)
La question de l'intégration du bâtiment intelligent dans son environnement prend également une nouvelle dimension avec le développement de ces technologies. Les liens contractuels pourraient ainsi être sécurisés par la méthode du "machine-à-machine" ou de la chaîne de bloc (blockchain), "qui permet de contractualiser de façon sécurisée un accord entre deux parties sans intervention d'un tiers garant, ce qui peut servir de support à une vente d'énergie électrique, par exemple", rappelle la note d'étude.
Reste la question d'évaluer les surplus de consommation énergétique entraînés par le déploiement des objets connectés (sujet qui a récemment intéressé les parlementaires français). "Les TIC et les applications de l'IA peuvent être considérées comme ambivalentes par rapport à la transition énergétique : elles offrent des sources possibles d'efficacité, mais aussi des occasions de consommations supplémentaires de ressources, voire de gaspillage. Il est donc impératif d'établir un bilan précis pour chacune de ces innovations afin de pouvoir estimer avec précision leurs impacts environnementaux", avertit ainsi le groupe de travail. Alain Maugard évoque pour sa part un tri nécessaire à effectuer entre les applications indispensables et productives, et les plus superflues. "Dans certains cas, les gadgets électroniques font de nous des personnes dépendantes à des drogues qui n'ont pas grand intérêt", nous explique-t-il. "Nous devons dépenser le moins d'énergie possible et savoir récupérer au mieux le chaleur dégagée."
"Le 'cerveau' va-t-il rester à l'intérieur du bâtiment, ou du moins à l'échelle du territoire, ou être à l'extérieur, sous contrôle des Gafa ?"
Enfin, la note pointe le sujet du respect de la vie privée et de la sécurité des données. "Il y a un équilibre à trouver entre protection des données personnelles et progrès technologique", constatent les auteurs. En effet, "les informations recueillies doivent ne pas pouvoir être transformées à l'insu de l'usager en données de type 'marketing' exploitées par les grands groupes commerciaux du type Gafa" - Facebook faisant actuellement les frais de l'affaire "Cambridge Analytica". "La grande question, c'est : le 'cerveau' va-t-il rester à l'intérieur du bâtiment, ou du moins à l'échelle du territoire, ou être à l'extérieur, sous contrôle des Gafa ?", questionne Alain Maugard.
Laisser la liberté à l'occupant de couper les systèmes
Les données ne doivent pas non plus, selon le groupe de travail, être récupérées à des fins de surveillance et de contrôle des vies privées. Une méthode est préconisée pour éviter ce type de problème, celui de laisser la liberté à l'occupant de reprendre la main et couper les automatismes.
Les professionnel intéressés ont donc jusqu'au 20 avril pour participer à la rédaction de la version finale de la note. "Nous voulons que ce travail soit enrichi", explique Alain Maugard. "Le Plan bâtiment durable est un lieu qui questionne, proposer, discute en vue de passer à l'action."