L'Etat a désigné mercredi les repreneurs des sociétés d’autoroutes, concluant le processus de privatisation débuté cinq mois plus tôt. Ainsi, les ASF ont été attribuées à Vinci, la Sanef au groupe espagnol Albertis et les APRR au tandem franco-australien Eiffage-Macquarie. Le montant total de la cession s’élève à 14,8 milliards d’euros.

«Le processus a permis de valoriser dans de très bonnes conditions le patrimoine public (...)», s'est félicité Bercy dans un communiqué. Les acquéreurs retenus sont ceux dont les offres sont apparues les mieux disantes à l'issue de l'analyse multicritères opérée en application du cahier des charges».

La société Autoroutes du Sud de la France (ASF) a sans surprise été vendue à Vinci. Le groupe de BTP a annoncé dans un communiqué qu’il allait débourser un total de 9,1 milliards d’euros pour acquérir 100% du capital d’ASF, après l’acquisition des 50,4% de l’Etat et les 26,6% des minoritaires qu’il compte acquérir. La société ASF a été vendue au prix provisoire de 50 euros par action, porté à 51 euros une fois «que l'intégration en cours de la section Lyon-Balbigny de l'autoroute A89 dans l'assiette de la concession d'ASF» sera effective, selon le communiqué. Le montant de 9,1 milliards d’euros est calculé sur le prix de 51 euros par action. Le groupe de BTP financera cette opération pour 2,6 milliards d'euros par des ressources existantes (trésorerie disponible et lignes de crédit moyen terme), par un prêt d'acquisition sur 7 ans pour 4,2 milliards d’euros et par un prêt relais sur 20 mois pour 2,3 milliards d’euros. Vinci procédera d'ici à 18 mois à une augmentation de capital en numéraire, «pour lesquels les actionnaires de Vinci bénéficieront d'un droit préférentiel de souscription». Son montant «n'excédera pas 30% du montant total de l'opération», selon le communiqué.

De son côté, la Société des autoroutes du nord et de l'est de la France (Sanef) a été vendue au concessionnaire espagnol Abertis, associé à des investisseurs français (Axa, Caisse des dépôts, Prédica) au prix de 58 euros par action. L'acquisition de 75,5% de la Sanef représentera un investissement de 4,03 milliards d'euros pour Abertis. Selon l’entreprise, «la cession définitive des parts devrait intervenir début 2006», date à laquelle le groupe «sera disposé à donner de plus amples détails sur l'opération».

Enfin, les Autoroutes-Paris-Rhin-Rhône (APRR), deuxième réseau autoroutier français, dont le rachat était le disputé, ont finalement été attribuées au tandem constitué du français Eiffage et du fonds australien Macquarie pour 61 euros par action. L'acquisition de l'intégralité de la société des APRR représente un investissement maximum de 6,891 milliards d'euros pour le consortium formé par Eiffage et le groupe Macquarie, dont 4,841 milliards pour les participations de l'Etat, a annoncé Eiffage dans un communiqué. «Dans l'hypothèse d'une opération sur 100% du capital, l'apport en fonds propres d'Eiffage s'élève à 675 millions d'euros (incluant environ les cinq millions de titres APRR déjà détenus par Eiffage) et est couvert par un financement bancaire adossé à la participation d'Eiffage dans Cofiroute, qui laisse intacte la capacité d'investissement du groupe dans l'ensemble de ses métiers», ajoute le communiqué. Le consortium et APRR seront contrôlés par Eiffage qui nommera le président du conseil d'administration avec voix prépondérante et sera en charge de la gestion opérationnelle de la société. Le contrôle d'Eiffage sur APRR sera reflété par la consolidation par intégration globale de la société dans les comptes d'Eiffage, a précisé le groupe.

Le produit des privatisations servira essentiellement au désendettement de l'Etat. Quatre milliards d'euros doivent être versés à l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

Une privatisation dénoncée par le PS
Mais le parti socialiste a dénoncé mercredi «la vaste campagne de manipulation médiatique» orchestrée selon lui par le ministre de l'économie Thierry Breton, qui «lie la privatisation des autoroutes à la réduction de la dette, la première étant censée réduire la seconde». Dans un communiqué, Éric Besson, secrétaire national à l'Économie et à la fiscalité, rappelle l'opposition du PS à une privatisation qui représente «un bradage en règle du patrimoine public», «une remise en cause grave des engagements de l'État en termes d'investissements dans les transports» et «une moins-value de près de 20 milliards d'euros», puisque l'État renonce à 35 milliards d'euros de dividendes «pour n'en percevoir que 15 à l'occasion de cette vente».

TLF demande une «autorité de régulation»
Par ailleurs, s’inquiétant de l’évolution des tarifs de péages après leur privatisation, la Fédération des entreprises de transport et logistique de France (TLF) a réclamé mercredi dans un communiqué une «autorité de régulation» des sociétés d'autoroutes. «Avec leur privatisation, la fonction de régulateur devient primordiale, comme vient de le rappeler le Conseil de la concurrence», estime TLF, en notant qu'un récent avis du Conseil juge nécessaires des garanties aux promesses du gouvernement sur l'évolution des tarifs des péages. Cette demande de régulation se justifie aussi parce que les autoroutes vont «devenir de fait des monopoles privés car il n'existe quasiment pas de modes de transport de substitution sur leurs tracés» et que «le souci de transparence n'a pas été la priorité du gouvernement» lors du processus de privatisation, selon la fédération.

La cession définitive des parts de l’Etat dans la cession des sociétés d’autoroutes devrait intervenir «début 2006». L'Etat va discuter avec les lauréats pour «finaliser les contrats de cession». Les décrets autorisant la privatisation devraient intervenir après ces discussions et consultation des personnels des sociétés.

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