Electricité peu chère à l'achat, tarifs de vente du courant avantageux, absence de cadre juridique… nombreux sont les écueils qui se dressent encore contre l'autoconsommation de l'électricité solaire en France. Le ministère de l'Ecologie a lancé une réflexion sur le sujet, mais la consommation sur le lieu de production de l'énergie photovoltaïque reste, pour l'heure, marginale en France.
Le marché français de l'électricité reste atypique par rapport à celui de ses voisins européens. Lancé dans le "tout nucléaire" depuis les années 1970, le pays a bénéficié d'une énergie peu chère qui n'a pas incité à l'autoconsommation.
Pourtant, les choses pourraient évoluer dans un avenir relativement proche. "Nous sommes à la veille d'un véritable changement en termes d'approche et de soutien. Des évolutions importantes vont avoir lieu dans le cadre de la transition énergétique", nous explique Pierre Genin, le président de SMA France, un fabricant d'onduleurs. La suppression du Crédit d'impôts développement durable en 2014 ou la préoccupation croissante du poids des EnR dans la CSPE (Contribution au service public de l'électricité), entraînent une révision des mécanismes de soutien du photovoltaïque.
Pas encore pertinente économiquement
"A l'heure actuelle, le prix au kWh très faible fait que l'autoconsommation n'est pas intéressante", poursuit Pierre Genin. "Mais, quand il n'y a pas de soutien, comme en Allemagne ou en Italie, le producteur consomme son propre courant car il est moins cher que de l'acheter à un prix élevé". Pourtant, l'autoconsommation existe dans l'Hexagone. "C'est déjà une réalité chez des particuliers", confirme Benjamin Declas, directeur général d'EDF ENR Solaire. "Nous avons lancé une offre en septembre 2012, où la production d'électricité photovoltaïque est consommée sur place avec réinjection du surplus sur le réseau". Et les autres acteurs du secteur anticipent également cette évolution du marché français. "L'autoconsommation est l'essence première du photovoltaïque", expose le président de SMA France. "L'énergie est produite de façon décentralisée et elle est consommée sur son lieu de production, la barrière était, jusqu'à présent, le coût du kWh". Mais la parité réseau est toute proche : la courbe croissante du prix de l'électricité croisera bientôt celle, décroissante, du coût de production. Seule condition requise, la sortie des mécanismes de soutien.
Minimiser l'impact réseau
L'autoconsommation présenterait alors l'avantage de minimiser l'impact de l'énergie solaire sur le réseau et favoriserait les mesures d'effacement. Cependant, le profil de production, avec un pic atteint en milieu de journée d'été alors que les maisons sont vides, doit faire évoluer le profil de la consommation. "Ce serait plus facile pour de grandes surfaces commerciales par exemple", insiste Pierre Genin. "Presque 100 % d'autoconsommation pourraient être atteints en journée. Mais le stockage pourrait faire partie des solutions, tout comme l'adaptation des profils de consommation". L'échelle pourrait d'ailleurs ne pas être celle du bâtiment seul, mais s'étendre au niveau d'un îlot ou d'un quartier. Techniquement simple, cette solution soulèverait toutefois des difficultés administratives. Car, réglementairement, rien ne définit encore clairement les conditions de cette autoconsommation. Le ministre de l'Ecologie, Philippe Martin a lancé, en octobre dernier, une réflexion sur la question, afin de définir un cadre juridique et un modèle économique adaptés.
Un juste équilibre sera recherché afin que les installations de centrales photovoltaïques soient soutenues. Les acteurs du secteur pensent à un crédit de kWh (pour ceux qui sont réinjectés) ou par d'autres subventions financières. Reste que la Commission de régulation de l'énergie (CRE) n'avait pas encore traité la question et que le gestionnaire du réseau national (ERDF) insiste pour que les énergies renouvelables intermittentes participent au renforcement du maillage. Car le réseau français, très centralisé au départ des installations nucléaires, ne serait pas adapté à une production éparpillée sur l'ensemble du territoire. ERDF soutient que de lourds investissements seront nécessaires (voir encadré). Le débat est donc loin d'être terminé et trouvera peut-être sa réponse dans la loi de Transition écologique, attendue pour 2014.
Puissance installée totale : 4,478 GW
Pourcentage de la consommation énergétique totale couvert par le PV : 1 %
Pourcentage d'autoconsommation : 1 à 2 % de la production du PV
Investissement estimé par ERDF pour le renforcement du réseau : 100 Mrds € sur 15 ans