ÉCONOMIE. Ce 22 septembre, les 13 premières mesures issues des travaux des Assises du bâtiment et des travaux publics ont été présentées par les ministres Bruno Le Maire (Économie), Olivia Grégoire (PME et Artisanat) et Olivier Klein (Logement). Elles portent sur le soutien aux opérations économiques des professionnels et à la simplification des procédures administratives.

Elles étaient attendues de pied ferme par la profession : les Assises du bâtiment et des travaux publics viennent d'accoucher d'une première salve de mesures destinées à simplifier les procédures administratives et soutenir les opérations économiques des professionnels de la construction. Ce 22 septembre, les ministres de l'Économie, Bruno Le Maire, de l'Artisanat et des PME, Olivia Grégoire, et du Logement, Olivier Klein, ont présenté cette batterie de dispositifs (voir encadré ci-dessous) "qui pourront entrer en vigueur sans délai", indique le ministère de l'Économie.

 

 

Ces annonces interviennent dans un contexte économique très rude pour les entreprises. Pas encore tout à fait remises de la crise sanitaire, celles-ci doivent en plus composer avec les difficultés d'approvisionnement, l'envolée des prix des matériaux et la nécessité, plus que jamais d'actualité, de réaliser leur transition écologique et d'appliquer la sobriété énergétique.

 

En réunissant autour de la table les organisations représentatives du secteur, comme la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), la Fédération française du bâtiment (FFB), l'Union nationale des économistes de la construction (Untec) ou encore la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), Bercy tente ainsi d'apporter des réponses non seulement conjoncturelles mais aussi structurelles.

 

Les 13 premières mesures de soutien issues des Assises du BTP

 

* Amélioration de la trésorerie des entreprises :

 

1. Le relèvement des seuils planchers des avances dans tous les marchés publics, afin d'abonder la trésorerie des fournisseurs de l'État et notamment des acteurs du BTP. Ces seuils passeront de 20% à 30% pour l'ensemble des marchés publics passés avec des PME dans les plus brefs délais. "Nous ouvrons une discussion avec toutes les collectivités locales pour voir comment ces mesures pourraient servir de modèle pour elles", a précisé Bruno Le Maire.

 

2. L'amélioration de l'échelonnement du remboursement de ces avances par une réécriture des textes pour modifier la situation actuelle qui conduit les donneurs d'ordre à exiger trop rapidement le remboursement intégral.

 

3. Un guide de bonnes pratiques en matière de pénalités de retard payées par les acteurs du BTP afin d'éviter que les situations de pénurie actuelles ne leur soient injustement reprochées. "L'État va poursuivre sa politique de gel des pénalités de retard, déjà appliqué lors de la crise du covid", a précisé Olivier Grégoire, ministre déléguée aux PME. "Nous allons par ailleurs encourager l'ensemble des acteurs publics au sein des collectivités locales à faire de même."

 

* Amélioration de la prévisibilité des prix sur les marchés publics et privés :

 

4. Le Gouvernement a saisi le Conseil d'État, qui vient d'indiquer qu'il était possible de réviser les prix dans les marchés publics en cours, pour prendre en compte les surcoûts engendrés par les circonstances exceptionnelles. Une circulaire va préciser dans les tous prochains jours les démarches à entreprendre en la matière, et une fiche pratique est déjà mise en ligne sur le site du ministère.

 

5. Une mission va être confiée au Médiateur des entreprises pour améliorer la prévisibilité des prix des matières premières.

 

 

* Simplification des marchés publics :

 

6. La pérennisation à 100.000 € du seuil de gré à gré qui exempte les marchés publics de travaux d'appels d'offres et qui a été élevé exceptionnellement durant la crise sanitaire. "Il se situait à 40.000 euros avant la crise du covid, il a été porté à 70 puis à 100.000 euros, nous le maintiendrons à ce niveau de manière définitive. C'est une mesure de simplification massive pour les PME", a assuré Bruno Le Maire.

 

7. L'abaissement de 6 à 4 mois du délai inscrit dans le cahier des clauses administratives générales des marchés publics, entre la notification d'un marché et l'ordre de service de démarrage effectif des travaux, afin d'éviter une inflation des coûts durant cette période. Dans un contexte de volatilité des prix des matériaux, "plus le délai est court, mieux c'est", a résumé Bruno Le Maire.

 

8. Un ciblage et une meilleure articulation des contrôles sur les chantiers pour lutter contre le travail illégal. "L'ensemble des acteurs se sont unanimement prononcé pour que nous allions plus loin dans la lutte contre le travail illégal", a observé Olivia Grégoire. "Nous allons donc augmenter le nombre de contrôles, et faire en sorte que leur efficacité soit renforcée."

 

* Simplification et amélioration de la mise en œuvre des obligations règlementaires et écologiques qui pèsent sur les entreprises :

 

9. La publicité obligatoire et rapide du montant d'éco-contributions payées pour les entreprises dans le cadre de la filière "Responsabilité élargie du producteur" (Rep).

 

10. La mise en place d'une période de tolérance de 4 mois pour la mise en conformité des entreprises à la Rep (sensibilisation pédagogique plutôt que sanction), dispositif qui entrera en vigueur en janvier 2023. "Nous mettons en place ce moratoire pédagogique pour que l'ensemble des acteurs puisse avoir toutes les informations", sans être punis en cas de non-application de la nouvelle réglementation, ajoute Olivier Klein.

 

11. La prolongation de l'expérimentation chantier par chantier du label "Reconnu garant de l'environnement" (RGE) au-delà du 31 décembre 2022.

 

* Accélération de la transition écologique du BTP :

 

12. Le renforcement de l'offre globale de rénovation performante par un appel d'offres spécifique de 30 millions d'euros France 2030. "Cette initiative permettra de réfléchir à ce à quoi pourra ressembler une offre de transformation, de rénovation plus performante", a expliqué le ministre du Logement, Olivier Klein. "Il y a une massification sur laquelle on avance avec le soutien de France rénov' et de MaPrimeRénov', mais il faut aller plus loin sur le résultat énergétique." Le ministre a rappelé son attachement à maintenir un "équilibre" entre mono-gestes et offres globales. "La rénovation mono-geste est la plus accessible pour de nombreux ménages. Il faut s'assurer que la somme des gestes permette d'atteindre un bon niveau d'efficacité. Nous ne devons pas 'désespérer Billancourt' en faisant en sorte que trop de Français renoncent à faire des travaux."

 

13. Le lancement d'une concertation sur la mise en place d'un carbone-score des matériaux, sur le modèle du nutriscore, comme l'a précisé Bruno Le Maire ; un dispositif qui a pour but "non pas de manger moins, mais de manger mieux", a-t-il précisé, le sourire aux lèvres. "C'est une poursuite des travaux engagés sur les fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES)", a ajouté Olivier Klein. "Christophe Béchu [ministre de la Transition écologique, NDLR] est très attaché à ce que l'on définisse un niveau de qualité des matériaux et que l'on fasse progresser la filière." Ce carbone-score pourrait tenir compte des émissions de gaz à effet de serre liées à la fabrication du produit, mais également de ses effets plus ou moins bas carbone dans la construction.

 

Les professionnels des TP guettent désormais le projet de loi de Finances

 

Certaines dispositions annoncées, comme la pérennisation à 100.000 € du seuil de gré à gré qui exempte les marchés publics de travaux d'appels d'offres, étaient réclamées de longue date par les professionnels de la filière. De même, la mission confiée à la Médiation des entreprises sur la prévisibilité des prix est de nature à rassurer les artisans et entreprises qui demandent une véritable transparence sur l'explosion des tarifs.

 

La Fédération française du bâtiment (FFB) salue un travail "rapide"

 

La Fédération française du bâtiment (FFB) a salué par communiqué de presse les annonces du gouvernement. Celles concernant les marchés publics constituent ainsi des avancées significatives pour les professionnels. "Cette rapide mobilisation en faveur des artisans et entrepreneurs de bâtiment doit s'amplifier, notamment sur les mesures relatives aux marchés privés", commente Olivier Salleron, président de la FFB. "L'annonce par Bruno Le Maire que les Assises du BTP se poursuivent constitue donc une bonne nouvelle. Depuis l'origine, la FFB souhaite que cette approche par co-construction filière-gouvernement s'inscrive dans le temps, de façon à passer du traitement des problèmes immédiats à l'élaboration d'une stratégie de moyen-long terme pour le secteur de la construction. La transition écologique et la transformation numérique en cours imposent cela."

 

Mais la satisfaction est loin d'être totale. "Si la méthode est à saluer, ce point d'étape est en-deçà des demandes du secteur et ne répond pas aux inquiétudes actuelles des entreprises de travaux publics", déplore la FNTP dans un communiqué. Laquelle estime par conséquent que "la conjoncture du secteur dépendra, pour l'essentiel, du contenu du projet de loi de Finances (PLF) pour 2023". Le texte doit d'ailleurs être présenté par Bercy lundi 26 septembre.

 

Un "premier pas encourageant", juge la Capeb

 

Les annonces du 22 septembre constituent un "premier pas" mais n'apportent pas les "garanties nécessaires" aux TPE. C'est le message que souhaite faire passer la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), à travers un communiqué de presse diffusé ce jour. L'organisation en appelle notamment à des gestes plus forts en faveur de la rénovation énergétique. "Nous attendons donc avec impatience la suite des travaux pour que des mesures plus ambitieuses puissent être prises", commente Jean-Christophe Repon, président de la Capeb. "L'enjeu est de taille."

 

La confédération se félicite en tout cas d'avoir obtenu auprès de Bercy le "maintien de la TVA à taux réduit sur les chaudières à très haute performance énergétique".

 

Concrètement, la fédération des TP aurait préféré que les associations d'élus locaux soient conviées aux Assises, rappelant que les collectivités pèsent "70% de l'investissement public" et que la sécurisation de leurs financements est de facto incontournable. Sur ce point, la FNTP considère que l'indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l'inflation "est le meilleur outil pour préserver les capacités d'investissement" des collectivités.

 


Fourniture d'énergie : "Ne signez pas vos contrats sur la base de prix délirants", le conseil de Bruno Le Maire aux entreprises

 

Dans la foulée du président de la République ce 22 septembre 2022, qui conseillait aux entreprises, dans une interview donnée à BFM TV, de ne pas signer maintenant le renouvellement de contrats de fourniture d'énergie à des prix exorbitants, Bruno Le Maire est monté au créneau. "Ne signez pas vos contrats pour l'année prochaine sur la base de prix délirants", a-t-il conseillé aux entreprises. "Nous sommes en train de nous battre pour faire baisser les prix de l'énergie au niveau européen, prenez donc votre temps avant de négocier."

 

Les autres mesures annoncées aujourd'hui sont perçues comme "une version a minima" des demandes du secteur des TP. En l'état actuel des choses, la fédération regrette donc que le relèvement du seuil des avances ne concerne pas les collectivités. Toujours selon elle, "seule une mesure d'ordre public législative" permettrait la révision des prix des contrats en cours. De même, la filière Rep devrait "faire l'objet d'un délai ou des aménagements de mise en œuvre".

 

D'autres dispositions annoncées d'ici la fin de l'année

 

Le Gouvernement s'est engagé à poursuivre le travail de concertation au cours des prochains mois, sachant que les autres mesures mises sur la table "continuent d'être expertisées" et qu'elles "pourront faire l'objet de nouvelles annonces d'ici la fin de l'année 2022". Sont notamment concernées les questions de formation et de développement du numérique. "Nous portons une ambition de très long terme", a assuré Bruno Le Maire en présentant les premières annonces. "Ces Assises vont s'inscrire dans le temps long. Nous ne changerons pas une politique structurelle en quinze jours." Un nouveau point d'étape est ainsi programmé pour le printemps 2023, ce qui laisse à l'État et aux parties prenantes six mois pour s'entendre sur des solutions.

 

Trois sujet "essentiels" de discussion sont ouverts par Bruno Le Maire : la transparence au niveau des prix et l'évitement de toute spéculation, la formation aux métiers et leur attractivité auprès des jeunes, et enfin l'accompagnement de la transition énergétique, un sujet "très lourd financièrement". Une massification des rénovations globales nécessiterait les financements adéquats. "C'est extraordinairement coûteux, et cela mérite une réflexion en profondeur. Nous sommes prêts à aller dans cette direction, mais nous devons trouver les leviers techniques, financiers, afin que cette ambition de reste pas lettre morte."

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