MARCHE. Certains savoir-faire en matière de patrimoine risquent d'être perdus, estiment des représentants des artisans du bâtiment. Ils en appellent notamment à davantage border ce domaine en matière de formation.
"Le patrimoine n'est pas une ressource renouvelable. Ce qui est perdu est perdu." Le constat, posé par Gabriel Turquet de Beauregard, architecte des bâtiments de France, prouve à quel point ce domaine, qui constitue l'une des principales richesses du pays, mérite toute l'attention des parties prenantes. Un débat avait lieu, fin mars 2023, sur ce sujet, au siège de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb). En 2022, un peu plus de la moitié des TPE du secteur (52%) sont intervenues sur ce segment d'activité - une part en baisse par rapport à 2018 (61%). D'après une étude réalisée par Xerfi pour la Capeb, ce marché représentait l'an dernier 25% du chiffre d'affaires des artisans.
Difficultés de recrutement avérées
A l'instar d'autres secteurs d'activité, le manque de main-d'œuvre et de formation a tendance à freiner l'activité et à faire perdre les savoir-faire. "La formation est aujourd'hui un acte de survie", rappelle pourtant Sébastien Laveaux, artisan couvreur. "Ne pas former, c'est laisser mourir les techniques. Aujourd'hui, la transmission des pratiques se fait sur le tas, tout n'est pas bordé. Mais nous n'y arriverons pas seul", ajoute celui qui en appelle à la mise en place d'une formation spécifique. Pour 48% des chefs d'entreprise interrogés par la Capeb et Xerfi, recruter de la main-d'œuvre dans le domaine du patrimoine est encore plus difficile que pour des métiers classiques.
Le numérique, complément "nécessaire" au patrimoine
L'un des motifs d'espoir est "l'intérêt" des jeunes de la génération Z pour la "culture du geste", avance de son côté Eric Le Dévéhat, président de l'Union nationale artisanale (UNA) des métiers du plâtre de la Capeb. L'intégration du numérique est également un attrait à ne pas négliger. "C'est un complément nécessaire au patrimoine", avance même Gabriel Turquet de Beauregard (ABF). "La preuve en est que l'on voit souvent des géants de ce secteur s'installer dans des immeubles patrimoniaux, comme Google France dans un hôtel particulier parisien. Il faut rappeler cette réalité aux maîtres d'ouvrage."
Créer des porosités entre les corps de métier
Fabienne Fendrich, architecte urbaniste en chef de l'État au ministère de la Culture souhaite, elle, voir naître une véritable chaîne de savoir-faire qui inclurait l'ensemble des intervenants. "Nous ne pouvons pas être dans une situation de segmentation entre architectes, artisans et maîtres d'ouvrage", estime-t-elle. "Nous devons créer des porosités entre ces domaines, par exemple pour que les artisans puissent travailler et apprendre auprès des architectes", et vice-et-versa.
La Capeb a également profité de l'occasion pour rappeler l'existence de son certificat d'identité professionnelle (CIP) mention patrimoine, créé en 1998. Cette distinction s'adresse aux entreprises souhaitant valoriser leurs compétences dans ce domaine. "Faites vivre le CIP patrimoine !", a ainsi demandé un artisan lors des échanges avec la salle. "Avec ce bagage, vous allez vous faire répertorier, vous serez reconnu, repéré."