ETUDE. Plusieurs organisations professionnelles du BTP publient la 5e édition du baromètre Arti Santé dont les chiffres sur la santé des artisans s'avèrent inquiétants : 58% des chefs d'entreprises se sentiraient stressés, avec notamment une hausse des troubles émotionnels, et les rythmes de travail continueraient à s'alourdir pour eux. Focus.
La Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment (Capeb), la Chambre nationale de l'artisanat, des travaux publics et paysagistes (CNATP) ainsi que le pôle spécialisé dans la santé et la sécurité Iris-ST, viennent de rendre publics les résultats du 5e baromètre Arti Santé sur l'état de forme des chefs d'entreprises artisanales de la construction. Et les chiffres qui en ressortent sont pour la plupart inquiétants : après quatre années d'augmentation de leur optimisme, les artisans ont été moins enthousiastes en 2018 (-10 points) et souffriraient même de plus en plus de troubles émotionnels (+9 points). Cette enquête nationale portant sur les conditions de travail et la santé des artisans du BTP, menée auprès de 2.000 professionnels du secteur, indique néanmoins une légère amélioration de leur état de santé : ils sont certes encore 30% à se déclarer en mauvaise forme, mais ils étaient 39% dans ce cas en 2017.
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Plus de stress, plus de fatigue, plus de troubles émotionnels et donc plus de risques dépressifs
Malgré cela, les chefs d'entreprises artisanales restent majoritairement préoccupés : 58% d'entre eux se disent stressés, avec une intensification notable de 15 points en un an. Les causes ? Des démarches administratives de plus en plus lourdes, une charge de travail toujours aussi importante, des contraintes de délais toujours plus serrés et un manque de repos handicapant. Le stress impactant inévitablement la qualité comme la quantité de sommeil, 59% des artisans affirment se sentir très fatigués. Corollairement à ce stress, les troubles émotionnels seraient en forte hausse : 33% des personnes interrogées déclarent souffrir de nervosité, d'irritabilité et d'angoisse, contre 24% en 2017. Et parallèlement, les chefs d'entreprises sont de moins en moins optimistes sur l'activité de leurs structures et, plus largement, du secteur, avec un retrait de 10 points en 12 mois (à 40%) ; un chiffre paradoxal puisqu'ils sont pourtant 60% à avoir constaté une progression de leur activité en 2018.
"Malgré une légère amélioration de l'état de santé des artisans du BTP, les voyants sont au rouge en ce qui concerne notamment les troubles émotionnels qui les touchent de plus en plus", regrette Patrick Liébus, le président de la Capeb. "Notre baromètre Arti Santé met en évidence un phénomène d'épuisement lié au redémarrage de l'activité dans le secteur du bâtiment. A cela s'ajoute la baisse des carnets de commandes des deux derniers trimestres, qui empêche les artisans d'avoir une vision à long terme. Les artisans sont ainsi stressés et surmenés, ce qui se répercute sur leur vie personnelle et leur santé."
65% des artisans travaillent plus de 50 heures par semaine
L'une des raisons à cette situation n'est autre que le rythme de travail des artisans du bâtiment, toujours particulièrement soutenu. L'année 2018 aura ainsi symbolisé une nouvelle intensification de ce phénomène : 65% d'entre aux travaillent plus de 50 heures par semaine (ils étaient 63% en 2017), et 26% plus de 60 heures (24% en 2017). De plus, les horaires de travail ne se limitent pas nécessairement à la semaine de 5 jours : les chefs d'entreprises artisanales sont 59% à travailler systématiquement ou régulièrement les weekends, à cause d'une charge de travail toujours plus vaste, allant de la gestion administrative à la réalisation des devis en passant par la supervision des chantiers.
Il faut noter une statistique positive dans cette étude : celle des congés. En effet, les artisans sont de plus en plus nombreux à prendre 4 à 6 semaines de vacances - ils ne sont plus que 31% à ne s'octroyer que 2 semaines de congés, contre 37% en 2014. S'émanciper du rythme et du cadre de travail pendant quelques jours ne signifie toutefois pas une déconnexion totale avec son environnement professionnel : 50% des dirigeants du secteur continuent à consulter leurs mails quotidiennement durant leurs vacances.
"Le volume d'heures de travail de nos chefs d'entreprises artisanales demeure toujours très élevé. Celui-ci l'est particulièrement pour nos petites structures où toutes les responsabilités pèsent sur la même personne", analyse la présidente de la CNATP, Françoise Despret. "Dans un monde de plus en plus procédurier, nous constatons malheureusement depuis de nombreuses années une part de l'activité dédiée aux parties administratives non-productives toujours plus chronophage, et d'autre part l'évolution des mentalités des clients toujours plus exigeants sur les délais de réponse à leurs devis."
Des visites chez le médecin extrêmement rares voire inexistantes
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Enfin, les chiffres relatifs au suivi médical des artisans du BTP sont bien loin d'être satisfaisants : seulement 11% d'entre eux sont suivis médicalement pour leur activité professionnelle - ils étaient 13% en 2017 - et 56% consultent leur médecin généraliste à de très rares occasions, voire jamais. La principale raison invoquée est le manque de temps. Pour les organisations professionnelles du secteur, ce constat indique qu'un important travail de sensibilisation doit être mené pour les inciter à s'inscrire davantage dans des démarches de prévention. Et pourtant, les artisans déclarent porter de plus en plus d'attention aux conséquences de leur activité sur leur santé, ce qui peut entre autres se traduire par l'acquisition d'équipements permettant une amélioration de leurs conditions de travail. D'après le baromètre, 66% des sondés affirment souffrir de TMS (troubles musculo-squelettiques), un chiffre en recul pour la troisième année consécutive, ce dont se félicitent évidemment les acteurs du secteur puisque les TMS constituent toujours la principale cause d'accidents du travail dans le BTP.
En conclusion, Patrick Liébus attire une nouvelle fois l'attention sur les actions de prévention à mettre en place : "Les résultats de notre baromètre concernant le suivi médical des artisans sont inquiétants et doivent servir de base pour initier des actions de prévention et de sensibilisation. Nous défendons le principe d'un suivi régulier, annuel, pour les chefs d'entreprises artisanales du bâtiment."