Batiactu : Autre gros sujet d'actualité : le compte pénibilité…
Jacques Chanut :
Un tsunami pour la profession ! Inapplicable pour 99.9% des entreprises ! Au moment où on parle de simplification, on imagine la plus grosse usine à gaz qui n'ait jamais été inventée dans ce pays. Au moment où on parle d'économies de charges, pour justement éviter des distorsions de concurrence trop fortes, le coût peut aller jusqu'à 1.8% sur la masse salariale. Je le dis très clairement : la mise en application de ce système va rendre l'ensemble des entreprises françaises du bâtiment dans une insécurité juridique forte. Il y aura des tensions importantes avec les compagnons, une dégradation sociale, un appel d'air énorme aux travailleurs détachés puisque cette bonne idée n'est évidemment pas exportée ! On est en train, avec ce système, d'instaurer le modèle économique que l'on combat tous. C'est incohérent ! On demande donc à minima qu'on ait un retour d'expérience sur cette mesure, avec une analyse de l'impact qu'elle peut avoir. Arrêtons le massacre ! Peu importe ce qu'il ressort du rapport de Michel de Virville, c'est la décision politique qui est en jeu. Est-on prêt à un niveau politique à assumer que ce système ne puisse pas être appliqué par les entreprises, et de fait, les inciter à aller chercher de la main-d'œuvre détachée à l'étranger ? On marche sur la tête et pour des raisons politiques !

 

Batiactu : Quelle peut être l'issue alors ?
Jacques Chanut :
On avait un accord signé en 2011 sur la pénibilité, avec une prévention active, un suivi individualisé et médicalisé… bref, on s'en occupe, merci ! Là on nous rajoute un système que l'on ne peut pas mettre en place, et surtout une petite taxe en plus. Trop, c'est trop ! Personnellement, je suis vraiment inquiet : j'ai peur que ce soit la goutte d'eau qui fasse déborder le vase quant à l'exaspération des entrepreneurs. De l'exaspération au découragement, il n'y a qu'un pas et j'ai peur qu'il y ait une rupture. On attend donc du bon sens de la part des politiques.

 

Batiactu : Enfin, dernier dossier, celui des normes de construction…
Jacques Chanut :
Pour le coup, il y a sur ce sujet des vraies avancées. Le système est en route, les choses semblent pouvoir aboutir, avec des prises de position concrètes. L'arrivée de Thierry Mandon au poste de secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de la Réforme de l'Etat et de la Simplification, est un signe positif. Preuve que la simplification est une priorité nationale. J'espère juste qu'il y aura un temps réduit entre l'annonce, les décrets et leur mise en place.
Sur cette question des normes, je pense que c'est une bêtise partagée, à laquelle nous avons nous-mêmes participé, soit pour protéger le client ou un modèle de fabrication… A la base, chaque norme part d'un bon sentiment ; le problème aujourd'hui, c'est l'accumulation de ces normes. Il faut donc que l'on balaie devant notre porte et qu'on adopte une approche plus simple et surtout de l'accepter quitte à faire des sacrifices en termes techniques. Pragmatisme ! Simplifier, c'est se calmer sur l'évolution des normes.

 

Batiactu : Quel message d'espoir voulez-vous faire passer ?
Jacques Chanut :
Je vais m'employer à donner une nouvelle image à nos métiers. Tout n'est pas noir, il y a des besoins d'un côté, des entreprises compétentes de l'autre, ce qu'il faut c'est créer une ligne budgétaire dédiée forte, visible et durable pour relancer l'activité du bâtiment, qui est le meilleur pourvoyeur d'emploi local qui existe. On ne peut pas nous demander d'être raisonnable alors qu'on est en train de mourir ! Enfin, ce qui peut aider à repartir, c'est la confiance quant à l'avenir et notre activité. Le pays ne repartira pas sans nous !

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