Le centre de recherche Vitapole de Danone allie technologie industrielle et esprit de nature. Pour ce faire, la démarche HQE a été poussée très loin par les architectes d'Architecture Studio. Un exemple parmi d'autres : pour la façade, la traditionnelle technique du bloc-cadre aluminium a été transposée en douglas...
Au milieu des blés du plateau de Saclay, juste en face du campus de l'école polytechnique, le centre de recherche de Danone sort de terre. Fruit d'un concours à 10 participants, la solution d'Architecture Studio (AS) a été retenue comme le meilleur compromis entre un nouveau type de programme, un site vierge et une économie industrielle. Le projet se découpe en 4 parties : les pilotes industriels, les bureaux, les laboratoires et les stockages.
Le bâtiment s'organise autour des pilotes (sorte de prototype d'usine) pour en constituer le ferment. De part et d'autre se greffent des ailes de bureaux et les laboratoires sur un niveau d'étage. À la rencontre des deux, la toiture, de forme extrudée, fait un ressaut pour accueillir l'étage technique. Même si le bâtiment n'est pas conçu pour s'ouvrir au public, la maîtrise d'ouvrage souhaitait concilier la vocation industrielle du lieu avec l'état d'esprit naturel qui règne au sein de Danone.
La démarche HQE marie nature et technologie
Cette dualité constitue la pierre d'achoppement du projet développé par AS. Cette opposition se manifeste dans le projet par la démarche HQE (haute qualité environnementale). Démarche globale s'il en est, elle règle toutes les performances énergétiques du bâtiment depuis la gestion thermique (compacité) jusqu'à la relation lumineuse avec l'extérieur (déclinaison de premier, second, voire troisième jour) en passant par l'aération naturelle des locaux (grâce à l'ouverture possible des fenêtres). Des patios intérieurs font pénétrer la nature juste au coeur du bâtiment, côtoyant en cela le processus industriel. Autre avantage de ces patios : ils défragmentent la surface vitrée et la démultiplient. L'aspect compact de l'ouvrage est ainsi rompu grâce à ces coupures.
À l'extérieur, le centre se protège du soleil grâce à des stores en bois doublé par des rideaux de végétation (houblon et vigne vierge sont suspendus à des treilles depuis la toiture). Cette protection solaire, d'un type nouveau, permettra aussi de servir de camouflage naturel au bâtiment qui se fondra directement dans son environnement. Il faut dire que le site est exceptionnel, vierge de toute construction et entouré de forêt.
Ce projet, de type industriel, utilise les techniques de grande série. Pour se rapprocher de la démarche HQE, les architectes ont développé trois types de façades, deux en aluminium (bloc cadre avec remplissage verrier et panneau mixte tôlé) et une en bois (bloc cadre en douglas lamellé-collé ).
Chaque technique est inventive
Ces trois façades fonctionnent sur le même principe de mur-rideau cadre. " Avec ce type de programme et cette technologie, on peut dire que cette façade en douglas est une première en France ", déclare Michel Mourot, p.-d.g. de CEEF, le bureau d'étude conseil de façade. Complètement calqué sur l'aluminium, le mur-rideau constitue un transfert de technologie d'un matériau sur l'autre. " Ce bâtiment ne met en oeuvre que des techniques simples et connues. Par contre, l'inventivité est partout. Chaque technique, dans sa situation et son mode d'application, est nouvelle ", explique Laurent Marc Fischer d'Architecture Studio. Les modules de façade sont complètement fabriqués et finis en usine. La trame de 90 cm épouse le galbe de la façade et évite une trop grande facétisation de la façade principale. " À l'origine, la structure métallique qui sert de raidisseur était une trame de poteau rond (139,7 mm par 14 mm d'épaisseur). Mais pour des raisons de dévêtissement du verre, nous avons été obligés de passer avec des poteaux elliptiques (220 x 110 x 8 mm) pour élargir l'entraxe utile ", explique Thierry Duffait, directeur technique chez Bluntzer SA, façadier du projet.
Le montage de la façade reprend le principe de pose de la tuile. Chaque cadre recouvre l'autre par une partie mâle qui recouvre la partie femelle. Pour cela, le montage des différents blocs-cadres est orienté latéralement.
Une astucieuse conception de pose des modules
Contrairement à l'idée de suspension que laisse supposer la technique de mur-rideau, les modules de la façade sont posés de bas en haut. Les raidisseurs métalliques permettant de remplacer les nez de plancher traditionnellement utilisés dans ce type de technologie. Hormis le rez-de-chaussée ou les éléments sont standardisés, la bande intermédiaire et les éléments de hauteur variable sont tous répertoriés en usine pour être placés à un endroit précis du projet. " Nous avons eu peu de casse de verre sur le chantier. Mais, afin de nous prémunir des risques à venir, nous avons conçu un mode de dépose des modules indépendamment les uns des autres ", explique Thierry Duffait.
En effet, comme pour le tuilage, trois modules peuvent s'escamoter (en se comprimant) afin d'en dégager un quatrième. C'est l'espace de jonction des cadres (8 mm) qui permet de faire cela. " Le seul déboire que nous avons eu sur le chantier est un problème d'approvisionnement. Comme nous fonctionnons en flux tendu, nous avions tout au plus deux semaines de stock. Quand Saint-Gobain nous a annoncé la rupture de stock de poudre d'émail gris métal servant aux éléments de remplissage, nous n'avons pas pu suivre. "
Un transfert de technologie inventif
La constitution des montants en lamellé-collé a été sous-traitée par une équipe composée d'un scieur et d'un lamelleur. Les montants résultent d'un assemblage de 6 tranches de 50 mm collées. Cette technique évite l'emploi de bois massif trop imprécis sur de telles quantités ou trop dispendieux de matière, ce qui aurait grevé le budget.
En plus, les contraintes de torsion, de gerce, de fissuration sont, par elles-mêmes, éliminées. Les montants lamellés-collés sont pratiquement inertes. Finalement, à partir d'une logique de programme, d'une démarche architecturale HQE, et d'un transfert de technologie, le centre de recherche de Danone démontre qu'avec un peu d'inventivité il est possible d'innover sans faire plus cher ni plus compliqué. Parfois, des contraintes antinomiques peuvent devenir signifiantes. Nature et technologie ne s'opposent pas toujours. Même, parfois, l'une transcende l'autre pour créer la technologie de demain.
Emmanuel Vicarini
Vitapole : centre de recherche et de développement industriel de Danone
Lieu : plateau de Saclay (91)
Maîtrise d'ouvrage : Frédéric Roumegoux et M. Poiroux, Danone
Maîtrise d'oeuvre : Laurent-Marc Fischer, Architecture Studio (75)
Bureau d'études : façade, Michel Mourot, CEEF ; bois, Jean-Louis Vigier, Silva conseil
Calendrier : concours, juillet 00 ; VRD, janvier 01 ; fondation, mai 01 ; livraison, juillet 02
Surface : 30 000 m2 (250 m x 150 m) ; 10 000 m2 de façade alu et douglas
Coût : marché, 35 millions d'euros HT ; façade, 4,57 millions d'euros HT
Façadier : Thierry Duffait, Bluntzer SA (88)
Le bâtiment s'organise autour des pilotes (sorte de prototype d'usine) pour en constituer le ferment. De part et d'autre se greffent des ailes de bureaux et les laboratoires sur un niveau d'étage. À la rencontre des deux, la toiture, de forme extrudée, fait un ressaut pour accueillir l'étage technique. Même si le bâtiment n'est pas conçu pour s'ouvrir au public, la maîtrise d'ouvrage souhaitait concilier la vocation industrielle du lieu avec l'état d'esprit naturel qui règne au sein de Danone.
La démarche HQE marie nature et technologie
Cette dualité constitue la pierre d'achoppement du projet développé par AS. Cette opposition se manifeste dans le projet par la démarche HQE (haute qualité environnementale). Démarche globale s'il en est, elle règle toutes les performances énergétiques du bâtiment depuis la gestion thermique (compacité) jusqu'à la relation lumineuse avec l'extérieur (déclinaison de premier, second, voire troisième jour) en passant par l'aération naturelle des locaux (grâce à l'ouverture possible des fenêtres). Des patios intérieurs font pénétrer la nature juste au coeur du bâtiment, côtoyant en cela le processus industriel. Autre avantage de ces patios : ils défragmentent la surface vitrée et la démultiplient. L'aspect compact de l'ouvrage est ainsi rompu grâce à ces coupures.
À l'extérieur, le centre se protège du soleil grâce à des stores en bois doublé par des rideaux de végétation (houblon et vigne vierge sont suspendus à des treilles depuis la toiture). Cette protection solaire, d'un type nouveau, permettra aussi de servir de camouflage naturel au bâtiment qui se fondra directement dans son environnement. Il faut dire que le site est exceptionnel, vierge de toute construction et entouré de forêt.
Ce projet, de type industriel, utilise les techniques de grande série. Pour se rapprocher de la démarche HQE, les architectes ont développé trois types de façades, deux en aluminium (bloc cadre avec remplissage verrier et panneau mixte tôlé) et une en bois (bloc cadre en douglas lamellé-collé ).
Chaque technique est inventive
Ces trois façades fonctionnent sur le même principe de mur-rideau cadre. " Avec ce type de programme et cette technologie, on peut dire que cette façade en douglas est une première en France ", déclare Michel Mourot, p.-d.g. de CEEF, le bureau d'étude conseil de façade. Complètement calqué sur l'aluminium, le mur-rideau constitue un transfert de technologie d'un matériau sur l'autre. " Ce bâtiment ne met en oeuvre que des techniques simples et connues. Par contre, l'inventivité est partout. Chaque technique, dans sa situation et son mode d'application, est nouvelle ", explique Laurent Marc Fischer d'Architecture Studio. Les modules de façade sont complètement fabriqués et finis en usine. La trame de 90 cm épouse le galbe de la façade et évite une trop grande facétisation de la façade principale. " À l'origine, la structure métallique qui sert de raidisseur était une trame de poteau rond (139,7 mm par 14 mm d'épaisseur). Mais pour des raisons de dévêtissement du verre, nous avons été obligés de passer avec des poteaux elliptiques (220 x 110 x 8 mm) pour élargir l'entraxe utile ", explique Thierry Duffait, directeur technique chez Bluntzer SA, façadier du projet.
Le montage de la façade reprend le principe de pose de la tuile. Chaque cadre recouvre l'autre par une partie mâle qui recouvre la partie femelle. Pour cela, le montage des différents blocs-cadres est orienté latéralement.
Une astucieuse conception de pose des modules
Contrairement à l'idée de suspension que laisse supposer la technique de mur-rideau, les modules de la façade sont posés de bas en haut. Les raidisseurs métalliques permettant de remplacer les nez de plancher traditionnellement utilisés dans ce type de technologie. Hormis le rez-de-chaussée ou les éléments sont standardisés, la bande intermédiaire et les éléments de hauteur variable sont tous répertoriés en usine pour être placés à un endroit précis du projet. " Nous avons eu peu de casse de verre sur le chantier. Mais, afin de nous prémunir des risques à venir, nous avons conçu un mode de dépose des modules indépendamment les uns des autres ", explique Thierry Duffait.
En effet, comme pour le tuilage, trois modules peuvent s'escamoter (en se comprimant) afin d'en dégager un quatrième. C'est l'espace de jonction des cadres (8 mm) qui permet de faire cela. " Le seul déboire que nous avons eu sur le chantier est un problème d'approvisionnement. Comme nous fonctionnons en flux tendu, nous avions tout au plus deux semaines de stock. Quand Saint-Gobain nous a annoncé la rupture de stock de poudre d'émail gris métal servant aux éléments de remplissage, nous n'avons pas pu suivre. "
Un transfert de technologie inventif
La constitution des montants en lamellé-collé a été sous-traitée par une équipe composée d'un scieur et d'un lamelleur. Les montants résultent d'un assemblage de 6 tranches de 50 mm collées. Cette technique évite l'emploi de bois massif trop imprécis sur de telles quantités ou trop dispendieux de matière, ce qui aurait grevé le budget.
En plus, les contraintes de torsion, de gerce, de fissuration sont, par elles-mêmes, éliminées. Les montants lamellés-collés sont pratiquement inertes. Finalement, à partir d'une logique de programme, d'une démarche architecturale HQE, et d'un transfert de technologie, le centre de recherche de Danone démontre qu'avec un peu d'inventivité il est possible d'innover sans faire plus cher ni plus compliqué. Parfois, des contraintes antinomiques peuvent devenir signifiantes. Nature et technologie ne s'opposent pas toujours. Même, parfois, l'une transcende l'autre pour créer la technologie de demain.
Emmanuel Vicarini
Vitapole : centre de recherche et de développement industriel de Danone
Lieu : plateau de Saclay (91)
Maîtrise d'ouvrage : Frédéric Roumegoux et M. Poiroux, Danone
Maîtrise d'oeuvre : Laurent-Marc Fischer, Architecture Studio (75)
Bureau d'études : façade, Michel Mourot, CEEF ; bois, Jean-Louis Vigier, Silva conseil
Calendrier : concours, juillet 00 ; VRD, janvier 01 ; fondation, mai 01 ; livraison, juillet 02
Surface : 30 000 m2 (250 m x 150 m) ; 10 000 m2 de façade alu et douglas
Coût : marché, 35 millions d'euros HT ; façade, 4,57 millions d'euros HT
Façadier : Thierry Duffait, Bluntzer SA (88)