Soixante ans après la destruction du Havre par l'aviation britannique, la ville a entamé les démarches pour faire classer son architecture de la Reconstruction, longtemps décriée pour sa froideur, au patrimoine mondial de l'Unesco. Réponse en juillet prochain.
Le 5 septembre 1944, vers 17h00, des appareils de reconnaissance britanniques larguent des fusées éclairantes qui délimitent soigneusement le coeur de la ville. Quelques minutes plus tard, le ciel devient noir d'avions et plus de 30.000 bombes tombent sur la ville qui s'embrase. L'opération fondée sur la méthode du "tapis de bombes" utilisée contre les villes allemandes est "techniquement" un succès, selon un aviateur britannique.
Les bombardements aériens se poursuivront les jours suivants avant l'entrée en action des canons de marine. Les troupes anglo-canadiennes au sol lancent l'opération Astonia le 10 et libèrent le surlendemain une ville réduite à l'état de ruines. Près de 1.800 civils ont été tués et 85% des habitations détruites.
La reconstruction de la ville est confiée à l'architecte Auguste Perret, chef de file de l'école néo-classique française, qui vient au Havre avec des idées bien arrêtées. "Nous allons enfin montrer aux Américains (qui débarquaient au Havre par les transatlantiques, NDLR) ce qu'est une ville moderne", affirme-t-il devant le conseil municipal en 1945.
Sur les 150 hectares du centre-ville, il conçoit une ville neuve quadrillée par des rues orthogonales et composée d'îlots d'immeubles réguliers en béton armé préfabriqué. La trame ancienne des rues n'est la plupart du temps pas conservée et toutes les constructions antérieures qui ont survécu aux bombardements sont détruites.
Caractère "très aéré" de la ville
Mais cette architecture uniforme et fonctionnelle suscite aussitôt beaucoup de désarroi chez les Havrais nostalgiques de leur ville ancienne dont les vieilles cartes postales nous disent qu'elle ressemblait, avec ses maisons à pans de bois, à Honfleur (Calvados), l'autre cité portuaire de l'estuaire de la Seine. "Mon père me disait toujours qu'avec cette reconstruction, Le Havre avait perdu son âme", dit Claude, une psychothérapeute de 48 ans.
Il faudra attendre les années 90 pour que ce regard négatif s'estompe peu à peu, en particulier chez les jeunes générations qui n'ont pas connu la ville d'avant-guerre. Elles apprécient le caractère "très aéré" de la ville, la circulation "qui est facile" ou encore les appartements Perret, "bien conçus et qui ont bien vieilli".
Le Havre devient même une référence pour les écoles d'architecture, qui trouvent ici l'exemple le plus achevé d'un urbanisme de la Reconstruction ayant refusé tout compromis avec le passé. Ce début de reconnaissance s'est traduit en 1995 par le classement du centre reconstruit en zone de protection puis en janvier dernier par le dépôt par la France d'une demande d'inscription au patrimoine mondial de l'Unesco au titre de l'urbanisme contemporain.
L'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco), qui statue en fonction de "la valeur universelle" du bien candidat, doit donner sa réponse en juillet 2005. Seules trois réalisations contemporaines figurent déjà, en Europe, au patrimoine mondial: l'aciérie de Volklingen et les sites du Bauhaus en Allemagne, ainsi que le parc Güell de l'architecte Antonio Gaudi à Barcelone (Espagne).
Les bombardements aériens se poursuivront les jours suivants avant l'entrée en action des canons de marine. Les troupes anglo-canadiennes au sol lancent l'opération Astonia le 10 et libèrent le surlendemain une ville réduite à l'état de ruines. Près de 1.800 civils ont été tués et 85% des habitations détruites.
La reconstruction de la ville est confiée à l'architecte Auguste Perret, chef de file de l'école néo-classique française, qui vient au Havre avec des idées bien arrêtées. "Nous allons enfin montrer aux Américains (qui débarquaient au Havre par les transatlantiques, NDLR) ce qu'est une ville moderne", affirme-t-il devant le conseil municipal en 1945.
Sur les 150 hectares du centre-ville, il conçoit une ville neuve quadrillée par des rues orthogonales et composée d'îlots d'immeubles réguliers en béton armé préfabriqué. La trame ancienne des rues n'est la plupart du temps pas conservée et toutes les constructions antérieures qui ont survécu aux bombardements sont détruites.
Caractère "très aéré" de la ville
Mais cette architecture uniforme et fonctionnelle suscite aussitôt beaucoup de désarroi chez les Havrais nostalgiques de leur ville ancienne dont les vieilles cartes postales nous disent qu'elle ressemblait, avec ses maisons à pans de bois, à Honfleur (Calvados), l'autre cité portuaire de l'estuaire de la Seine. "Mon père me disait toujours qu'avec cette reconstruction, Le Havre avait perdu son âme", dit Claude, une psychothérapeute de 48 ans.
Il faudra attendre les années 90 pour que ce regard négatif s'estompe peu à peu, en particulier chez les jeunes générations qui n'ont pas connu la ville d'avant-guerre. Elles apprécient le caractère "très aéré" de la ville, la circulation "qui est facile" ou encore les appartements Perret, "bien conçus et qui ont bien vieilli".
Le Havre devient même une référence pour les écoles d'architecture, qui trouvent ici l'exemple le plus achevé d'un urbanisme de la Reconstruction ayant refusé tout compromis avec le passé. Ce début de reconnaissance s'est traduit en 1995 par le classement du centre reconstruit en zone de protection puis en janvier dernier par le dépôt par la France d'une demande d'inscription au patrimoine mondial de l'Unesco au titre de l'urbanisme contemporain.
L'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco), qui statue en fonction de "la valeur universelle" du bien candidat, doit donner sa réponse en juillet 2005. Seules trois réalisations contemporaines figurent déjà, en Europe, au patrimoine mondial: l'aciérie de Volklingen et les sites du Bauhaus en Allemagne, ainsi que le parc Güell de l'architecte Antonio Gaudi à Barcelone (Espagne).