Quatrième portrait de notre série d’architectes nominés pour le Prix de l’architecture durable, découvrez l’Autrichien Hermann Kaufmann et par lui, le Vorarlberg, une région laboratoire d’idées de l’architecture durable.

Le Vorarlberg, une petite région d’Autriche de 2600 km2. Traditionnellement portée vers l’industrie du bois, elle connaît l’émergence d’un mouvement extraordinaire, issu d’une révolte de jeunes concepteurs à l’aube des années 80, les «Baukünstler», littéralement, «artistes du bâtiment», qui en a fait un laboratoire de l’architecture (voir encadré) centrée sur la durabilité, la simplicité et l’écologie. Parmi eux, Hermann Kaufmann, né en 1955, issu d’une longue lignée de charpentiers, dont tous les membres de la famille ou presque ont un rapport de près ou de loin avec le bois et le bâti. Les «Baukünstler» ont suivi les traces de leurs aïeux qui, dès les années 60, avaient posé les premières pierres de ce mouvement.

Une histoire de famille
Ainsi l’oncle d’Hermann, Leopold Kaufmann, s’était déjà illustré en développant des concepts de constructions en bois sortant de l’ordinaire, fondés sur les techniques de charpente. La famille Kaufmann inscrit également son entreprise comme un des leaders européens de la construction industrielle de «systèmes-bois». Le bureau d’études «Merz Kaufmann Partner», issu de l’association de l’entreprise familiale avec un ingénieur de renom, Konrad Merz, contribue également à des recherches pointues dans ce domaine. C’est pourquoi il n’est pas rare dans le Vorarlberg de croiser un bâtiment où le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre, le bureau d’études voire les habitants… se résume à une seule et même famille !

Un habitat écologique accessible
De son côté, Hermann Kaufmann, qui s’est associé à Christian Lenz, a créé son agence d’architecture à Schwarzach, toujours dans la région. Son idée, partagée par ses alliés du Vorarlberg, est de créer un habitat écologique accessible par tous. Le bois est son matériau de prédilection avec lequel il crée des bâtiments innovants et en recherche constante d’optimisation de la maîtrise de l’énergie. Il sera ainsi le maître d’œuvre de la première résidence passive (à basse consommation d’énergie, elle subvient à ses besoins énergétiques) de logement collectif. Ses «laboratoires» sont des maisons individuelles et aujourd’hui, ses travaux se tournent vers des bâtiments producteurs, dits «à énergie positive». Mais il se penche également sur la rénovation de bâtiments anciens. Enseignant, chercheur, l’architecte ne refuse pas pour autant les petits projets.
La passerelle couverte de Gaissau, conçue par l’architecte en 1999, est plus qu’un simple petit pont de bois. De par sa conception, elle marque symboliquement l’entrée dans le Vorarlberg. Une région, un matériau, une famille, une conception de l’architecture et du vivre ensemble… Le tout explique Hermann Kaufmann.

Pour découvrir un panorama, non exhaustif, des oeuvres d'Hermann Kaufmann, cliquez ici

Le Vorarlberg
L’histoire du Vorarlberg, dont la taille (2.600m2) n’est pas proportionnelle à sa renommée internationale, explique celle de l’architecte. Tout commence dans les années 60. Ces dernières voient l’émergence de maisons en bois dans la petite région industrielle, dont la conception révolutionne l’habitat. Portés par une réflexion écologique et humaniste, leurs concepteurs posent les premières pierres de ce qui deviendra «l’exception» du Vorarlberg.
L’idée part d’une ossature bois, dont les habitants ou concepteurs participent ensuite à l’amélioration pour en faire leur maison. La réputation de ce ‘Land’ s’amplifiant, l’Ordre National des architectes s’alerte du fait que plusieurs de ces constructeurs ne sont pas diplômés, profitant de la réglementation autorisant le non-recours à un architecte et la possibilité pour chaque famille de construire son propre pavillon. Défendant leurs idéaux sociaux et écologiques, les «Baukünstler» du Vorarlberg gagnent le conflit avec l’Ordre, notamment grâce au soutien de toute la région. Fort de leur succès populaire, ils obtiennent la réalisation d’équipements collectifs. Jusqu’à la création d’un Institut de l’Architecture dédié. La région a vu naître les premiers bâtiments d’architecture passive et reste à la pointe de l’architecture à économie d’énergie. Les «Baukünstler», dont fait partie Hermann Kaufmann, existent toujours, mus par leur complicité et leur approche commune de l’architecture. D’une trentaine de cabinets d’architecture dans les années 80, le Vorarlberg en compte aujourd’hui près de 150 ! Le critique d’art viennois Wolfgang Kos, cité par Otto Kapfinger dans une étude sur l’école d’architecture du Vorarlberg, explique qu’ici, l’architecture n’est plus une exception, mais elle «est devenue un devoir de citoyen.»

actionclactionfp