Profitant de la période électorale, François Pelegrin, président de l'Union des architectes (UNSFA) et Jean-François Susini, président du Conseil national de l'Ordre des architectes ont demandé au gouvernement d'intervenir contre "l'esprit et certaines dispositions" de deux projets de directives européennes qui pourraient être adoptées avant la fin de l'année.
Le représentant de l'Ordre des architectes et celui du principal syndicat professionnel se sont concertés pour écrire respectivement au ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon, et au Premier Ministre, Jean-Pierre Raffarin au sujet des projets de directives européennes sur les services, travaux et fournitures, et sur la reconnaissance des qualifications professionnelles.
Sans entrer dans le détail de ces directives européennes, et en filigrane des revendications des architectes, la question fondamentale est de savoir si l'on doit continuer à refaire une politique de " tout économique " ou si le gouvernement choisit de se donner les moyens d'intervenir " positivement " sur le cadre de vie des Français.
" La France paie cher, aujourd'hui, la fracture sociale engendrée par de multiples causes, parmi lesquelles figurent certaines de nos cités conçues selon un process industriel dont le peu d'humanisme n'a pas favorisé la qualité du cadre de vie. Si après la libération, la construction a dû principalement satisfaire des objectifs quantitatifs dictés par l'urgence, désormais, notre rôle à tous est de tirer leçon du passé et de forger de meilleures conditions de création de notre environnement bâti " rappelle François Pelegrin en préambule de son courrier adressé au Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin. " Les citoyens sont devenus légitimement exigeants en termes de confort et d'ambiance, d'harmonie des espaces publics et privés, d'équilibre entre minéral et végétal. Ils veulent être acteurs et pas seulement consommateurs. Ils seront de plus en plus demandeurs d'un objectif de développement durable " poursuit-il.
Ne pas confondre construction et architecture
Si ce constat fait l'unanimité, il semble pour l'UNSFA qu'il y ait un décalage profond entre les attentes des Français et la réalité. " Hélas, nous constatons que les modes de production actuels pourraient pérenniser cette logique technico-financière qui confond construction et architecture et qui, ainsi, fait obstacle à la prise en compte d'objectifs culturels, sociaux et environnementaux dans la création de nos lieux de vie " souligne le représentant des architectes.
Et celui-ci de citer en guise d'exemple d'actualité le projet de directive européenne sur les services, travaux et fournitures, actuellement en " co-décision ", et qui pourrait voir le jour avant la fin de l'année.
Pour les architectes français, les rédacteurs de ce projet " refusent de faire la différence entre la plupart des prestations de service, dont l'objet s'accommode parfaitement des lois du marché, et les prestations de création de notre cadre de vie que le Parlement a déclarées d'intérêt public, ce qui signifie qu'elles se situent au dessus des intérêts privés et commerciaux ". En clair, l'UNSFA demande au gouvernement que les conditions de création ou de réhabilitation des villes soient examinées avec un autre regard que celui du seul "marché".
Francois Pelegrin rappelle d'ailleurs au Premier Ministre la situation paradoxale dans laquelle se trouvent les architectes français. " L'Etat a formé des milliers d'architectes, compositeurs d'espaces et maîtres d'oeuvre de notre environnement, qui sont privés d'exercer pleinement leurs missions (intégrant des préoccupations d'intérêt public) en raison des logiques purement financières de leurs clients (dont le seul but est la rentabilité maximum de leur opération) ".
Pour l'UNSFA, l'urgence est de faire reconnaître la spécificité des marchés ayant trait à l'urbanisme et à l'architecture. C'est la seule manière de donner aux professionnels compétents les moyens de concevoir un meilleur cadre de vie dans l'intérêt bien compris de nos concitoyens indique le syndicat.
Un risque de nivellement par le bas des formations
Autre directive au coeur de l'actualité des architectes : celle portant sur la reconnaissance des qualifications professionnelles. L'idée de cette directive est d'intégrer dans un même système juridique simplifié et unique les directives sectorielles concernant les professions réglementées comme les médecins, vétérinaires, pharmacien... mais également les architectes.
Par la voix du Conseil des Architectes d'Europe, les professionnels ont donc appelé au maintien de certaines dispositions essentielles de la directive Architectes dans la nouvelle proposition.
Or, il semble que la nouvelle proposition n'a pas tenu compte de ces avis et des propositions des professionnels. Certaines dispositions inquiètent même l'Ordre des Architectes dont le président, Jean-François Susini, a adressé un courrier à Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture, pour l'alerter sur ce sujet.
Après lui avoir fait remarquer la curieuse exclusion des avocats de cette proposition, Jean-François Susini regrette que la Commission reprenne " stricto sensu " les dispositions de la directive 85/384/CE. " En effet, cette durée de formation ne correspond en rien à la réalité , puisque dans tous les pays de l'Union, la durée des études est d'au moins cinq ans. En outre, la Commission ne tient aucun compte de la dernière recommandation du comité consultatif pour la formation dans le domaine de l'architecture qui appelait les Etats membres à instituer une formation d'une durée de cinq ans suivie de deux années de stage pratique. Cette position est aussi, il faut le souligner celle adoptée par l'UIA et l'UNESCO " explique-t-il.
Pour l'Ordre des architectes, " l'on sent bien de manière encore sous-jacente, une tendance de plus en plus marquée de la Commission à privilégier l'expérience professionnelle et la formation continue au mépris de la formation universitaire ".
"Cette tendance ne serait bien évidemment pas condamnable en soi, si elle s'attachait simplement à assurer la flexibilité et la promotion sociale. Mais dès lors qu'elle accompagne et entérine de fait une dévalorisation des pratiques courantes de la formation initiale, nous ne pouvons que nous opposer très fermement à un processus qui tend, personne n'en est dupe, à satisfaire les lobbies de certaines écoles techniques, incapables d'assurer une qualité de formation identique à celles des écoles d'architecture. Pour preuve, on s'interrogera utilement sur les raisons qui ont poussé la Commission à réinscrire dans le corps même de la proposition, les fachhochschulen, écoles techniques allemandes assurant une formation courte, alors qu'elles auraient dû figurer, comme tous les autres écoles déjà prévues dans la directive de 85, à l'annexe V.7 de la proposition. C'est bien la démonstration aussi que la Commission n'a pas une lecture réaliste des pratiques et des savoirs, puisqu'elle associe au même plan architecture et cursus technique" précise l'Ordre.
Autre sujet de préoccupation de l'Ordre : la suppression du comité consultatif au profit d'un " comité comitologie " composé de fonctionnaires nationaux, et chargé de la gestion de la directive ainsi que de sa mise à jour. " Derrière ce néologisme barbare, se cache une procédure que nous jugeons anti-démocratique et dangereuse à terme pour la qualité de l'environnement bâti " explique Jean-François Susini.
En effet, selon l'Ordre " ce comité aura toute latitude pour émettre, à la majorité qualifiée, des avis sur la mise en oeuvre de la directive, sur les niveaux de connaissance et de qualification, mais aussi très vraisemblablement, car la directive ne le prévoit pas précisément, sur de nouveaux diplômes ou qualifications ".
Les architectes français souhaiteraient que le ministre de la Culture inscrive ces réflexions dans le cadre du Forum européen des politiques architecturales. L'idée étant de parvenir à une résolution commune qui viendrait en corollaire de la position unique prise par toutes les organisations professionnelles d'architecte au sein du Conseil des Architectes d'Europe.
Sans entrer dans le détail de ces directives européennes, et en filigrane des revendications des architectes, la question fondamentale est de savoir si l'on doit continuer à refaire une politique de " tout économique " ou si le gouvernement choisit de se donner les moyens d'intervenir " positivement " sur le cadre de vie des Français.
" La France paie cher, aujourd'hui, la fracture sociale engendrée par de multiples causes, parmi lesquelles figurent certaines de nos cités conçues selon un process industriel dont le peu d'humanisme n'a pas favorisé la qualité du cadre de vie. Si après la libération, la construction a dû principalement satisfaire des objectifs quantitatifs dictés par l'urgence, désormais, notre rôle à tous est de tirer leçon du passé et de forger de meilleures conditions de création de notre environnement bâti " rappelle François Pelegrin en préambule de son courrier adressé au Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin. " Les citoyens sont devenus légitimement exigeants en termes de confort et d'ambiance, d'harmonie des espaces publics et privés, d'équilibre entre minéral et végétal. Ils veulent être acteurs et pas seulement consommateurs. Ils seront de plus en plus demandeurs d'un objectif de développement durable " poursuit-il.
Ne pas confondre construction et architecture
Si ce constat fait l'unanimité, il semble pour l'UNSFA qu'il y ait un décalage profond entre les attentes des Français et la réalité. " Hélas, nous constatons que les modes de production actuels pourraient pérenniser cette logique technico-financière qui confond construction et architecture et qui, ainsi, fait obstacle à la prise en compte d'objectifs culturels, sociaux et environnementaux dans la création de nos lieux de vie " souligne le représentant des architectes.
Et celui-ci de citer en guise d'exemple d'actualité le projet de directive européenne sur les services, travaux et fournitures, actuellement en " co-décision ", et qui pourrait voir le jour avant la fin de l'année.
Pour les architectes français, les rédacteurs de ce projet " refusent de faire la différence entre la plupart des prestations de service, dont l'objet s'accommode parfaitement des lois du marché, et les prestations de création de notre cadre de vie que le Parlement a déclarées d'intérêt public, ce qui signifie qu'elles se situent au dessus des intérêts privés et commerciaux ". En clair, l'UNSFA demande au gouvernement que les conditions de création ou de réhabilitation des villes soient examinées avec un autre regard que celui du seul "marché".
Francois Pelegrin rappelle d'ailleurs au Premier Ministre la situation paradoxale dans laquelle se trouvent les architectes français. " L'Etat a formé des milliers d'architectes, compositeurs d'espaces et maîtres d'oeuvre de notre environnement, qui sont privés d'exercer pleinement leurs missions (intégrant des préoccupations d'intérêt public) en raison des logiques purement financières de leurs clients (dont le seul but est la rentabilité maximum de leur opération) ".
Pour l'UNSFA, l'urgence est de faire reconnaître la spécificité des marchés ayant trait à l'urbanisme et à l'architecture. C'est la seule manière de donner aux professionnels compétents les moyens de concevoir un meilleur cadre de vie dans l'intérêt bien compris de nos concitoyens indique le syndicat.
Un risque de nivellement par le bas des formations
Autre directive au coeur de l'actualité des architectes : celle portant sur la reconnaissance des qualifications professionnelles. L'idée de cette directive est d'intégrer dans un même système juridique simplifié et unique les directives sectorielles concernant les professions réglementées comme les médecins, vétérinaires, pharmacien... mais également les architectes.
Par la voix du Conseil des Architectes d'Europe, les professionnels ont donc appelé au maintien de certaines dispositions essentielles de la directive Architectes dans la nouvelle proposition.
Or, il semble que la nouvelle proposition n'a pas tenu compte de ces avis et des propositions des professionnels. Certaines dispositions inquiètent même l'Ordre des Architectes dont le président, Jean-François Susini, a adressé un courrier à Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture, pour l'alerter sur ce sujet.
Après lui avoir fait remarquer la curieuse exclusion des avocats de cette proposition, Jean-François Susini regrette que la Commission reprenne " stricto sensu " les dispositions de la directive 85/384/CE. " En effet, cette durée de formation ne correspond en rien à la réalité , puisque dans tous les pays de l'Union, la durée des études est d'au moins cinq ans. En outre, la Commission ne tient aucun compte de la dernière recommandation du comité consultatif pour la formation dans le domaine de l'architecture qui appelait les Etats membres à instituer une formation d'une durée de cinq ans suivie de deux années de stage pratique. Cette position est aussi, il faut le souligner celle adoptée par l'UIA et l'UNESCO " explique-t-il.
Pour l'Ordre des architectes, " l'on sent bien de manière encore sous-jacente, une tendance de plus en plus marquée de la Commission à privilégier l'expérience professionnelle et la formation continue au mépris de la formation universitaire ".
"Cette tendance ne serait bien évidemment pas condamnable en soi, si elle s'attachait simplement à assurer la flexibilité et la promotion sociale. Mais dès lors qu'elle accompagne et entérine de fait une dévalorisation des pratiques courantes de la formation initiale, nous ne pouvons que nous opposer très fermement à un processus qui tend, personne n'en est dupe, à satisfaire les lobbies de certaines écoles techniques, incapables d'assurer une qualité de formation identique à celles des écoles d'architecture. Pour preuve, on s'interrogera utilement sur les raisons qui ont poussé la Commission à réinscrire dans le corps même de la proposition, les fachhochschulen, écoles techniques allemandes assurant une formation courte, alors qu'elles auraient dû figurer, comme tous les autres écoles déjà prévues dans la directive de 85, à l'annexe V.7 de la proposition. C'est bien la démonstration aussi que la Commission n'a pas une lecture réaliste des pratiques et des savoirs, puisqu'elle associe au même plan architecture et cursus technique" précise l'Ordre.
Autre sujet de préoccupation de l'Ordre : la suppression du comité consultatif au profit d'un " comité comitologie " composé de fonctionnaires nationaux, et chargé de la gestion de la directive ainsi que de sa mise à jour. " Derrière ce néologisme barbare, se cache une procédure que nous jugeons anti-démocratique et dangereuse à terme pour la qualité de l'environnement bâti " explique Jean-François Susini.
En effet, selon l'Ordre " ce comité aura toute latitude pour émettre, à la majorité qualifiée, des avis sur la mise en oeuvre de la directive, sur les niveaux de connaissance et de qualification, mais aussi très vraisemblablement, car la directive ne le prévoit pas précisément, sur de nouveaux diplômes ou qualifications ".
Les architectes français souhaiteraient que le ministre de la Culture inscrive ces réflexions dans le cadre du Forum européen des politiques architecturales. L'idée étant de parvenir à une résolution commune qui viendrait en corollaire de la position unique prise par toutes les organisations professionnelles d'architecte au sein du Conseil des Architectes d'Europe.