Mardi 3 juin, plusieurs centaines d'architectes ont manifesté devant l'assemblée nationale contre le projet de réforme de la commande publique qui, selon eux, menace leur indépendance et la qualité de l'architecture au profit des grandes entreprises de BTP.

Plusieurs centaines d'architectes -1.500 selon les organisateurs- ont manifesté devant l'Assemblée nationale où les députés débattaient du projet de loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit par ordonnances l'autorisant du même coup à réformer les passations des marchés publics.

La grogne des architectes, qui couve depuis plusieurs semaines (voir A lire aussi), s'est manifestée au grand jour lors de l'inauguration mardi des "Premières rencontres de la maîtrise d'oeuvre", organisées pendant trois jours au Palais des Congrès à Paris.

Ce salon professionnel a servi de point ralliement à des professionnels de la maîtrise d'oeuvre particulièrement remontés contre le projet du gouvernement. Mardi, en fin de matinée, ils étaient venus en masse écouter leurs deux ministres de tutelle, Jean-Jacques Aillagon pour les architectes, et Gilles de Robien pour les ingénieurs, sociétés d'études et économistes de la construction.
Malgré des propos rassurants, les professionnels ont quitté le Palais des congrès où se tenaient ces Rencontres pour se rendre vers l'Assemblée Nationale.

Arborant des T-shirts sur lesquels on pouvait lire "Faim d'architecture", les manifestants - dont un grand nombre venu de province - entendaient démontrer que si la réforme prévue des modes de passation des marchés publics est technique en apparence, ses conséquences peuvent remettre en cause certains équilibres.

Les architectes n'ont pas pu rencontrer Jacques Barrot, président du groupe UMP à l'Assemblée, ce dernier s'étant déclaré indisponible en raison des négociations sur les retraites. Une délégation a toutefois été reçue par un conseiller du groupe UMP et les manifestants ont pu dialoguer avec Philippe de Villiers et François Bayrou sortis de l'hémicycle pour la circonstance.

"Conscients que seule une pression constante sur les pouvoirs publics et les élus pourra permettre d'empêcher la dérive ultra libérale vers laquelle semble vouloir se diriger le Premier Ministre, les architectes n'entendent pas en rester là : les régions fortement mobilisées prendront très prochainement le relais de cette initiative, et des Etats généraux seront réunis en octobre sur ce sujet" indique un communiqué de l'Ordre des architectes.

Rappelons que c'est la filière toute entière de la maîtrise d'oeuvre - architectes, urbanistes, ingénieurs, sociétés d'ingénierie, géomètres - s'insurge contre le développement des procédures de "conception-réalisation".

Pour les maîtres d'oeuvre, l'ordonnance va déboucher sur "le démantèlement, voire la disparition du tissu local des PME du bâtiment", sur "le retour des "modèles" et produits banalisés, mais aussi sur le retour des dérives, voire de nouveaux scandales financiers, bien connus en Ile-de-France.

"Conception-construction = corruption" pouvait-on d'ailleurs lire sur une banderole illustrant l'un des arguments forts des opposants à cette réforme. Un argument repris par à l'Assemblée par les députés de l'opposition. La veille des discussions, l'ancien secrétaire d'Etat PS aux collectivités locales Jean-Pierre Sueur avait publié une tribune enflammée dans le quotidien Le Monde. Pour le sénateur, "la machine à corruption est en marche". Comment ne pas voir qu'un tel dispositif ouvrirait la porte aux arrangements, pressions, favoritismes, rentes de situation et trafics d'influence de toute sorte ?" s'interroge-t-il.

Des doutes qui n'ont visiblement pas été partagés par la majorité des députés. Malgré l'opposition de la gauche et les critiques de l'UDF, le projet de loi a finalement été adopté mardi en deuxième lecture.

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