ENQUETE. A la suite du drame de la tour Grenfell, à Londres, la réglementation feu dans les bâtiments d'habitation va être revue en France. Au coeur des discussions : l'utilisation des isolants combustibles dans les immeubles de troisième et quatrième familles.
Après l'incendie de la tour Grenfell, à Londres, doit-on s'attendre à un tremblement de terre réglementaire en ce qui concerne l'utilisation des isolants combustibles en façade ? Les pouvoirs publics français ont annoncé, en juillet dernier, que les textes seraient revus, à la suite de la publication d'un premier rapport d'urgence du CSTB. Au coeur de la problématique, le sort qui sera fait aux isolants thermiques combustibles, utilisés sur certaines façades d'immeubles d'habitations notamment en troisième et quatrième familles - l'utilisation de produits combustibles en façade étant déjà interdite en immeuble de grande hauteur (IGH).
Plusieurs signes témoignent du fait qu'une réflexion porte précisément sur ce sujet. Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, avait ouvert le bal en pointant, dans un communiqué de presse, le "besoin de renforcer les exigences de résultats de la réglementation incendie des bâtiments, en particulier ceux faisant l'objet de travaux de rénovation pour mieux prendre en compte les nouveaux procédés constructifs". Avant d'insister sur un nécessaire travail de détermination des "bâtiments susceptibles de présenter des risques au regard d'un recours à un isolant thermique semblable à celui de la tour Grenfell". Batiactu avait fait le point sur les différents matériaux utilisés en façade sur cette fatidique tour.
Deux pistes seraient envisagées pour restreindre l'utilisation des isolants combustibles
Par ailleurs, dans le rapport du CSTB (consultable en ligne), de nombreuses observations et préconisations portent là-dessus. Les experts notent par exemple que la réglementation incendie est basée sur des textes dont certains sont anciens, notamment l'arrêté du 31 janvier 1986. De ce fait, elle ne tient pas compte de nouveaux modes constructifs qui se sont développés ces dernières années, en premier lieu l'utilisation massive du procédé d'isolation thermique par l'extérieur (ITE). "Celle-ci s'est fortement développée, avec l'accroissement de matériaux combustibles utilisés en isolation. Le risque de propagation du feu par la façade s'en retrouve potentiellement accru et des dispositions constructives existent afin d'en limiter la survenance. Néanmoins, on note que ce risque est pris en compte différemment suivant les réglementations et les pays. [...] On note de manière générale, que l'exigence de réaction au feu des revêtements de façades est plus contraignante chez nos voisins européens en particulier pour les bâtiments d'habitation dont la hauteur du plancher du dernier niveau dépasse les 8 mètres", peut-on lire page 21 du rapport.
"Des incendies qui passent d'un étage à l'autre, c'est notre quotidien", un pompier
D'après nos informations, deux pistes seraient envisagées. La ligne forte serait d'interdire tout bonnement l'utilisation d'isolants combustibles sur les immeubles de quatrième famille (28-50 mètres). La ligne douce, qui est apparemment privilégiée aujourd'hui, serait d'être plus exigeant sur la quantité de masse combustible en façade sur ces immeubles. Pourquoi ? Parce que cela serait plus simple à réformer, l'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation raisonnant déjà en termes de masse combustible.
Car bien sûr, un sinistre tel que celui qui est arrivé à Londres est envisageable en France - ne serait-ce qu'en vertu du fait que "le risque zéro n'existe pas". Ainsi, l'incendie de la tour Mermoz, à Roubaix, en 2012, nous le rappelle (voir vidéo ci-dessous). Mais aussi le commandant Didier Rémy, de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, que nous avons interrogé : "Des incendies sur un bâtiment où cela passe d'un étage à l'autre, c'est notre quotidien."
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