POINT DE VUE. Ben Derbyshire, président de l'Institut royal des architectes britanniques (Riba), estime que les architectes doivent reprendre le pouvoir dans le cadre de la construction de logements, à la suite de l'incendie de la tour Grenfell.
"Les architectes doivent reprendre le leadership dans le cadre de la construction de logements, après plusieurs décennies durant lesquelles ils ont été mis sur la touche du fait de l'utilisation de contrats complexes comme celui utilisé pour la tour Grenfell." C'est l'avis de Ben Derbyshire, président de l'Institut royal des architectes britanniques (Riba), interviewé par le Guardian.
En ligne de mire, le patron des architectes anglais pense aux contrats de "conception-construction", accusés d'avoir des effets néfastes sur la qualité des bâtis. D'après le Guardian, ces contrats font que l'architecte qui a conçu le bâtiment est ensuite 'remplacé' par un autre concepteur ou contractant qui dicte les instructions d'utilisation et d'application des composants. Ces contrats "sont aussi associés avec une ingénieie financière dans le cadre de laquelle l'architecte initial n'a pas son mot à dire sur les coupes budgétaires et la substitution des matériaux prévus par des matériaux moins chers", ajoute le Guardian.
L'architecte devrait garder la main "jusqu'au dernier coup de pinceau"
Or, c'est précisément ce qui semble s'être déroulé dans le cas de la tour Grenfell, comme Batiactu le rapportait le 30 juin dernier. "A Grenfell, l'architecte initial avait recommandé l'utilisation d'un bardage retardant la progression du feu, mais il a été ensuite remplacé par des panneaux inflammables", affirme le journal. L'économie réalisée aurait été de 320.000 euros pour le bardage.
"C'est une réalité dont l'ensemble de la société doit prendre conscience", affirme Ben Derbyshire, le patron des architectes britanniques. "Nous ne parlons pas ici de la qualité esthétique des bâtiments, nous parlons de leur performance environnementale, de leur qualité, de leur solidité, du souci du détail. [...] Nous, architectes, devenons très démoralisés en voyant des composants écologiques ou des revêtements être remplacés par des éléments de moindre qualité, à cause du modèle économique choisi." En conséquence, il souhaiterait que les architectes reprennent la maîtrise sur la construction de logements, et ce "jusqu'au dernier coup de pinceau". Et soient garants de la qualité générale des ouvrages et de la sécurité des habitants, sans mettre la rentabilité économique au premier plan.
La complexité normative ne touche pas que la France
Le président du Riba pointe également du doigt la réglementation en vigueur outre-Manche. "Nous avons maintes fois signalé que l'imbrication des différentes obligations et normes rendait la réglementation incroyablement difficile à appliquer et à interpréter." Un propos qui rappelle furieusement les remarques quotidiennes des patrons et architectes français.