ARCHITECTE. Les ministères de la Transition écologique et solidaire, de la Culture et du Logement ont conjointement lancé un groupe de réflexion portant sur la qualité d'architecture et d'usage des logements sociaux.
Bientôt un an après la promulgation de la loi Elan, les architectes et les bailleurs sociaux sont appelés à se retrouver autour de "la qualité d'usage et la qualité architecturale des logements sociaux", dans le cadre d'un groupe de réflexion, lancé par trois ministères de tutelle. La Transition écologique, la Culture et le Logement ont désigné Pierre-René Lemas, ancien directeur général de la Caisse des dépôts, pour piloter ce groupe.
D'après la lettre de mission que Batiactu a pu se procurer, celui qui préside aujourd'hui l'organisme France Active aura à "redéfinir le rôle et les missions des des différents acteurs intervenant dans le chantier", en prenant soin d'y associer "la qualité d'habiter, la qualité urbaine du cadre de vie, la durabilité et la performance environnementale des bâtiments".
"Ce groupe de travail était souhaité par le ministre du Logement Julien Denormandie après la loi Elan, et qui était en accord avec le ministère de la Culture: si l'on veut travailler sur la qualité des logements sociaux, il est important que cela se fasse de manière collégiale", précise le ministère de la Cohésion des Territoires, contacté par Batiactu.
"Cela répond à une demande du Cnoa de collaborer avec les bailleurs sociaux sur les modes opératoires pour concevoir, construire un cadre de vie répondant aux besoins d'aujourd'hui et adaptés aux évolutions de notre société", affirme Denis Dessus, président de l'Ordre des architectes auprès de Batiactu.
Ce groupe devrait d'abord être structuré sur deux niveaux: un premier restreint autour de Pierre-René Lemas, constitué d'architectes et de bailleurs sociaux. Il serait ensuite élargi à d'autres représentants de la profession d'architecte tels que le principal syndicat l'Unsfa, les autres métiers de la maîtrise d'oeuvre ainsi que les différentes familles du mouvement HLM, de même que la Fédération française du bâtiment (FFB). Une émanation de ces réflexions à l'échelle des territoires est souhaitée par les ministères.
Nouvelle réflexion sur le lien entre maîtrise d'ouvrage et maîtrise d'œuvre
Point phare de la loi Elan qui a longtemps mobilisé les architectes, la suppression de l'obligation d'organiser un concours d'architecture pour désigner la maîtrise d'œuvre d'un programme de logements sociaux. Ce groupe de réflexion est-il l'occasion de renouer le dialogue entre bailleurs sociaux et architectes ? "Je ne crois pas qu'il soit question de réconciliation, les bailleurs et architectes ont toujours travaillé ensemble (…) là, l'enjeu est d'un autre ordre, la loi Elan a ouvert une réflexion sur la nouvelle façon dont la maîtrise d'ouvrage doit travailler avec la maîtrise d'œuvre", juge Marianne Louis, directrice générale de l'Union sociale pour l'habitat (USH) auprès de Batiactu.
La préfiguration d'un tel dialogue avait déjà débuté avec le groupe de travail portant sur l'apport des architectes à la qualité de l'habitat, lancé en 2018 par l'ex-ministre de la Culture Françoise Nyssen, et présidé par Roland Peylet. Cette fois-ci, "il s'agit d'une initiative conjointe entre architectes et bailleurs sociaux pour tenter de construire quelque chose de nouveau (...) d'échanger les bonnes pratiques sur la commande publique, réfléchir au temps long des bâtiments pour ne pas se retrouver à signer des programmes de renouvellement urbain dans 40 ans, avoir un éventail de solutions qui réponde à la diversité des situations", plaide le ministère de la Cohésion des territoires à Batiactu.
Dégager des modes opératoires
D'ici le printemps 2020, le groupe de réflexion devra rendre l'ensemble de ses propositions, qui déboucheront probablement sur "un guide des bonnes pratiques", informe le ministère. Si les bailleurs sociaux n'ont plus pour obligation de désigner un architecte par voie de concours, "l'achat public, en ce qui concerne la maîtrise d'œuvre est complexe et à fort enjeu", rappelle Denis Dessus pour qui le groupe de pilotage permettra de dégager "des modes opératoires (…) pour obtenir, in fine, le meilleur projet dans l'intérêt du bailleur et des usagers".
Entrée en vigueur il y a bientôt un an, la loi Elan n'a pas totalement vu disparaître les concours d'architectes pour la maîtrise d'ouvrage sociale. Selon le président de l'Ordre des architectes, "de nombreux bailleurs continuent à utiliser cette procédure", de même que "les contrats de maîtrise d'œuvre sous le modèle MOP", soit la mission globale. Pour l'USH, ce nouveau groupe de réflexion pourrait être l'occasion de reposer le sujet de la mission complète de l'architecte : "il faut vraiment qu'il y ait un dialogue entre bailleurs et architectes (…) sur la question du coût, le déploiement du BIM, son articulation entre projet et gestion", espère Marianne Louis.
"Ce groupe devra aussi poser la question des relations, et doit permettre de dépasser certains débats sur la conception-réalisation par exemple, de regarder les projets où ça se passe bien et ceux où cela a été un échec", indique le ministère.
Pour piloter le groupe de travail sur la qualité d'usage et d'architecture dans le logement social, Pierre-René Lemas sera entourée de l'architecte Marie-Hélène Badia, de Nicolas Poirier, directeur du patrimoine d'Angers Loire Habitat et Hervé Fontaine, directeur du patrimoine et du renouvellement urbain chez ICF Habitat La Sablière. Le nom de Nicolas Prudhomme, directeur de la maîtrise d'ouvrage et des politiques patrimoniales de l'USH, est également confirmé.