DECRYPTAGE. Quelques semaines après la présentation de l'appel à projets "Réinventer Paris 2", dédié cette fois-ci aux sous-sols, l'heure est toujours au questionnement chez les professionnels de l'architecture. Quel intérêt présente ce nouveau format de concours public-privé ? Quels en sont ses limites ? Opportunité ou danger ? Réactions.

Dévoilés à chaque fois en grande pompe, les appels à projets, comme "Réinventer Paris", "Réinventer la Seine", "Inventons la Métropole" ou "Dessine-moi le Grand Paris de demain", suscitent toujours des interrogations chez les promoteurs, aménageurs, architectes et urbanistes franciliens et internationaux. Du côté des architectes, l'heure est encore au questionnement.

 

 

L'originalité de ces opérations tient dans sa méthode, qui consiste à inciter les promoteurs immobiliers à investir dans des projets novateurs et à se rapprocher d'architectes et de maîtres d'œuvre avec lesquels ils n'ont pas l'habitude de travailler. Mais ces initiatives ne sont pas toujours bien perçues par la profession. Dernier
exemple en date, la parodie d'un concours organisé par Yann Legouis, et baptisé "Réinventer Pourris". Une parodie diffusée le jour même de l'annonce de la saison 2 du concours international "Réinventer Paris", consacrée cette fois aux sous-sols.

 

Les avis divergent

 

"Avec Réinventer Paris 2, la mairie de Paris avait une occasion en or de rectifier le tir en changeant les règles du jeu, expliquait Yann Legouis. Repartir sur les mêmes modalités, faire porter le risque entièrement sur le secteur privé, malgré les réactions officielles, les nombreux articles sur le sujet... Ça a le mérite d'être franc et de constituer une véritable démarche."

 

"Ce sont souvent des plans de communication redoutables, de la part de Jean-Louis Missika, maire adjoint délégué à l'Architecture et l'Urbanisme de la Ville de Paris, nous le savons et nous le regrettons ! Et malheureusement, nos confrères sont prêt à tout pour gagner un projet notoire à Paris !", s'accordent également à dire de nombreux associés d'agences d'architectes, sous couvert d'anonymat.

 

L'Ordre des architectes, qui, le premier, a alerté sur ce format d'appel à projet en 2016, maintient sa position mais tempère sur la forme. Dans une tribune envoyée ce 14 juin 2017 à Batiactu, Catherine Jacquot, présidente du CNOA craint que les récents appels à projets fassent "plutôt penser à un repli sur soir." Elle prend l'exemple : "Paris réinvente Paris, avec des consultations internationales qui mobilisent des centaines d'équipes pour aménager des terrains en mal d'investisseurs et réhabiliter quelques dizaines de locaux en sous sol : des centaines de professionnels, maitres d'ouvrage, concepteurs, architectes y travaillent, s'affrontent pour offrir le meilleur projet."

 

Et s'interroge : "N'y a-t-il pas mieux à faire ? Quitte à faire travailler bénévolement maîtres d'ouvrage publics, privés et maîtrise d'œuvre que ce soit au moins pour être utile, que ce soit en connaissance des causes à servir !"

 

"L'innovation première serait d'inventer les procédures appropriées pour que l'architecture soit un bien commun accessible à tous", Catherine Jacquot CNOA

 

Pour Catherine Jacquot, "l'appel à projet est une formule qui fait flores, on le comprend, les collectivités locales y trouvent leur compte avec projets et charges foncières avantageuses, tant pis si parfois innovation rime avec exhibition."

 

Pourtant, "nous avons grand besoin de l'engagement des collectivités territoriales dans l'élaboration du cadre bâti et l'innovation première serait d'inventer les procédures appropriées pour que l'architecture soit un bien commun accessible à tous, dans le respect des acteurs professionnels et des habitants", complète-t-elle. Avant de conclure que "les besoins en investissement public sont importants dans plusieurs champs déterminants pour la vie quotidienne (…). C'est en ce sens que vont la Stratégie Nationale pour l'Architecture et la loi Liberté de création, architecture et patrimoine votée en juillet 2016 qui remettent la création architecturale au cœur de l'innovation et de la qualité des territoires et de l'habitat quotidien."

 

L'Unsfa en appelle à la responsabilité de chacun

 

 

Régis Chaumont, président de l'Unsfa, nous rappelle à ce jour que sa position n'a pas changée depuis mars 2016. "Parce que la ville ne peut se concevoir, ni se développer comme un 'cadavre exquis'", avait-il expliqué dans un communiqué. (...) Parce que la ville ne peut se créer à bon compte, et encore moins sur le dos et avec le porte-monnaie des architectes, 'taillables et corvéables à merci". Régis Chaumont nous a toujours répété que "l'Unsfa n'acceptera pas que réinventer Paris soit prétexte à détourner le code des marchés publics ; ni le fossoyeur de notre profession, ni annonciateur de l'abandon de la pensée et du pouvoir de la puissance publique aux marchands de l'immobilier." L'organisation syndicale des architectes en appelle donc "à la responsabilité de chacun des acteurs, ou otages, de ce loto de l'immobilier."

 


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