DIAPORAMA. Miroirs, cube et corne géants et même vortex ont envahi les jardins de Le Nôtre au château de Versailles. L'artiste britannique Anish Kapoor, auteur du Léviathan, vient en effet d'investir ces lieux historiques pour une exposition d'art contemporain inédite qui durera jusqu'en novembre prochain.
"Comment confronter ses idées à la réalité des lieux ?" C'est la première question que s'est posé l'artiste britannique d'origine indienne, Anish Kapoor, lorsqu'il a visité les jardins en compagnie de Catherine Pégard*, en vue d'organiser la 8e exposition d'art contemporain dans les jardins de Le Nôtre, célèbre jardinier de Louis XIV. "Il a tout de suite su ce qu'il voulait y faire", confie-t-elle, ce vendredi 5 juin 2015 lors d'une visite à la presse.
Connu pour ses œuvre gigantesques, et notamment celle exposée à Paris dans le cadre de Monumenta au Grand Palais baptisée Léviathan, Anish Kapoor n'a pas dérogé à sa règle et a disséminé des objets de grande taille au cœur des allées et bassins de Versailles. Le parcours de l'exposition comprend ainsi six œuvres qui, toutes font écho aux jardins, à leur histoire et à leur architecture. "Toutes les pièces exposées forment un ensemble qui traduisent les thèmes chers à Anish Kapoor : noirceur/clarté, vide/plein, terre/ciel, féminité/masculinité", souligne Alfred Pacquement, commissaire de l'exposition.
*Présidente de l'Etablissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles.
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Shooting into the Corner
La visite débute dans la salle du Jeu de Paume, située à quelques centaines de mètres du château, haut-lieu historique et politique s'il en est puisque c'est là que naît le processus de Démocratie. Là, la scène happe de suite l'oeil : un canon qui projette des boulets rouge sang dans un coin. Intitulée "Shooting into the corner", cette œuvre, violente volontairement, se veut un dialogue entre le canon et le coin, qui sont tous deux dans une relation inquiétante, antagoniste et dépendante à la fois.
C-Curve et Anish Kapoor
Retour dans les jardins, à l'arrière du château. Là, se dresse un immense miroir courbe, qui reflète à la fois le bâtiment et les jardins.
Devant celui-ci, l'artiste indo-britannique s'est prêté au jeu de la pose pour le plus grand plaisir des photographes.
C-curve
"La plus grande difficulté du site, c'est son échelle", avoue Anish Kapoor. Saluant l'oeuvre de Le Nôtre, dont il est un grand admirateur, il explique que celui-ci avait une vision ordonnée, claire et complète des choses. Comment, dès lors, apporter une vision différente ? "Dans la vision de Le Nôtre, les choses sont à leur place, posées de façon éternelle, admet Anish Kapoor. Ce qui m'a intéressé, c'est de retourner ce jardin, de voir sous sa surface, d'explorer son côté complexe. Une fois ce travail fait, le placement du reste des pièces s'est fait naturellement".
Sky Mirror
Plus loin en descendant les grandes marches qui amènent vers l'allée centrale, on trouve encore un jeu de miroir. Le "Sky Miror" capte le soleil comme à aucun autre endroit. Rappelant toute la symbolique du Soleil à Versailles...
Sky Mirror
Vue panoramique sur tout le jardin. C'est la vision différente que propose Anish Kapoor de l'oeuvre de Le Nôtre.
Dirty Corner
Au centre de polémiques depuis plusieurs jours, le "Dirty Corner" est l'oeuvre la plus monumentale de l'exposition.
"C'est un oeuvre qui insiste sur la noirceur", confie l'artiste. Elle évoque les fouilles, les entrailles, le chaos. Elle sort de terre, et vient bousculer les codes bien ordonnés du jardin. Anish Kapoor a souhaité "écorcher le 'tapis vert'" que forme l'allée centrale, "l'éventrer tel un corps démembré" pour mieux "le dépouiller".
"Semblable à un corps gisant sur le sol avec les jambes ouvertes, dont on ne sait pas s'il est un objet masculin ou féminin. Avec un vaste orifice intérieur, comme une oreille ou un vagin, on ne sait pas, au juste. Un long tuyau qui pourrait être masculin, un phallus/vagin (...). Je veux que la confusion règne. Tout le contraire des jardins nous attend", écrit-il dans le carnet de l'exposition.
Et de balayer d'un revers de main toute polémique. "Ca ne m'intéresse pas, je ne la comprends pas. D'ailleurs, toutes les interprétations tuent le travail", conclut-il.
Descension
L'oeuvre la plus mystérieuse de l'exposition se situe en bas de l'allée centrale, près du grand bassin. En approchant, on sent un grondement, le sol tremble sous nos pieds...
L'eau d'un bassin tout juste créé pour l'exposition bouillonne, écume : c'est un vortex. Où mène le trou ? "Au centre de la terre", répond Anish Kapoor. "Si quelqu'un vous dit autre chose, elle se trompe", s'amuse-t-il.
Vortex
Hypnotisant ! Le vortex interroge, attire, rejette... mais ne laisse jamais indifférent.
Sectional Body preparing for Monadic Singularity
Pour atteindre le graal de "Sectional Body preparing gor Monadic Singularity", il faut arpenter le labyrinthe créé par Le Nôtre. Au bout d'une petite allée, un cube rouge et noir attire le visiteur.
"Mon objectif est d'imposer l'irrésolu, le débraillé, l'incertain dans ce lieu ; de faire que le corps flétri dans toute l'obscénité vomitive de sa nudité émerge en quelque sorte de l'ordre imposé du grand projet de Le Nôtre pour les jardins", explique Anish Kapoor dans le livret de l'exposition.
Sectional Body preparing for Monadic Singularity
Ici, on retrouve l'esprit du Léviathan, oeuvre qui avait fait le succès de l'exposition Monumenta au Grand Palais en 2011. On entre dans les entrailles du corps, le sang, les veines, tout y est. "On retrouve une vision organique, un thème cher à Anish Kapoor", commente Alfred Pacquement, commissaire de l'exposition.