Le Poitou-Charentes connaît à son tour, depuis deux ans, un véritable engouement auprès des Anglais, séduits par les vols à bas prix et par l'immobilier rural, en plein boom dans cette région.

A La Rochelle, l'effet Ryanair est fragrant. La compagnie aérienne irlandaise, qui a racheté en 2003 l'anglaise Buzz, a transporté 33.000 voyageurs au départ de Londres de mars 2003 à avril 2004, avec une liaison quotidienne.
Selon la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) locale, 84% des passagers sont Britanniques, surtout Anglais. Attirés par le soleil, la qualité de vie, le système de santé, ils viennent à 60% pour "motifs personnels" (maison, famille, amis), 18% pour le tourisme, 9,5% pour motifs professionnels et 6%, étudiants, pour l'université locale.
La plupart d'entre eux (32%) sont chefs d'entreprise ou issus de professions libérales, 18% cadres, 16% retraités. Certains font une dizaine d'allers-retours annuels. Un quart est intéressé par un achat immobilier, résidence secondaire ou principale. "Un phénomène de société", selon un expert de l'immobilier local.

Pour la région, il s'agit d'une vraie manne. Selon la CCI, les retombées économiques locales directes sont de 9 millions d'euros hors immobilier pour 2003. En nuitées hôtelières, le chiffre est de 140.00O (735.000 pour la région), la fréquentation étrangère globale représentant 16% de la fréquentation totale.
L'aéroport de La Rochelle, autrefois peu actif, est en plein essor. Son directeur, Thomas Juin, est satisfait. C'est lui qui est allé chercher Buzz, en 2001, pour faire vivre l'aéroport. "Les Anglais étaient déjà la première clientèle touristique étrangère de la région, mais il n'y avait aucune offre en aérien", dit-il.
Aujourd'hui, une nouvelle ligne va ouvrir fin juin avec le "low cost" Flybe, depuis Southampton. Ryanair va doubler ses vols l'été durant les week-ends et passer à une capacité supérieure. L'aéroport va être aménagé pour des avions plus grands.
"Il y a même maintenant, grâce à la régularité des vols, 10% de clientèle d'affaires, en pleine progression", se félicite M. Juin.

Rochefort, ville voisine, lorgne sur le pactole avec son aérodrome militaire. Et le phénomène Ryanair concerne de la même façon Poitiers, plus au nord, avec les mêmes effets.
L'investissement, en général en budgets de marketing, est très profitable, puisque le budget annuel pour l'ouverture d'une ligne "low cost" est évaluée par diverses sources à 500.000 euros en moyenne.

Cependant, cet eldorado anglais suscite aussi des critiques. "Les Anglais vivent souvent en circuit fermé, ne parlent plus français et se regroupent dans des hameaux où ils deviennent majoritaires, avec leurs propres circuits", déplore un responsable d'office de tourisme.
"Ils achètent tout, car il n'y avait plus rien à vendre en Dordogne ou en Bretagne, et les prix des maisons rurales comme des travaux deviennent inabordables", affirme un autre. Même écho à Poitiers, où les prix de l'immobilier rural ont grimpé de 30%, devenant trop chers pour les jeunes familles locales.

Un responsable régional du tourisme parle aussi d'"économie parallèle, qui échappe totalement au fisc français", notamment dans la location de chambres d'hôtes et de gîtes, entre nationaux britanniques, avec force publicité en Grande-Bretagne. La taxe de séjour n'est pas payée, les revenus non imposés.
"Au début c'était marginal, mais maintenant cela devient important et pose un vrai problème de concurrence déloyale", renchérit Pascal Boulet-Gercourt, président national de Gîtes de France.
L'association a noté depuis deux ans une baisse d'inscription des Britanniques. Ils représentaient 57% de la clientèle étrangère en Charente maritime en 2002, mais 50% en 2003 et 46% en 2004.

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