Deux jeunes architectes français ont métamorphosé une ancienne mairie londonienne en un hôtel de luxe. L'édifice, de style néo-classique à l'avant et industriel à l'arrière, a été entièrement rénové et enrichi d'une nouvelle aile revêtue d'une peau découpée en aluminium. L'ensemble forme un vaste ensemble atypique de 9.000 m2 où modernité dialogue tradition. Découverte.
Le prix de projet de l'année et celui du meilleur projet de rénovation d'un bâtiment classé dans le cadre du Rics Awards 2011, un RIBA Awards décerné par le Royal Institute of British Architects, le prix du meilleur nouvel hôtel en Angleterre... En l'espace de quelques mois, la réalisation de l'agence rare - jeune agence française fondée en 2005 dont les bureaux sont à Paris et à Londres - a déjà reçu une pluie de récompenses ! Il faut dire que le projet est exceptionnel à bien des égards.
Un bâtiment à double visage
Il l'est déjà par la nature du bien à rénover : "il s'agissait d'une ancienne mairie de 7.500 m2 située au cœur de l'East End, l'un des quartiers industriels de Londres, et laissée à l'abandon depuis plus de quinze ans", indique Michel da Costa Gonçalves, fondateur de l'agence et co-responsable du projet.
Le bâtiment est également atypique sur le plan architectural puisqu'ayant été agrandi près de trente ans après avoir été construit, il présente deux visages radicalement différents. Avec sa majestueuse façade de style néo-classique extrêmement travaillée, la partie la plus ancienne offre une apparence classique ; celle ajoutée plus tard, avec ses briques rouges et ses hautes fenêtres encadrées d'acier, revêt, quant à elle, une allure industrielle. "Il est rare de voir deux vocabulaires architecturaux aussi hétérogènes et hétéroclites cohabiter dans un même bâtiment", commente Michel da Costa Gonçalves. "L'édifice originel étant classé, il renfermait plein de trésors - comme, par exemple, de belles moulures en plâtre et de belles cheminées en bois - mais, faute d'entretien, tous étaient en très mauvais état, poursuit-il. Notre première mission a donc été de tenter de sauvegarder le patrimoine existant". Une rénovation, oui, mais pas seulement ! Car, en réalité, le projet est beaucoup plus complexe...
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Rénovation et extention
En plus du travail de rénovation, qui a nécessité l'intervention de nombreux artisans, Michel da Costa Gonçalves et Nathalie Rozencwajg, son associée, ont dû réaliser une extension de 1.500 m2. "L'idée était de profiter de cet agrandissement pour apporter de la contemporanéité. D'une manière symbolique, cela revenait en quelque sorte à concevoir le troisième âge du bâtiment", précise Michel da Costa Gonçalves.
Une résille en aluminium
Pas question cependant de défigurer les deux entités existantes ! Le nouveau volume est venu se lover à l'arrière des bâtiments sans modifier leurs physionomies respectives. Concrètement, il coiffe une partie de l'édifice originel - et reste donc en partie invisible depuis la rue - puis se prolonge sur l'ancienne toiture de celui de 1937.
Au final, avec ses hautes façades terminées par une toiture triangulée, ce nouveau volume fait penser à un iceberg. Une ressemblance fortuite, comme l'explique l'architecte : "il n'y aucune source d'inspiration particulière derrière la forme puisqu'elle a été dictée par les contraintes du site : la vue, l'ensoleillement, les dimensions du terrain, etc."
Pour lui donner une allure plus contemporaine, les architectes l'ont habillé d'une peau en aluminium agrémentée de motifs Art Déco découpés au laser. "C'est en quelque sorte comme si nous avions enveloppé le bâtiment d'une résille, précise le co-responsible du projet. Elle fonctionne comme un filtre : de l'extérieur, elle ne laisse deviner ni les fenêtres ni les portes, tandis que de l'intérieur, elle offre la possibilité de voir sans être vu, tout en tamisant la lumière".
Le motif, quant à lui, a été "déniché", à l'intérieur du bâtiment : il est inspiré d'un ornement de l'ancienne salle du conseil municipal et a la particularité d'avoir été parfaitement ajusté au contexte. "En plus de sa valeur ornementale, il se veut performatif, commente Michel da Costa Gonçalves. Il régule le degré d'ensoleillement en fonction des programmes et protège l'intimité en contrôlant les vues".
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Un aménagement intérieur inattendu
Au final, les trois bâtiments réunis forment un gigantesque complexe hôtelier de 9.000 m2 - le Town Hall Hotel - abritant à la fois des chambres, un centre de conférence, une piscine de 14 mètres, un restaurant et un bar. La même logique a été adoptée à l'intérieur qu'à l'extérieur puisque les architectes ont souhaité aménager les lieux en réduisant au maximum leur empreinte sur le bâtiment existant.
Des "modules" en verre dans les chambres
Dans les chambres, cette volonté les a conduits à installer tous les équipements et le mobilier - lits, rangements, bureaux, éléments de salle de bains - à l'intérieur de "grandes boîtes" transparentes en verre qui leur donnent d'ailleurs un aspect futuriste complètement inattendu.
Il n'y a donc aucun contact entre les nouveaux éléments - fabriqués en Corian pour la plupart - et les structures originelles et, surtout, aucune cloison ni porte à l'intérieur des pièces. "L'idée était de ne pas venir prendre appui sur le bâtiment existant afin que l'on puisse profiter de son cachet", indique Michel da Costa Gonçalves. Derrière les portes de certaines chambres se cachent d'ailleurs de très belles surprises : plafonds terminés par des voûtes sculptées, murs ornés de moulures... Un spectacle insoupçonnable depuis l'extérieur !
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Plan du projet
Les architectes Michel da Costa Gonçalves et Nathalie Rozencwajg, co-fondateurs de l'agence rare, se sont vus confier à rénover et à agrandir une ancienne mairie de 7.500 m2 située à Londres.
Intégration parfaite
L'extension est venue prendre place à l'arrière du bâtiment le plus ancien et prolonge la toiture de l'édifice de 1937.
Un bâtiment à deux visages
Deux vocabulaires architecturaux complètement différents cohabitaient au sein du bâtiment existant : un style classique à l'avant et industriel à l'arrière.
Ici, le bâtiment le plus ancien avec sa majestueuse façade.
Une forme imposée
La forme du nouveau volume a été dictée par les contraintes du lieu : l'ensoleillement, les vues, les limites du terrain...
Une résille en aluminium
Pour donner apporter une touche de modernité à l'édifice, le nouveau volume a été habillé d'une peau en aluminium agrémentée de motifs Art Déco découpés au laser. Depuis l'extérieur, elle laisse à peine deviner les fenêtres et les portes.
Motif performatif
Les motifs ont ét ajustés en fonction de leur emplacement sur le façade de manière à permettre de réguler le degré d'ensoleillement et protéger l'intimité en fonction des pièces situées derrière.
Des rappels déco
Le motif a été réutilisé à différents endroits dans l'hôtel comme ici, dans la piscine, au niveau des grilles d'aération en laiton.
La piscine, quant à elle, a été revêtue de mosaïque titanium et est venue prendre place dans un environnement en nuances de blanc.
Des rappels déco
Autre exemple de rappel : cette fois, le motif a été gravé sur des portes coulissantes en MDF, installées dans une chambre pour cacher la cuisine.
Modules transparents
Afin d'offrir la possibilité aux occupants des chambres de profiter de la beauté du lieu, les architectes se sont débrouillés pour les aménager sans venir prendre appui sur le bâti existant.
Allure inattendue
Tous les équipements et le mobilier viennent prendre place dans des modules transparents. Ils donnent aux chambres une allure futuriste complètement inattendue.
Suite démesurée
L'hôtel comporte 98 chambres : des chambres standard, d'autres équipées de kitchnettes et de très belles suites. Ici, la plus belle de l'hôtel aménagée dans l'ancienne chambre du conseil municipal !
D'une superficie de 300 m2, elle jouit d'une très belle hauteur sous plafond - plus de 8 mètres - et se déploie sur deux niveaux.
Décloisonnement total
Situé dans la partie supérieure de la suite, le couchage bénéficie d'une intimité malgré le décloisonnement total.
Jeux de niveaux
De très belles moulures ornent les murs de la salle de bains. La pièce a été aménagée sur plusieurs niveaux de manière à investir l'intégralité de l'espace disponible.
Responsables du projet : Michel da Costa Gonçalves & Nathalie Rozencwajg
Lieu : Bethnal Green (Londres)
Projet : rénovation et extension d'une ancienne mairie
Surface existante : 7.500 m2
Surface après travaux : 9.000 m2
Durée du chantier : 14 mois