RÉACTION. A la suite de propos tenus sur l'amiante par le président de la République lors de sa visite au Salon de l'agriculture, les associations de défense des victimes ont pris leur plume pour lui écrire.
Lors de sa visite au Salon de l'agriculture, le 24 février 2018, Emmanuel Macron a eu un échange très commenté avec un agriculteur, portant sur la nocivité du glyphosate. Il a alors tenu ces propos qui ont fait tiquer les associations de victimes de l'amiante : "Dans le passé, on a dit que l'amiante n'était pas dangereux. Et les dirigeants, qui ont laissé passer, ils ont eu à répondre [de leurs actes, NDLR]."
Or, précisément, les victimes de l'amiante se plaignent depuis de longs mois du fait que les principaux responsables de ce scandale sanitaire n'avaient toujours pas été inquiétés, en France. D'où leur décision d'envoyer un courrier au Président, dès le 25 février, signé par Pierre Pluta, président de l'Association nationale des victimes de l'amiante et autres polluants et Michel Parigot, président du Comité anti-amiante Jussieu.
Les victimes en appellent à la création d'une mission de réflexion
"Non, monsieur le président, les responsables de la catastrophe sanitaire de l'amiante n'ont jamais eu à répondre de leurs actes", affirment-ils. "Et c'est bien le problème. [...] Les premières plaintes ont été déposées en 1996, en particulier la plainte dite 'Jussieu' concernant l'exposition à l'amiante sur le campus Jussieu (où l'amiante a provoqué à ce jour 170 cas de maladies professionnelles et plus de 40 décès) qui visait les responsables politiques, administratifs et industriels. Plus de 21 ans après son dépôt, elle est toujours à l'instruction !" C'est notamment en raison de ces retards, et du non-lieu qui se dessinent sur les procès pénaux liés à l'amiante, que les associations ont demandé une récusation des juges d'instruction.
Les auteurs du courriers en appellent ainsi à la création d'une mission de réflexion qui aurait pour objectif "d'examiner quels sont les obstacles au traitement judiciaire des catastrophes sanitaires" et "proposer une réforme du code pénal et du code de procédure pénale pour mettre fin à ces obstacles". Les associations avancent déjà auprès du Président trois propositions pour "adapter le système judiciaire au traitement des catastrophes sanitaires et environnementales et en faire un outil pour protéger
les habitants de notre pays de futures catastrophes" :
- Introduire dans notre droit, pour les infractions à la réglementation en matière de sécurité sanitaire et environnementale, des amendes dont le montant est proportionnel aux bénéfices potentiellement induits par le non respect de la règlementation.
- Réformer le code pénal pour y introduire des infractions adaptées à la répression des catastrophes sanitaires et environnementales en y introduisant notamment une infraction
d'homicide délibéré et en facilitant les poursuites des « décideurs » dans ce cadre.
- Réformer la procédure pénale en créant en matière de catastrophes sanitaires et environnementales une obligation d'ouverture d'enquête préliminaire et d'ouverture d'information judiciaire dans des conditions précises prévues par loi, un encadrement légal des délais d'instruction et de jugement accompagné d'une obligation de mise en œuvre de moyens pour l'institution judiciaire permettant de respecter ces délais et des procédures spécifiques permettant de traiter des procès de masse dans le respect du droit des victimes et des personnes mises en cause.