JUSTICE. Dans une décision du 30 mars 2018, le Conseil d'État rappelle la responsabilité entière d'une société productrice d'amiante, pour laquelle a été reconnue la faute inexcusable, pour la période d'avant 1977. Décryptage avec Frédéric Quinquis, avocat associé chez Michel Ledoux avocats.

Le premier texte de droit réglementant l'exposition des salariés à l'amiante, en France, date de 1977. A compter de cette année, on est donc en droit d'attendre d'une entreprise qu'elle protège ses salariés contre ce risque. Mais qu'en est-il pour la période d'avant 1977 ? Une société était-elle tenue de protéger ses salariés, alors même qu'aucun texte ne l'y contraignait ? Une décision du Conseil d'État du 30 mars 2018 vient apporter quelques précisions à ce sujet. Elle est en lien avec le décès d'un ancien salarié de la société Eternit, d'un mésothéliome.

 

"La faute inexcusable de l'employeur a été reconnue définitivement dans ce dossier, en octobre 2007", nous rappelle tout d'abord Frédéric Quinquis, avocat associé au cabinet Michel Ledoux. "La société incriminée avait demandé à ce que l'État supporte une partie du coût de sa faute inexcusable, sur la période d'avant 1977." Prétextant notamment qu'aucun texte de loi ne pointait alors spécifiquement le risque amiante. Il faut dire qu'il y a eu un précédent. "En novembre 2011, le Conseil d'État a reconnu, pour la période d'avant 1977, une part de la responsabilité pour l'État, à hauteur d'un tiers", nous explique Frédéric Quinquis. "Mais il s'agissait d'une autre société, les Constructions mécaniques de Normandie, qui était utilisatrice d'amiante, non pas productrice."

 

L'absence de réglementation avant 1977 n'est pas forcément une excuse

 

Dans le dossier d'Eternit, les juges ont tranché différemment en mars 2018, en refusant que l'État prenne en charge une partie de la responsabilité (c'est-à-dire le paiement d'une partie des indemnités versées aux victimes). "Ainsi, cet arrêt de mars 2018 nous enseigne qu'une entreprise de production d'amiante ne peut pas, pour la période d'avant 1977, se retrancher derrière l'absence de réglementation", résume Frédéric Quinquis. Le juge administratif estime ainsi que ce type d'entreprises auraient dû avoir conscience du risque pour les salariés.

 

 

"Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société [...] avait déjà au cours de la période en litige, allant de 1974 à 1977, une connaissance
particulière des dangers liés à l'utilisation de l'amiante"
, peut-on en effet lire dans le compte-rendu du jugement.

 

Le Conseil d'État devrait prochainement prononcer une nouvelle décision sur le même thème, concernant cette fois-ci la société Latty international (fabrication de joints).

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