RETOUR D'EXPERIENCE. Dans le cadre du programme "Je Rénove BBC", pas moins de 500 maisons alsaciennes ont été réhabilitées. Un vaste échantillon qui permet aux acteurs du bâtiment de tirer tous les enseignements nécessaires à la reproduction de cette démarche visant à massifier la rénovation énergétique dans tout le pays.
La rénovation énergétique de l'existant est une problématique de première importance en France, où la remise à niveau du parc de logements conditionnera l'atteinte des objectifs en termes de réduction des consommations et de diminution de l'empreinte carbone. Dès 2008, la région Alsace et le groupe EDF ont signé une convention pour le développement durable menant, entre autres, au lancement d'un appel à projets pour la réhabilitation thermique d'une cinquantaine de maisons individuelles sur tout le territoire. Le succès de ces 57 chantiers pionniers a donné naissance, en mai 2010, au programme "Je Rénove BBC" (JRBBC), encore plus ambitieux, puisqu'il vise 500 nouvelles opérations. Il livre aujourd'hui ses premiers enseignements, grâce à un large panel allant du pavillon des années 1980 jusqu'à la maison alsacienne traditionnelle datant du 19e siècle.
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Rénover au niveau BBC, c'est possible
L'objectif, tout d'abord, a bien été tenu, avec 500 maisons individuelles rénovées selon les standards de la basse consommation. "Les consommations et les factures énergétiques ont été divisées en moyenne par 3, et ce sont plus de 5.000 tonnes de CO2 par an qui ne sont plus émises dans l'atmosphère", annoncent EDF et le Cerema, les coordinateurs du rapport. Une évidence s'impose ensuite : la priorité est de réaliser des travaux sur l'enveloppe, en agissant sur l'isolation et l'étanchéité à l'air. La modernisation du système de chauffage ne doit intervenir que dans un deuxième temps. La performance de l'enveloppe conditionne la réussite du projet. Selon les chiffres de l'étude, le coefficient moyen d'isolation (Ubat) a été réduit de 75 % en moyenne après intervention - passant de 1,69 avant travaux à 0,46 après - permettant une forte diminution des besoins de chauffage. Les résistances thermiques moyennes ont toutes été choisies pour être légèrement supérieures à celles exigées par le Crédit d'impôt pour la transition énergétique.S'agissant des techniques employées, c'est l'isolation thermique par l'extérieur (ITE) qui a été mise en œuvre sur la majorité des opérations, loin devant l'isolation par l'intérieur. Les auteurs de l'étude notent un certain développement de l'utilisation des isolants biosourcés, en lien avec les aides octroyées, notamment pour l'isolation par l'intérieur justement, et ils affirment que le double vitrage se généralise, avec même une part non négligeable de triple vitrage. Au-delà de cette performance thermique, le programme JRBBC mettait également l'accent sur l'étanchéité à l'air. Julien Burgholzer, du Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement), nous raconte : "Il y a eu un accompagnement externe sur ce point par une entreprise spécialisée, avec des mesures réalisées avant, pendant et après les travaux". Résultat : les tests d'infiltrométrie présentent un taux de réussite de 84 % à atteindre la valeur de 0,8 m3/(m².h). "Il est donc possible d'atteindre le niveau d'exigence requis", poursuit-il. Du côté du confort thermique, les mesures réalisées en été et en hiver mettent en évidence "une ambiance globalement satisfaisante dans les maisons rénovées". Ainsi, les suivis effectués ne révèlent pas de surchauffes estivales, la crainte de nombreux occupants.
De l'importance d'une approche globale
Le rapport souligne : "Il apparaît toutefois nécessaire, lors d'une rénovation thermique de murs anciens, particulièrement sensibles, de limiter toute source d'humidité dans la paroi, en veillant notamment au traitement préalable des remontées capillaires, à la protection de la façade contre la pluie et à une bonne mise en œuvre de l'étanchéité à l'air de l'enveloppe permettant de maîtriser les infiltrations d'air humide". Julien Burgholzer nous précise : "Il y a eu des ratés, bien sûr, avec 500 opérations. Mais l'Agence Qualité Construction a fait le constat qu'il n'y avait pas de sinistralité propre au BCC, et que ces désordres étaient communs à tous les chantiers. Les pathologies sont parfois exacerbées par la sur-isolation mais elles ne sont pas spécifiques". Pour le spécialiste du Cerema, l'important est qu'il existe une coordination des travaux.
C'est l'autre grand enseignement du programme JRBBC : le recours obligatoire à une maîtrise d'œuvre. Julien Burgholzer nous confirme : "Il faut un pilote, qu'il s'agisse d'un architecte, d'un bureau d'études ou d'un groupement d'entreprises avec un mandataire. Ce qu'il faut c'est assurer les interfaces entre les lots et ne jamais travailler en lots séparés, cloisonnés". La réalisation des chantiers nécessite en effet une conception très rigoureuse en amont, afin d'avoir l'assurance des résultats, ainsi qu'une parfaite coordination des travaux qui interagissent entre eux. Une approche globale qui nécessite un chef d'orchestre disposant des compétences techniques et de la vision d'ensemble du bâti et de ses problématiques. Les auteurs du rapport confirment ensuite "une large montée en compétence des professionnels du bâtiment impliqués". Plus de 100 maîtres d'œuvre ont ainsi été formés en amont (Feebat) ou sur les chantiers, aidés par un référentiel éprouvé.
Décarboner les sources d'énergie pour améliorer l'impact
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Julien Burgholzer conclut : "Le programme a marché, rénover des maisons au niveau BBC ça fonctionne". Il évoque les enseignements économiques de l'étude, avec des temps de retour sur investissement de 20 ans en moyenne, ce qui peut paraître long suivant l'âge et les buts des occupants. Mais, selon lui, la "valeur verte" chiffrée par plusieurs agents immobiliers justifie à elle seule la réalisation des travaux. Le spécialiste signale toutefois que, pour atteindre le facteur 4 de réduction des émissions de gaz carbonique, les seuls travaux sur l'enveloppe ne suffisent pas. "Ces valeurs sont atteintes et dépassés dès lors qu'il y a un changement de système énergétique en passant au solaire ou au bois énergie. A cette seule condition, de travaux sur l'enveloppe et de décarbonation des énergies, la réussite sera totale".
1- Opter pour une conception rigoureuse en amont du chantier
2- Mettre l'accent sur les travaux d'enveloppe (isolation et étanchéité à l'air)
3- Avoir une approche globale de la mise en œuvre en coordonnant les différents lots
4- Faire intervenir un maître d'œuvre ayant une vision générale des problématiques
5- Choisir des professionnels formés à l'amélioration énergétique des bâtiments
6- Dans un 2nd temps, changer les équipements (chauffage, ECS) pour réduire l'empreinte carbone