JUSTICE. La décision est tombée : la société Alliage assurances, anciennement SFS France, a été placée en liquidation judiciaire. Elle était en redressement judiciaire depuis quelques semaines. Explications.
Cette fois-ci, c'est la fin pour Alliage assurances, ex-SFS France. Le courtier grossiste qui intervenait massivement dans l'assurance construction a mis la clé sous la porte, sur décision du Tribunal de commerce de Paris, en ce 27 septembre 2018. Les avocats d'Alliage assurances nous ont confirmé l'information.
"La conversion du redressement judiciaire [lire notre article ici, NDLR] en liquidation judiciaire ne faisait aucun doute", commente maître Thomas Hollande, avocat chez LBBA, défendant le comité d'établissement d'Alliage assurances, contacté par Batiactu. Les cinq millions d'euros promis par Bolero participations, repreneur potentiel, ne sont pas arrivés. "Et aucun plan de continuation de l'activité n'a été communiqué", ajoute l'avocat. D'autres candidats à la reprise ont manifesté leur intérêt, mais n'ont finalement pas donné suite.
Une société évoluant dans une forme de "marasme"
"Le liquidateur judiciaire a précisé que la société évoluait dans une forme de 'marasme', qu'il n'y avait plus de fonds de commerce, d'activité, qu'il n'y avait plus rien à céder", détaille Thomas Hollande. D'après l'avocat, le Tribunal de commerce a même exprimé sa "colère", fait visiblement rare. "Ils ont dit qu'ils avaient été trompés le 23 août 2018 par les dirigeants d'Alliance assurances et leur conseil, sur la situation réelle de l'entreprise. S'ils l'avaient connu, ils n'auraient pas pris la peine d'ouvrir un redressement judiciaire."
Autre élément, le liquidateur judiciaire a visiblement demandé, d'après LBBA, qu'un co-liquidateur soit nommé, fait également assez rare, "réservé à des sociétés de grandes tailles ou à des cas exceptionnels" nous précise Thomas Hollande. "Des investigations et des expertises seront aussi lancées pour trouver des responsabilités, étudier les mouvements de fonds entre les différentes entités, repérer d'éventuels agissements fautifs. Le procureur s'est associé à cette demande", nous précise Thomas Hollande.
Une chute vertigineuse
Ce jour marque donc la fin d'une chute vertigineuse pour le courtier en assurances SFS, qui avait acquis dans le secteur de la construction une grande notoriété. Que l'on se souvienne : il y a moins d'un an, au Mondial du bâtiment, SFS disposait de son propre camion disposé à l'entrée du salon, ne pouvant ainsi échapper au regard du moindre visiteur. En juillet 2018, c'est SFS Europe, sise au Luxembourg, qui avait été placée en liquidation de sa propre volonté, quelques mois après le retrait de l'actionnaire majoritaire, l'assureur néo-zélandais CBL (pour sa part placé en liquidation intérimaire, et qui sous-provisionnait grandement son activité en assurance-construction).
Le courtier en assurances SFS avait gagné rapidement, durant les années 2000 et surtout après la crise de 2008, des parts de marchés sur le marché de la construction, en intervenant sous le régime de la libre prestation de service (LPS). Régime aujourd'hui au cœur de la polémique, depuis les difficultés en série que rencontrent de nombreux assureurs et intermédiaires d'assurances en LPS - et au vu des complications que cela entraîne en France pour des milliers de clients et professionnels et la construction.
Des centaines de milliers de contrats en déshérence
Récemment, c'est le secrétaire d'État à la Cohésion des territoires, Julien Denormandie, qui a évoqué le sujet publiquement, preuve que la prise de conscience gouvernementale a eu lieu. Pour rappel, la principale critique qui est faite à l'égard des acteurs agissant en libre prestation de service est leur manque de solvabilité. Une solvabilité d'autant plus importante dans le secteur de l'assurance-construction en France, où les risques sont couverts sur dix ans. Un travail sur la supervision des acteurs de l'assurance, à l'échelle européenne, est en cours pour rétablir la situation et mieux contrôler leur solidité et leur connaissance du marché.
Cette nouvelle est également un énième électrochoc à destination des professionnels et maîtres d'ouvrage étant passés par cet intermédiaire d'assurances ces dernières années. Des centaines de milliers de contrats seraient aujourd'hui en déshérence, de l'avis de plusieurs experts.