ÉCONOMIE. Si le nombre de défaillances d'entreprises a atteint l'année dernière un plus bas depuis 35 ans, le 4e trimestre 2021 a néanmoins soulevé un point de vigilance : tous secteurs d'activité, les procédures ont bondi de 9% au mois de décembre, la grande majorité des régions se retrouvant désormais dans une situation défavorable. Et les voyants passent notamment au rouge pour le secteur de la construction.
Après de nombreux mois où presque tous les indicateurs économiques des entreprises françaises étaient au vert, leur santé financière serait-elle en train de basculer ? C'est en tout cas l'avertissement envoyé par le dernier rapport du groupe Altares consacré aux défaillances et sauvegardes de sociétés pour l'ensemble de l'exercice 2021. Certes, avec 28.371 faillites d'entreprises en 2021, le nombre de procédures a atteint l'année dernière un plus bas depuis ces 35 dernières années. Le phénomène a chuté de 12% par rapport à 2020, et même de 45% par rapport à 2019, une période pourtant antérieure à la crise du Covid et à tous ses bouleversement économiques et sociaux. Cette situation s'explique bien sûr par les dispositifs d'aide mis en place par l'État pour justement contrer les secousses de la pandémie (Fonds de solidarité, Prêts garantis par l'État, exonérations ou reports de cotisations, activité partielle), ainsi que par une reprise économique nationale et même internationale vigoureuse.
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Ceci dit, la fin progressive des mesures de soutien, les difficultés d'approvisionnement en matières premières et l'inflation notable ont fragilisé les trésoreries des entreprises. Depuis quelques mois déjà, les professionnels du bâtiment mettaient en garde sur ce possible retour de bâton, qui a semblé s'amorcer au 4e trimestre 2021 : "La fin de l'année a été plus compliquée avec une remontée notable du nombre de procédures collectives engagées qui nous invite à nous préparer à une 'normalisation' progressive des affaires sur l'année 2022", prévient Thierry Millon, le directeur des études chez Altares. "Pour les entreprises, au-delà d'une lecture économique des données, il faudra être attentif aux signaux business pour éviter de se laisser entraîner dans la chute de ses clients défaillants."
Construction de maisons individuelles et chantiers de terrassements en difficulté
Plus largement, 729 sauvegardes, 6.504 redressements judiciaires et 21.138 liquidations judiciaires ont été prononcés en 2021. Sur ce total, 187 défaillances ont concerné des petites et moyennes entreprises de plus de 50 salariés, ce qui a "menacé" approximativement 94.200 emplois. Pour l'heure, les trois derniers mois de 2021 ont enregistré 8.256 défaillances, ce qui représente une timide hausse de 0,6% par rapport à la même époque en 2020. Mais sur le seul mois de décembre 2021, un rebond de 9% a été constaté.
Et cette tendance est tirée par les entreprises de la construction : secteur concentrant à lui seul 25% de l'ensemble des procédures, le bâtiment et les travaux publics pèsent sur le reste de l'économie avec leurs 7.509 défaillances enregistrées sur toute l'année. Soit une petite hausse de 0,4%, mais qui englobe une augmentation plus importante (+4,2%) des liquidations judiciaires. Le second-oeuvre est le seul segment d'activité à bénéficier encore d'un recul des défauts (-5,5%), alors que le gros-oeuvre retombe pour sa part dans le rouge (+1,1%). Les analystes d'Altares ont constaté que la maçonnerie générale tient bon (-1,4%) mais que la construction de maisons individuelles bondit à elle seule de 10%. Les travaux publics rechutent également, avec une progression de 9,1% des défaillances, portée par les chantiers de terrassements courants (+17%).
Feu rouge pour la promotion immobilière
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Globalement, la situation a continué de se dégrader au cours du dernier trimestre 2021 dans la construction (+8,4%) et surtout dans le bâtiment (+12,9%). D'après le même rapport, le secteur de l'immobilier enregistre les plus fortes augmentations en termes d'ouvertures de procédures : quand les agences immobilières sont parvenues à limiter un peu la casse (+9%), les promoteurs immobiliers, eux, ont vu leur activité s'effondrer de 56%. On trouve d'ailleurs une société de maçonnerie générale et de gros-oeuvre parmi les procédures concernant des entreprises qui ont employé 300 salariés ou réalisé un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros : il s'agit de la Société anizienne de construction, basée dans l'Aisne (Hauts-de-France), qui comptait 182 salariés et réalisait un chiffre d'affaires de 66 millions d'euros. D'abord placée en redressement judiciaire en janvier 2021, la procédure a ensuite été convertie en liquidation judiciaire en avril suivant.
Comme le souligne Thierry Millon, en dépit des aides gouvernementales, "le risque n'a donc pas pour autant disparu". Les créations d'entreprises étant de surcroît très dynamiques en ce moment, "le risque de défaillances de très petites entreprises reste élevé". Cette situation se répercute sur la quasi-totalité des régions : au 4e trimestre 2021, les procédures dans les Pays de la Loire, le Centre-Val de Loire et les Hauts-de-France ont respectivement bondi de 10%, 21,8% et 22,9%. D'autres régions parviennent à contenir quelque peu le phénomène, à l'instar de la Bretagne (+1%), de la Nouvelle-Aquitaine (+1,4%), de la Corse (+2,2%), de la Normandie (+3,2%), de l'Auvergne-Rhône-Alpes (+4,1%) et de la Bourgogne-Franche-Comté (+7,7%). Seules quatre régions passent à travers les gouttes en conservant une baisse des défaillances d'entreprises sur la fin 2021 : il s'agit de Provence-Alpes-Côte d'Azur (-5%), de l'Occitanie (-6%), du Grand Est (-6,1%), de l'Île-de-France (-9,2%).