RÉACTIONS. Les réactions sont nombreuses et contrastées après les ajustements pris par les pouvoirs publics sur les projets de textes concernant la réglementation environnementale 2020 (RE2020). Plusieurs filières industrielles marquent le coup, et les professionnels de la construction bois s'inquiètent.
Les ajustements annoncés ce 18 février par les pouvoirs publics par rapport au projet de texte sur la réglementation environnementale 2020 (RE2020) donnent lieu à de nombreuses réactions contrastées au sein des filières. Pour rappel, Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au Logement, vient notamment d'annoncer un report de l'application de la RE2020 à janvier 2022, et un assouplissement (léger) des seuils d'émissions de carbone liés aux matériaux. Autant d'évolutions qui ne sonnent pas juste à l'oreille du comité stratégique de la filière bois, qui se montrait plutôt bienveillant, ces derniers mois, à l'égard des choix gouvernementaux. Dans un communiqué de presse du 18, le CSF-Bois demande ainsi à être rassuré sur le caractère obligatoire de l'analyse du cycle de vie (ACV) dynamique tout au long des dix ans d'application du texte, et questionne le choix gouvernemental de retoucher aux seuils, considéré comme "antinomique avec l'objectif de neutralité carbone". "Au moment où il est urgent d'agir, la filière bois appelle une clarification afin que la France soit à la hauteur des enjeux du changement climatique", peut-on lire dans ce texte cosigné par France bois forêt, France bois industries entreprises et Fibois France.
L'ACV dynamique entrera en vigueur dès le 1er janvier 2022
La ministre déléguée au Logement avait évoqué le lancement de travaux de normalisation français puis européen sur l'ACV dynamique, ce qui a pu laisser croire à un éventuel report de cette obligation après 2022. Ce n'est pas le cas, comme l'a confirmé le ministère auprès de Batiactu. L'ACV dynamique telle qu'elle figure dans le projet de texte sera bien appliquée au 1er janvier 2022. Les travaux de normalisation se feront en parallèle, sur un laps de temps qui ne correspondra pas forcément à l'agenda de la RE2020. "Le travail de normalisation est seulement une démarche pro-active complémentaire que le gouvernement souhaite engager avec toutes les parties prenantes", ajoute le ministère.
Faut-il parler de "dérive de la loi" ?
De manière moins surprenante, plusieurs acteurs des industries des matériaux de construction (1) se disent, dans un communiqué de presse commun, "sous le choc" de voir le choix de l'analyse du cycle de vie dynamique maintenu. Ils vont jusqu'à parler d'une "dérive de la loi" dans cette décision, en tant "qu'avantage artificiellement donné pour favoriser les produits biosourcés", au détriment d'une "réflexion de fond" sur la conception des bâtiments et une approche multi-matériaux. Valoriser à ce point les performances du bois en matière de stockage de carbone tendrait à décourager les autres filières à effectuer des progrès environnementaux : si le bois permet, par sa simple utilisation massive, de respecter les seuils, le choix des maîtres d'ouvrage ne va-t-il pas se limiter à n'utiliser que ce matériau, dès que cela sera possible, sans même envisager d'autres solutions techniques ? Le risque social serait également réel, d'après les signataires, agitant le spectre de délocalisations - la filière des radiateurs a déjà soulevé cet argument.
L'union française de l'électricité se félicite du maintien des "grands équilibres"
L'union française de l'électricité (UFE) se félicite du maintien des "grands équilibres" du texte, après les annonces de la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon. "Le projet avait fluctué ces derniers mois, nous nous satisfaisons donc du maintien des ambitions", explique Mathias Laffont, directeur économie, mobilité et bâtiment, à Batiactu. L'idée d'un report à 2022 est aussi acceptable, dans la mesure où l'on risquait de passer, en quelque temps, du "tout au tout".
L'UFE remarque par ailleurs que les pompes à chaleur hybrides devraient, au vu des dernières annonces, passer les seuils, et estime qu'il est "dommage que l'on n'ait pas réussi à avoir autant de pragmatisme avec les radiateurs électriques performants". En réponse aux critiques qui sont formulées sur le risque de voir se multiplier plus que de mesure les Pac air-air en construction neuve, l'UFE souligne la "performance relativement élevée de ces équipements". "Même si leur efficacité est moindre quelques jours par an [en cas de vague de froid, NDLR], on ne peut pas pour autant rejeter totalement ces équipements qui ont le mérite d'être utile en toutes saisons. Par ailleurs, avec cette RE2020, la prise en compte du carbone constitue un changement de paradigme, et sur ce point la Pac air-air est également performante."
L'UFE se félicite enfin de la souplesse accordée en faveur des réseaux de chaleur. "Très majoritairement, ils possèdent des taux d'énergies renouvelables importants", note Mathias Laffont. "C'est une réalité du terrain."
Le maintien de l'analyse du cycle de vie dynamique fait, au-delà des acteurs fabriquant les matériaux et produits menacés, une quasi-unanimité contre lui. Ainsi, l'association Effinergie s'oppose aussi à l'utilisation de cette méthode induisant des "distorsions majeures entre les filières", imposée "en dehors de toute expérimentation préalable" (lors de l'expérimentation E+C-, pour rappel, c'est l'analyse de cycle de vie statique qui avait été employée). Effinergie se félicite par ailleurs du maintien de l'ambition sur le Bbio - un renforcement de 30% par rapport à la RT2012 -, mais questionne la possibilité d'installer des équipements "peu confortables" comme la Pac air-air, "très énergivore lors des pics de froid hivernaux". "Les solutions hybrides associant les énergies renouvelables et une énergie de réseau stockable et biosourcée doivent être mises en exergue pour gommer les pointes de consommation", estiment les auteurs du texte.
GRDF salue la volonté de non-exclusion du gaz vert
GRDF salue "la volonté de la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon, d'étudier différents dispositifs pour permettre l'intégration du gaz vert dans les logements neufs", peut-on lire dans un communiqué diffusé le jour des annonces gouvernementales sur la RE2020, le 18 février 2021. La filière compte mettre à profit les délais supplémentaires accordés pour "développer les solutions gaz hybrides et performantes, indispensables à l'équilibre du système énergétique français". La société assure que le gaz reste l'énergie de chauffage la moins chère du marché : "Sur les quinze dernières années, la facture annuelle de gaz a été de 20% à près de 50% moins chère que celles des principales énergies de chauffage."
Un nouveau texte passera devant le CSCEE
Du côté des constructeurs, la tonalité des réactions est plutôt favorable, ce qui n'est pas étonnant dans la mesure où plusieurs de leurs demandes ont été entendues. Huit acteurs (2) se félicitent ainsi dans un communiqué de presse commun des ajustements apportés, "fruit des nombreux échanges de la filière avec l'administration et les cabinets d'Emmanuelle Wargon et de Barbara Pompili". Au chapitre des bonnes nouvelles : la volonté de ne pas exclure clairement le gaz vert des logements neufs, la mise en place d'un observatoire et d'une clause de revoyure. Des points d'alertes sont toutefois avancés, comme le risque de déclenchement de surcoûts excessifs et la nécessité de normaliser l'ACV dynamique avant de l'imposer dans les textes. Un nouveau projet RE2020, intégrant les annonces du 18 février, sera prochainement présenté en conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique, précisent enfin les co-auteurs. L'instance se réunira le 9 mars, date à laquelle cette présentation devrait avoir lieu.
(1) Alliance des minerais, minéraux et métaux, syndicat de la construction métallique de France, aluminium France, SNFA, fédération française des tuiles et briques, filière béton, union plasturgie bâtiment, syndicat national des fabricants d'isolants en laines minérales manufacturées.
(2) Union sociale pour l'habitat, fédération promoteurs immobiliers de France, pôle habitat FFB, fédération française du bâtiment, fédération Scop BTP, confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, Unsfa, Untec.