DÉCISION. Louer un logement sur une plateforme de location saisonnière ne relève pas de la profession immobilière, selon la Cour de justice de l'Union européenne, qui, dans son arrêt du 19 décembre 2019, déboute la France contre la plateforme Airbnb. Une jurisprudence qui pourrait laisser des traces dans les réglementations de certaines métropoles.

A première vue, c'est un litige qui oppose Airbnb aux professionnels de l'hôtellerie, et que la justice européenne a tranché en faveur de la plateforme de location saisonnière. Entre les lignes, cette décision, qui porte sur une question préjudicielle, pourrait nourrir une jurisprudence qui sera réutilisée par Airbnb dans d'autre affaires qui l'opposent notamment à la Ville de Paris.

 

 

Dans un arrêt rendu ce jeudi, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) affirme que "la France ne peut exiger d'Airbnb qu'elle dispose d'une carte professionnelle d'agent immobilier". Une décision qui fait suite à une plainte déposée en janvier 2017 par l'Association pour un hébergement et un tourisme professionnels (AHTOP) auprès du procureur de la République du Tribunal de grande instance de Paris.

 

Des services associés à une activité immobilière

 

Dans sa requête, l'association des professionnels de l'hôtellerie estimait qu'Airbnb devait se plier aux exigences de la loi Hoguet (1970) qui régit les professions immobilières, puisque la plateforme offrait une entremise, une gestion de logements et/ou d'immeubles, et "des services complémentaires". Un ensemble de services assimilables à une activité immobilière, pourtant réalisés par des interlocuteurs dépourvus de carte professionnelle.

 

La juridiction européenne a rejeté cette demande, estimant que les prestations d'Airbnb relevaient d'un "service de la société de l'information", lié à la directive européenne sur le e-commerce, un texte vieux de 19 ans. Comble de l'ironie pour les détracteurs de la plateforme, ce texte a été produit à une époque où Airbnb n'existait même pas.

 

Une jurisprudence qui pourrait se retourner contre les villes touristiques

 

Si ce litige ne semble concerner que les professions hôtelières, la décision pourrait toutefois faire jurisprudence dans d'autres affaires visant Airbnb. En plus de confirmer le rattachement des prestations de la plateforme à la directive sur le e-commerce, la CJUE considère qu'un "particulier peut s'opposer à ce que lui soient appliquées (...) des mesures d'un Etat membre restreignant la libre circulation d'un tel service".L'arrêt de la juridiction européenne reproche notamment à la France de n'avoir pas notifié l'existence de la loi Hoguet qui lui aurait permis de restreindre la libre circulation d'un service comme Airbnb sur son territoire, pour des motifs de garantie de "l'ordre public, de la protection de la santé publique, la sécurité publique ou la protection des consommateurs".

 

Cette absence de digues pourrait ainsi compromettre tout un ensemble de réglementations appliquées par les métropoles touristiques pour tenter de freiner les effets indésirables de la plateforme de location saisonnière sur l'offre globale de logements. "Si les prestations offertes par Airbnb sont considérées comme un service de la société de l'information (…) les possibilités pour la France de le réglementer ou de l'encadrer sont moindres", craint-on à la Mairie de Paris, en litige avec la plateforme sur les questions de "changement d'usage" ou d'amendes infligées à des loueurs n'ayant pas respecté l'obligation de publication du numéro d'enregistrement.

 

Traiter le problème Airbnb à l'échelle supranationale

 

 

Pour les villes confrontées au phénomène massif de locations saisonnières, la crainte de voir leur réglementation déplumée par les juridictions successives ne laisse plus d'autre choix que de s'en remettre aux instances supranationales, appelées à mieux légiférer en vue d'encadrer les plateformes comme Airbnb.

 

Dans une déclaration commune publiée ce vendredi, les élus de Paris, Bordeaux, Amsterdam, Vienne, Bruxelles, Berlin, Munich et Barcelone ont appelé la Commission européenne à se saisir du sujet, considérant "qu'il est urgent qu'elle prenne rapidement des mesures, et propose une nouvelle directive sur le commerce électronique visant à garantir une évolution plus équilibrée des locations de meublés touristiques".

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