CONJONCTURE. La moitié des industriels du marché français des produits de construction ont enregistré une croissance supérieure à 4% en 2019, sur fond d'un contexte économique favorable. Pour 2020, la profession continuera à faire poids sur les réflexions législatives et réglementaires dans le domaine, tout en étant partagée sur l'évolution de son chiffre d'affaires.
A l'image du bâtiment et des travaux publics, le marché tricolore des produits de construction a enregistré des résultats 2019 satisfaisants et prévoit une certaine continuité pour 2020. En ce mois de janvier, l'Association française des industries des matériaux et produits de construction (AIMCC), qui regroupe 7.000 fabricants de produits employant 430.000 personnes pour un chiffre d'affaires annuel de 45 milliards d'euros, a présenté les conclusions de la quatrième édition de son enquête d'opinion intitulée "Tendances conjoncture AIMCC". Réalisée auprès de 80 organisations professionnelles membres de l'association, celle-ci permet de dresser un bilan et des perspectives. S'agissant de 2019, le sondage révèle que 47% des industriels ont connu une croissance supérieure à 4% de leur activité ; environ un tiers ont bénéficié d'une progression plus timide, entre 1% et 3% ; 8% ont affiché des résultats stables ; et le reste accuse un recul.
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Pas de récession en vue mais un ralentissement
"2019 a été une année plutôt positive", confirme Hugues Vérité, délégué général de l'AIMCC, à Batiactu. "C'est une bonne nouvelle, une agréable surprise dans ces moments plutôt anxiogènes. Une année positive certes, mais pas autant qu'on le souhaitait. On voit une segmentation, un distinguo entre bâtiment et travaux publics : le premier résiste, en tout cas sur le segment neuf, mais est toujours très faible sur la rénovation ; le second a connu une très bonne année. La rénovation globale sera d'ailleurs un enjeu majeur pour 2020." Dans le détail des segments d'activité, l'AIMCC indique que près de 93% des industriels du gros-oeuvre ont vu leur activité croître en 2019, contre 72% pour ceux du second-oeuvre. Les entreprises de l'équipement sont pour leur part 86% à bénéficier d'une légère augmentation. La profession précise que les recrutements qu'elle opère sont toujours constants, bénéficiant d'une bonne attractivité et même d'un renforcement des compétences de ses salariés.
Malgré cela, le secteur reste confronté à une pénurie de main-d'oeuvre, également observable dans les travaux publics, et s'inquiète de certaines annonces relatives à des évolutions législatives et réglementaires. "Les incertitudes de 2020 vont surtout reposer sur le prix matière, très volatile, le prix de l'énergie par rapport à la matière, mais aussi l'expansion économique de la Chine ou encore la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine", énumère Hugues Vérité. "Mais ce sont des faits exogènes. Globalement, la confiance des investisseurs va rester importante, et il n'y a pas de perspectives de récession, mais plutôt de ralentissement."
Incertitudes sur les évolutions probables du secteur
Toujours selon la même enquête d'opinion, 56% des adhérents de l'AIMCC prévoient une croissance de leur activité en 2020, dont 19% qui tablent sur une hausse supérieure à 4% (en 2019, cette proportion s'élevait à 47%). Pour le reste, 30% des industriels misent plutôt sur une stabilité, et 14% sur une baisse. Au niveau des segments d'activité, 62% des entreprises du gros-oeuvre et 71% des équipementiers s'attendent à une augmentation de leur activité cette année, alors que les professionnels du second-oeuvre se préparent plutôt à un atterrissage : 41% d'entre eux penchent pour une stabilisation, 47% pour un accroissement. Les éléments de contexte pris en compte par le secteur sont nombreux, tant au national qu'à l'international, aussi bien sur un plan politique qu'économique, dans l'attente de certaines évolutions législatives et réglementaires. De la réécriture du Code de la construction à la préparation de la Réglementation Environnementale 2020 en passant par les lois Economie circulaire et Energie climat, sans oublier la transformation du CITE (Crédit d'impôt pour la transition énergétique), les motifs d'inquiétude des professionnels ne manquent pas. Mais constituent, selon l'AIMCC, autant d'opportunités et de défis à relever.
"Les plans de décarbonation sont observables dans toutes les activités. Pour les industriels, cela concerne les process mais aussi les usages finaux", explique le délégué général de l'organisation. "Tout cela mis bout à bout, si en plus les pouvoirs publics amplifient la rénovation des logements, cela représente un intérêt macroéconomique." Un intérêt qui a peu de chances d'être compromis par les textes de lois déjà votés ou les discussions réglementaires en cours : "Essoc ne devrait pas générer de prises de risques sur le marché. Il s'agit certainement d'une bonne réforme mais il ne faudrait pas qu'elle vienne perturber le secteur de la construction. Quant à la RE2020, il faut qu'on reprenne l'ensemble des sujets dans l'ordre. Si on peut obtenir une belle réglementation, avec de belles ambitions de performances, ce seront des éléments de confiance supplémentaires pour le marché." Pour le secteur, la question est surtout de savoir quelles sont les marges de progrès par rapport à la RT2012 : "Depuis, le climat s'est dégradé, l'accès aux ressources naturelles est moins facile, les clients sont plus exigeants... C'est ici que les pouvoirs publics sont attendus ! Ce sera, au final, une question d'ambition et de financement."
Décarbonation des usages et massification de la rénovation
D'autant que, d'une manière générale, bon nombre de "questions systémiques" dépendent en réalité des instances européennes et pas seulement que des institutions nationales : une majorité de lois votées par le Parlement français correspondent en réalité à des directives communautaires qui sont tout simplement retranscrites en droit national - ce serait le cas de la loi Energie climat, qui repose surtout sur un "mécanisme de régulation", un "paquet de transpositions". D'où la nécessité, aux yeux des industriels, de peser davantage à l'échelle européenne qu'au niveau de l'Hexagone. Même si certains dossiers restent ouverts, comme celui de la loi Economie circulaire, qui a fait l'objet d'une commission mixte paritaire conclusive et qui a de fait instauré le principe d'une filière REP pour le bâtiment : "La profession reste volontaire ; le seul sujet à bien calibrer est celui du déploiement de la REP - sur quels matériaux se fera-t-elle, pour financer quoi...?", interroge Hugues Vérité. "Il y a eu un certain malaise du côté du privé : les 14 organisations de la filière n'ont pas été complètement entendues. Mme Poirson [secrétaire d'Etat à la Transition écologique, ndlr] a jeté l'opprobre sur toute une profession. On aurait pu imaginer de faire une organisation inter-professionnelle, mais on peut faire des créations transversales et responsabiliser chaque filière dans la philosophie d'application."
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Ceci dit, d'autres sujets mériteraient une plus forte mobilisation de la puissance publique, comme la massification de la rénovation énergétique. A ce titre, l'évolution du CITE telle qu'actée par la loi de Finances 2020 a "un peu ému" les membres de l'AIMCC, qui ont dû faire face à "une petite déception". Le fait que le futur dispositif se concentre sur certaines tranches de la population s'inscrit dans "une meilleure articulation des politiques publiques", mais la profession assure qu'elle va faire de nouvelles propositions au Gouvernement : "On est en train de travailler sur un process d'accompagnement complet des ménages, quels que soient leurs revenus et leur lieu d'habitation", précise Hugues Vérité. Ce projet a été lancé par le Comité stratégique de filière des industries pour la construction, que les professionnels avaient signé en février 2019. Mais c'est l'Association des maires de France qui le pilote, le but étant de placer l'élu local comme "agrégateur des éléments de confiance pour passer à l'acte" dans le cadre d'un service universel d'accompagnement pour la rénovation énergétique.
Cette mesure s'inscrit dans un plan plus global de "décarbonation des usages dans le bâtiment", qui doit être couplé, d'après le secteur, à une restauration des marges pour les entreprises, une modernisation du parc industriel, une clarification réglementaire et fiscale et la mise en place de partenariats dans le secteur de la formation professionnelle. Avec un rôle-clé attribué à la future RE2020.