CRÉDIT D'IMPÔT. En quelques années, c'est un véritable camouflet qu'a subi le secteur de la menuiserie extérieure, avec une diminution drastique des aides via le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) d'abord, puis par le nouveau dispositif appelé MaPrimeRénov. Explications.
Peut-on parler de descente aux enfers ? Quoi qu'il en soit, en trois ans, la filière de la menuiserie a subi, au niveau des aides financières, un véritable camouflet. En effet, en 2017, le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) proposait un crédit d'impôt de 30% pour le remplacement de tous types de fenêtres par des équipements plus performants énergétiquement. Aujourd'hui, en ce début d'année 2020, les aides se sont réduites comme peau de chagrin. Qu'on en juge en constatant les barèmes fixés pour MaPrimeRénov, qui remplace le CITE depuis le 1er janvier 2020 pour les ménages précaires.
Pour les ménages très précaires, une prime 100 euros par équipement est prévue, et 80 euros par équipement pour les ménages précaires - MaPrimeRénov' ne tenant compte que du remplacement des simples vitrages, subtilité apportée par le Gouvernement choisi par Emmanuel Macron dès le CITE version 2018. Pour le CITE résiduel, qui concernera en 2020 les ménages de la classe moyenne, l'aide est de l'ordre du 'pourboire' : 40 euros par équipement. Enfin, les ménages les plus aisés n'auront aucune aide pour le remplacement des fenêtres.
Une prime de 80 euros est-elle incitative ?
Pour quelles raisons les pouvoirs publics ont, en quelques années, décidé de passer d'une aide significative pour les fenêtres à une aide toute symbolique ? D'une part, le fait que des abus auraient été constatés lorsque le CITE proposait 30% de crédit d'impôt (inflation tarifaire, installation de fenêtres et de portes haut-de-gamme sans lien avec l'efficacité énergétique, etc.). D'autres part, il semble qu'il y ait au sein des instances décisionnelles, qui s'appuient sur des rapports d'experts de l'Ademe notamment, un doute sur l'efficacité énergétique réelle du remplacement de fenêtre, geste auquel est privilégiée l'isolation des combles.
Au-delà de ces débats d'experts, le niveau objectivement bas des aides de MaPrimeRénov' pose au moins deux questions aux professionnels du secteur. D'une part, en quoi une prime de 80 ou 100 euros pourrait-elle avoir un effet déclencheur de travaux, sachant qu'une fenêtre efficace, à double-vitrage, peut coûter plusieurs centaines d'euros que devra débourser le ménage modeste ? - sans compter qu'il lui faudra payer aussi l'installateur. Autre sujet : un ménage, modeste ou non, prendra-t-il le temps d'effectuer une démarche de dépôt de dossier pour récupérer quelques dizaines d'euros de prime ? Les premiers résultats de MaPrimeRénov répondront en partie à ces questions. Quoi qu'il en soit, l'Union des fabricants de menuiserie extérieures (UFME), contactée par Batiactu, n'a pas souhaité commenter.
"Nous espérons que cela ne va pas bloquer une dynamique"
Du côté de la société Velux, spécialisée dans les fenêtres de toit, on salue la transformation du crédit d'impôt en prime, puisque le client n'aura pas à avancer d'argent. "Les gens limitaient leurs travaux car ils n'avaient pas assez de fonds pour cela", remarque Olivier Devès, responsable bâtiment durable, joint par Batiactu. "Il fallait trouver une solution à cela." Le professionnel se félicite également que les fenêtres soit maintenues dans MaPrimeRénov. Mais l'exclusion des ménages les plus aisés, et le montant final des aides proposées lui posent question. "Le reste à charge sera important pour les ménages précaires [10% minimum pour un très modeste, 25% minimum pour un modeste, NDLR] : cela pose question sur l'efficacité réelle de ce dispositif concernant ce type de public. Nous comprenons l'importance de gérer la dimension budgétaire, mais nous espérons que cela ne va pas bloquer une dynamique. Les produits qui bénéficient des aides sont forcément, au minimum, de milieu de gamme, donc d'un certain prix, en cohérence avec leurs performances thermiques."
"Il nous faut embarquer tout le monde dans le combat de la rénovation énergétique"
La société Velux se situe par ailleurs dans un cas particulier, puisqu'elle n'installe que des doubles vitrages depuis son implantation en France, dans les années 70. Depuis que les aides sont réservées au remplacement des simples vitrages, en 2018, les produits Velux ne sont donc plus éligibles aux aides. Mais la société reste attentive à l'évolution du crédit d'impôt, puisque cela donne tout de même une forme de signal plus ou moins positif et encourageant vis-à-vis du marché de la fenêtre en général. "Nos fenêtres de toit pourraient tout à fait être soutenues financièrement, elles sont installées de manière inclinée, et ont donc un rôle d'autant plus important en matière d'efficacité énergétique", assure Olivier Devès. "Il nous faut embarquer tout le monde dans le combat de la rénovation énergétique : en 2050 [date fixée par la France pour atteindre la neutralité carbone, NDLR], les bâtiments qui seront debout seront en grande partie des bâtiments déjà construits." D'où l'importance, selon la société, de soutenir la rénovation énergétique sur les postes importants, où l'on constate des déperditions énergétiques, comme les fenêtres inclinées.
Les pouvoirs publics ont signifié que le barème des aides serait revu en 2021, année où la prime sera versée à l'ensemble des ménages, les précaires mais aussi les classes moyennes. L'occasion d'un nouveau revirement pour les fenêtres ?
"Les ménages très précaires ne changeront pas leur fenêtre"
"Et quand je vois les montants actuels proposés dans MaPrimeRénov, et les restes à charge que devront financer les ménages précaires et très précaires, je me dis que l'État ferait mieux de retirer complètement les aides pour les ménages de la classe moyenne, pour les flécher entièrement sur les ménages précaires. Car en l'état actuel des choses, le résultat est facile à prévoir : les ménages très précaires ne changeront pas leur fenêtre. Et la prime ne déclenchera aucuns travaux.