BONNES FEUILLES. Le 24 février 1961, le général De Gaulle inaugurait l'aérogare d'Orly. D'architecture moderne et emblématique, ses bâtiments, ses aménagements et son mobilier témoignaient de l'esprit de son époque. Le très bel ouvrage Orly, aéroport des sixties, paru aux éditions Lieux Dits, ce 3 juillet 2020, nous rappelle ce patrimoine extraordinaire.
Se plonger dans l'histoire de l'aéroport d'Orly, c'est d'abord s'imprégner d'une ambiance particulière : alors que la France connaît ses Trente Glorieuses, il nous faut retrouver l'esprit des sixties. Et bien sûr, en musique ! La platine est branchée, le mécanisme enclenché, le saphir posé délicatement sur le vinyle... "À l'escalier C, bloc 21..." : Gilbert Bécaud entonne "Dimanche à Orly", la chanson écrite par Pierre Delanoë (sortie en 1963), qui résume à elle seule, l'optimisme de l'époque et surtout la fascination pour l'aéroport d'Orly, inauguré en 1961 par le Général de Gaulle. Un lieu qui symbolisait alors, "l'entrée de la France dans une nouvelle ère", comme le rappelle Paul Damm, conservateur du patrimoine, au service Patrimoines et inventaire de la Région Île-de-France, auteur du magnifique ouvrage Orly, aéroport des sixties, paru aux éditions Lieux Dits, ce 3 juillet 2020.
"(...)Pendant que mon père, à la télé,
Regarde les sports religieusement,
Et moi j'en profite pour m'en aller.
Je m'en vais, le dimanche à Orly.
Sur l'aéroport, on voit s'envoler
Des avions de tous les pays.
Pour l'après-midi, j'ai de quoi rêver.
Je me sens des fourmis dans les idées
Quand je rentre chez moi la nuit tombée (...)." Dimanche à Orly, chanson de Gilbert Bécaud, paroles de Pierre Delanoë, 1963
Un livre indispensable pour les amoureux du patrimoine, comme pour ceux de l'aviation, qui nous replonge dans l'histoire de la construction de ce lieu mythique, construit à partir de 1918 au sud de Paris, témoin des prouesses de son temps tant en industrie, qu'en architecture et design. Et nous voici nous imaginant un dimanche après-midi des années 60, sur la terrasse de l'aérogare, tel un francilien de l'époque, admirer les lignes des bâtiments conçus par Henri Vicariot, inspirées de Mies van der Rohe... pas moins de 40.000 visiteurs pour ce dimanche d'été ordinaire du 12 juillet 1964, raconte ainsi l'auteur : on y regarde les avions décoller et, "rêver sans doute à un horizon lointain" (page 111). Orly est alors le monument le plus visité de France !
Une architecture moderne, fonctionnaliste et innovante
Pour atteindre le point de vue, il faut débourser un nouveau franc de l'époque et monter par les grands escaliers extérieurs, puis passer par les grands portiques en aluminium, signés Jean Prouvé. On peut également s'arrêter dans les brasseries, aménagées et décorées avec soin, par les grands noms du design contemporains : panneaux décoratifs en formica de Michèle van Hout, mobilier de Joseph André Motte et André Monpoix, etc. Le Mobilier National est mis à contribution pour aménager les pavillons d'honneur installés pour l'arrivée des visites officiels de dignitaires étrangers... Orly doit être, est, une vitrine du savoir-faire français !
"Faire beau ne coûte pas nécessairement plus cher, mais demande beaucoup de soin. Une aérogare est un bâtiment public qui reçoit des passagers préoccupés, sinon anxieux, et dont le traitement exige une ambiance rassurante, sinon euphorique, et des installations simples et efficaces." Henri Vicariot, l'évolution de la conception des aérogares" AA, numéro 156, juin/juillet 1971, cité dans Orly, aéroport des sixties
Parce que "résolument fonctionnaliste", comme nous le rappelle Paul Damm, la presse spécialisée de l'époque n'avait pas été tendre sur l'architecture, qualifiée de "banale" ou "minimaliste" par les observateurs d'alors (p 85). Orly se fait pourtant la vitrine de nouvelles techniques de construction, comme le mur-rideau et les charpentes en métal ; l'aluminium, l'acier, le verre et la pierre sont mis en vedette. "Le modèle d'Orly s'est avéré durable et pas uniquement d'un point de vue fonctionnel. Le style verre et acier ultra-chic et ultra-moderne d'Orly allait devenir le décor de la nouvelle vague", selon H. Pearman (cité p. 27) Comme les aménagements intérieurs se sont faits les témoins d'une conception nouvelle des arts décoratifs, est-il rappelé (p. 27). Une modernité certes moquée gentiment dans l'œuvre de Jacques Tati, mais qui marquera les esprits et qui reste aujourd'hui, un modèle pour beaucoup.
Orly dans le Grand Paris
Après s'être attardé sur les dix années folles d'Orly, ces fameuses sixties, l'ouvrage n'oublie pas de parler de l'Orly d'aujourd'hui, qui change une nouvelle fois de visage, sur ce territoire en pleine mutation du sud de Paris, porté par le Grand Paris... et de rappeler que dès sa conception, Henri Vicariot avait pensé l'architecture de son aérogare modulable : "L'architecture du bâtiment a été conçue en vue d'une grande souplesse permettant son adaptation aux besoins nouveaux et imprévus, non seulement en cours de chantier, mais après la mise en service", est-il cité. Et en plus de 50 ans d'exploitation, les évolutions n'ont pas cessé pour suivre celles du trafic aérien, de la sécurité, du nombre de passagers, etc.
"Départ à destination de New York et Houston, vol Air France 007, embarquement immédiat porte numéro 44", une hôtesse d'aéroport de Paris en 1961, une des "Voix d'Or" (Or pour Orly), qui contribuent à l'ambiance rassurante et chaleureuse recherchée par les concepteurs. Le saviez-vous ? "Leurs annonces sont diffusées dans le terminal par 3000 hauts-parleurs, un système de sonorisation inédit en France à l'époque : le whispering system (système chuchotant)."
Vous l'aurez compris, feuilleter cet ouvrage, réalisé par le service Patrimoines et Inventaire de la Région Île-de-France, avec le soutien du Groupe ADP et la collaboration du musée Air France, c'est se rappeler ce patrimoine extraordinaire. Fourmillant de détails et de notes, extrêmement complet, il permet aussi de montrer le travail formidable et indispensable des conservateurs du patrimoine et de toutes les associations de passionnés, qui s'attachent à le recenser, le préserver et le faire connaître.
Découvrez en pages suivantes, quelques extraits.
Orly, aéroport des sixties
Editions Lieux-Dits
Sortie le 3 juillet 2020
Ouvrage bilingue français-anglais
Auteur : Paul Damm, Conservateur du Patrimoine, Région Île-de-France
Avec la contribution de Laurence Bartoletti
Version anglaise : Paul Smith
Couverture cartonnée avec jaquette rigide | Format : 24 x 29 cm - 176 p. - 255 illustrations
29 euros prix éditeur.
Editions Lieux-Dits
Sortie le 3 juillet 2020
Ouvrage bilingue français-anglais
Auteur : Paul Damm, Conservateur du Patrimoine, Région Île-de-France
Avec la contribution de Laurence Bartoletti
Version anglaise : Paul Smith
Couverture cartonnée avec jaquette rigide | Format : 24 x 29 cm - 176 p. - 255 illustrations
29 euros prix éditeur.