ÉTUDE. Le Cinov en appelle à un travail de réflexion global sur l'adaptabilité des logements aux nouveaux modes de vie. Une initiative qui prend la forme d'une étude d'une centaine de pages. L'un de ses auteurs, l'ingénieur ergonome Jean-Luc Reinero, nous en dit plus.

Durant son congrès fédéral Cinov, qui se tient les 4 et 5 avril 2019 à Arras, Cinovaction, le think tank animé par la fédération, a dévoilé une étude approfondie sur l'adaptabilité des bâtiments, intitulée Visions croisées : vers un habitat adapté aux évolutions des modes de vie. "Les modes de vie évoluent, on n'habite plus son logement de la même manière aujourd'hui", explique l'ingénieur ergonome Jean-Luc Reinero, l'un des auteurs, à Batiactu. "Lorsque les gens réfléchissent à leur appartement, ils le font en lien avec la manière avec laquelle ils souhaitent vivre : certains veulent un jardin, un atelier de bricolage, un endroit où garder les enfants, une salle de répétition pour la musique..." Évolutions de la vie, lieu de travail, télétravail, accident, colocation, cohabitation : les faits sociaux expliquant l'arrivée de ces nouveaux usages sont nombreux.

 

Comment le secteur de la construction peut-il répondre à ces défis ? Cinovaction s'est associé avec le cabinet siz'-ix architectes pour apporter des réponses à cette question, de manière à avoir le double regard ingénieur-architecte. Troisième participant à l'étude : l'école de design de Nantes atlantique.

 

Une série d'étude de cas concrets

 

Premier constat : la manière avec laquelle on construit aujourd'hui ne facilite pas la transformation des usages. Sans donner des recettes toutes faites visant à rendre adaptable un logement, les auteurs ont listé dans l'étude une série d'exemples concrets (vieillissement , handicap, mise en colocation...). "Notre idée, derrière cet ouvrage, est de susciter chez l'ensemble des acteurs, industriels, financiers, logement social, promoteurs, une vraie réflexion de fond", nous explique Jean-Luc Reinero. Le débat ne se limite d'ailleurs pas à l'habitat à proprement parler, mais au quartier. "Les éco-quartiers ont tendance à séparer nettement le dedans et le dehors", regrette Jean-Luc Reinero. "Et, bien souvent, les PLU actuels ne permettent pas d'instaurer des démarches participatives qui permettraient d'imaginer de nouvelles choses, en tenant compte des usages sur le territoire, les besoins des gens."

 

 

Sur le plan technique, le système poteau-poutre semble le mieux adapté au principe de réversibilité des usages - à l'image des plateaux de bureaux, plus facilement transformables. "L'habitat tel qu'il existe aujourd'hui n'est pas facilement réversible, c'est tout de suite déclencheur de gros travaux... Dans beaucoup de cas, il vaut mieux revendre et chercher ailleurs", observe Jean-Luc Reinero.

 

Réversibilité des bâtiments : "La loi Elan ne favorise pas les marges créatives"
La loi Elan, promulguée fin 2018, favorise-t-elle la réversibilité des bâtiments ? Pour l'ingénieur ergonome Jan-Luc Reinero, ce n'est pas le cas, notamment parce qu'elle facilite le recours des organismes sociaux aux contrats globaux. "Si c'est la logique de l'entreprise qui gagne, je ne suis pas sûr que les enjeux de développement durable seront pris en compte", nous explique-t-il. "L'entreprise est surtout là pour vendre un produit."

 

C'est ainsi un appel à la réflexion et à la prise de recul que lance le think tank Cinovaction. "Nous devons aller vers davantage de sur-mesure et moins de normatif", assure-t-il. "Les maîtres d'ouvrage doivent s'interroger sur l'organisation interne de leurs espaces." Faut-il craindre un surcoût ? D'après Cinov, non, et il faudrait plutôt prévoir une baisse des frais sur le long terme puisque la réversibilité sera moins onéreuse si elle a été envisagée dès la conception.

 

Cette étude de Cinovaction servira de support pour effectuer des conférences, notamment dans les écoles, avec des architectes. "Nous espérons également pouvoir monter des expérimentations avec des promoteurs privés", explique Jean-Luc Reinero.

 

Le Cinov s'attaque à la "logique du court terme"
"La logique 'd'économie du court terme' privilégie une solution clés en main, un produit moins cher à l'achat mais à faible durabilité", peut-on notamment lire dans le rapport du Cinov sur l'adaptabilité des bâtiments résidentiels. "On doit y substituer celle d'un bâtiment boîte à outils, agile (affectation rapide) et évolutif. Il s'agit de passer d'une logique de valorisation d'un foncier figé à celle d'un patrimoine qui peut accompagner des évolutions de la vie, cette approche exige une optimisation de l'occupation des espaces, ou encore de partages. En un mot, il s'agit de considérer l'adaptabilité comme le vecteur d'espaces à vivre et le gage d'une réelle mixité fonctionnelle dans la ville."

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