EXPLICATION. Syndicats et organisations patronales représentant les travaux publics avaient entamé des négociations pour mettre en œuvre un accord de branche sur l'activité partielle de longue durée, espéré pour le 1er janvier 2021. Deux syndicats se sont opposés au texte, qui ne s'appliquera donc pas. Batiactu fait le point avec différents protagonistes

Bruno Cavagné, le président de la FNTP, y voyait un moyen de "passer les 6 mois compliqués qui se profilent" au début de l'année 2021 et ainsi de préserver les emplois. A la-mi-octobre, il annonçait ainsi que des négociations avaient débuté au niveau de la branche concernant l'activité partielle de longue durée (APLD), dispositif relancé à l'été 2020 par le Gouvernement pour faire face à la crise. A la fin du même mois, un texte était rédigé et soumis à la signature des syndicats.

 

L'idée était d'aller relativement vite, afin de pouvoir mettre en œuvre cet accord dès le 1er janvier 2021, alors que le contexte sanitaire et économique restait incertain. Deux syndicats ont signé cet accord, la FNCB-CFDT et la CGC. Deux autres s'y sont opposés, la CGT et FO. Il n'y aura donc pas d'accord de branche sur l'APLD dans les travaux publics.

 

Un texte commun plus avantageux selon la FNTP

 

Pour la FNTP, un accord de branche aurait pourtant eu l'avantage d'être valable pour l'ensemble des entreprises du secteur, "sans avoir besoin de renégocier un accord spécifique au sein de l'entreprise", explique-t-on à Batiactu. L'un ou l'autre étant indispensable pour prétendre à l'APLD. Un texte commun qui aurait pu faciliter la vie des PME, estime la fédération, puisqu'elle "avait juste à faire référence à cet accord de branche".

 

Par ailleurs, "l'accord apportait la garantie aux salariés d'être mieux couverts, puisque négocié au niveau de la branche, affirme l'organisation professionnelle. Si une PME n'a pas les moyens de signer un accord au sein de son entreprise, elle passera par le système de base de l'APLD, moins avantageux". Quant aux grandes entreprises, elles devront renégocier, "même si elles peuvent le faire plus facilement".

 

Le maintien de l'emploi était assuré, pour la FNCB-CFDT

 

Cependant, les syndicats n'ont pas tous vu dans cet accord que des avantages, et deux visions s'opposent clairement. La FNCB-CFTC, signataire, regrette ainsi que "certaines organisations syndicales n'aient pas pris la mesure de la situation dans la branche des Travaux publics suite à la crise sanitaire". "Nous allons connaître un creux d'activité au premier semestre 2021, c'est incontestable, complète auprès de Batiactu Jean-Marc Candille, l'un des représentants de ce syndicat signataire. Car rappelons qu'il y a eu peu d'appels d'offres pendant le premier confinement", et que leur nombre est encore très en-dessous des niveaux de l'an passé.

 

Il explique notamment que l'accord permettait de garantir le maintien de l'emploi pour l'ensemble de l'établissement concerné, et "pas seulement pour les salariés mis en APLD comme le dit la loi. L'entreprise devait donc s'engager à ne pas recourir à des ruptures conventionnelles collectives" ou à des plans de licenciement, pour tout l'établissement. Autre avantage selon Jean-Marc Caudille, les salariés mis en APLD auraient pu bénéficier de formations certifiantes pendant la période de baisse d'activité, "c'était écrit dans l'accord".

 

Une simple retranscription de la loi, estime la CGT

 

De plus, cet accord de branche devait garantir aux salariés de se voir verser l'équivalent de 70% de leur salaire brut explique Jean-Marc Candille, tandis que l'employeur recevait une indemnité de la part de l'Etat de 60%. Mais ceci n'est pas un bon argument selon Frédéric Mau, secrétaire fédéral de la CGT Construction et négociateur. "L'accord qui nous était proposé n'est qu'une retranscription du décret d'application en place. Pourquoi accepterions-nous de paraphraser la loi. Nous sommes là pour négocier plus", explique-t-il à Batiactu.

 

Car si les taux d'indemnisation pour l'activité partielle de droit commun doivent évoluer à la fin du mois de janvier 2021, sauf nouvelle prolongation (pour passer à une rémunération de 60% pour le salarié et une indemnisation de 32% seulement pour les entreprises), ce n'est pas le cas pour le dispositif d'activité partielle de longue durée.

 

La durée de l'accord, un autre point bloquant

 

Par ailleurs, cet accord était sur trois ans, et la CGT considère que "si le secteur doit toujours faire appel à l'APLD d'ici là, c'est que nous aurons d'autres soucis que ceux liés à la crise sanitaire à gérer", complète Frédéric Mau. Ce point des trois années était clairement "bloquant" pour la CGT.

 

L'argument du maintien de l'emploi ne tient pas non plus selon le secrétaire fédéral, car "si une entreprise fait faillite et n'a plus de travail, elle fermera. Au-delà, les plans de sauvegarde de l'emploi ne sont pas tellement dans la culture des travaux publics. Ce sont des métiers qui ont perdu en attractivité, et de plus en plus. Les licenciements économiques donnent une telle mauvaise image qu'ils ne sont que peu utilisés", ajoute-t-il, estimant que les entreprises trouvent "d'autres méthodes".

 

Des modèles d'accord pour guider les entreprises

 

Quant aux PME, la rédaction d'un guide pour les aider à mettre en place si nécessaire le dispositif d'activité partielle de longue durée pourrait suffire laisse-t-il entendre. "Parfois, l'APLD est inévitable, mais arroser tout le monde n'est pas la bonne solution", poursuit-il, craignant quelques "opportunistes" et qu'un accord général ne permette pas d'aller au plus près des besoins des entreprises.

 

Après l'échec de ces négociations, la FNTP travaille à l'élaboration d'un modèle pour faciliter la démarche au sein des entreprises qui, faute d'un accord de branche, devront impérativement passer par une négociation interne. Mais, se désole-t-on au sein de la fédération, "cela restera tout de même plus complexe pour les PME".

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