La députée de la Réunion a alerté la ministre de l'Environnement sur les incertitudes existant autour du projet de réseau de climatisation urbaine à l'eau de mer prévu à Saint-Denis, au nord de l'île. La filiale d'Engie, en charge des travaux, a retardé le début du chantier pour des raisons qui n'ont pas convaincu Ségolène Royal.
Ségolène Royal a sommé l'énergéticien Engie (ex-GDF Suez) de lui fournir des explications sur le report du chantier du système de climatisation urbaine à l'eau de mer à Saint-Denis de la Réunion. Alertée par Huguette Bello, députée de l'île, la ministre a assuré qu'elle avait "l'intention de mettre cette entreprise devant ses responsabilités". Elle a poursuivi : "Et si ce n'est pas le cas, nous donnerons ce marché à une autre entreprise qui aura la capacité de réaliser ce projet, qui sera une grande première mondiale dans les Outre-mer, et qui sera très observée par l'ensemble des états insulaires".
Pourtant, tout semblait bien parti. La députée réunionnaise relate à l'AFP, qu'il s'agit d'un "projet ambitieux et sans équivalent, destiné à la climatisation des grands bâtiments tertiaires du nord de l'île". Elle souligne que "les études étaient réalisées et les financements publics acquis". Des fonds importants, puisque 90 M€ seraient apportés par l'Etat sur les 150 M€ d'investissements nécessaires. A ces éléments, Ségolène Royal a répondu : "Je rejoins votre étonnement. J'ai demandé à Engie des explications sur les déclarations concernant son retrait. A l'heure où je vous parle, je n'ai pas d'explications claires". Prévu pour démarrer à la fin de 2015, le chantier n'avait cependant toujours pas débuté au mois de mars 2016. "Le démarrage des travaux a été reporté à la demande de la filiale d'Engie, à qui le projet a été délégué (…) Plusieurs raisons ont été évoquées [dont] la chute du baril du pétrole qui remettrait en cause la rentabilité du projet", déplore l'élue de la Réunion. Contactée par Batiactu, une porte-parole d'Engie nous a expliqué que des discussions sont en cours avec les autorités locales et le gouvernement mais qu'aucune autre communication ne serait faite sur le dossier, qui n'est toujours pas bouclé.
Le SWAC c'est swag
Le réseau de climatisation urbaine "Clim Abyss" repose sur la technologie SWAC pour "Sea Water Air Conditioning". Il prévoit de rafraîchir un ensemble de 54 bâtiments différents (université, aéroport, centres commerciaux…), grâce à de l'eau de mer, puisée au large à plus de 1.000 mètres de profondeur, là où sa température est de 6,2 °C toute l'année. S'étendant sur une boucle fermée de 46 km en tout, entre les communes de Saint-Denis et Sainte-Marie, dans le nord de l'île, il développera initialement une puissance de 30 MWfroid, à la fin de sa première phase. Mais il était envisagé que cette puissance puisse être portée à 40 MWfroid dans un deuxième temps, à l'horizon de 2030. L'avantage de cette solution est de permettre des économies d'électricité de l'ordre de 70 à 75 % par rapport aux systèmes de climatisation classiques, alimentés en électricité d'origine fossile, et donc de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Si divers systèmes de ce type existent déjà à l'heure actuelle, notamment à Bora Bora en Polynésie française ou au Yacht Club de Monaco, leurs dimensions et leurs puissances sont bien inférieures à celles de "Clim Abyss" qui prend la forme d'un véritable réseau urbain. Il faut noter que le concurrent d'Engie, EDF, est lui aussi impliqué dans un projet de climatisation à l'eau de mer à la Réunion, mais à l'extrémité sud de l'île, à Saint-Pierre. D'une puissance de 8 MWfroid, il n'implique que les bâtiments du centre hospitalier Sud Réunion (CHSR). Et lui aussi doit générer de grandes économies d'énergie (environ 10 GWh/an), grâce à une ressource gratuite et stable, entraînant également une réduction de la consommation électrique et des émissions de CO2 (-6.000 tonnes/an). La technologie SWAC a certainement de beaux jours devant elle.