HABITAT INDIGNE. Pour la première fois depuis l'entrée en vigueur de la loi Elan, la Ville de Paris a pu obtenir la consignation des indemnités à l'issue de l'expropriation d'un marchand de sommeil soupçonné.
La Ville de Paris vient de remporter une première victoire contre les marchands de sommeil. Le 26 septembre 2019, le juge de l'expropriation du Tribunal de grande instance a tenu compte des poursuites judiciaires menées à l'encontre de l'exproprié et a demandé la consignation de ses indemnités, soit plus de 800.000 euros.
L'affaire concerne la SCI "Le Bien Etre", propriétaire de 12 lots dont 8 logements dans un immeuble au 7 rue Jean Robert dans le 18e arrondissement. L'édifice donnant sur la rue était connu des services de la ville, il avait été frappé en octobre 2015 d'un arrêté de péril sur sa structure "vétuste". Des arrêtés d'insalubrité remédiable ont été également émis, sur les parties communes et des logements. Le jugement décrit un immeuble "vétuste", au ravalement "défraîchi". Les fenêtres du premier étage ont été "murées" et donnent sur une porte d'entrée à "la vitre cassée".
Si le gérant de la SCI venait à être condamné, il se verrait confisquer ses biens, et ne pourrait toucher d'indemnités d'expropriation, conformément à la loi Elan. Car cela n'a pas toujours été le cas. La Ville de Paris a été échaudée par l'affaire de l'immeuble du 17 rue Marx Dormoy : en 2014, elle avait dû indemniser de 6,7 millions d'euros le propriétaire de 60 logements insalubres, dont les loyers rapportaient près de 350.000 euros par an. Ceci, sans compter le relogement des locataires.
Les indemnités consignées par la Soreqa
Cette première application de la loi Elan permet à la municipalité de couper l'herbe sous le pied des propriétaires indélicats et des marchands de sommeil. Et de cesser de nourrir un cercle vicieux d'acquisition de nouveaux biens immobiliers malgré une condamnation judiciaire. "Les victimes doivent être indemnisées, non les criminels", souffle-t-on au cabinet de l'adjoint parisien au logement, Ian Brossat.
Dans les faits, les indemnités sont consignées par la Société de requalification des quartiers anciens (Soreqa), bras armé des collectivités pour la lutte contre l'habitat dégradé, dans l'attente du jugement final au pénal. Après avoir piloté le processus d'expropriation, la Soreqa devrait prendre possession du bâtiment au cours des prochains mois, et doit assurer le relogement des locataires évacués. Démoli, le terrain sera repris par la RIVP, bailleur parisien, pour y construire 14 logements sociaux et un commerce.