REPORTAGE. La Ville de Paris redonne un coup d'éclat à ses bains-douches municipaux. Ce patrimoine typique est en cours de réhabilitation dans le XIXe arrondissement.
Un patrimoine méconnu et pourtant d'une grande valeur architecturale est en cours de rénovation à Paris. Les bains-douches de la capitale, fréquentés par 470.000 usagers chaque année, sont magnifiés par la Ville de Paris.
"Ce sont des objets architecturaux qui ont un fort intérêt patrimonial et qui connaissent un regain d'activité et, ainsi, une augmentation de leur fréquentation depuis les crises du covid-19 et énergétique", témoigne Nessrine Acherar, cheffe de pôle Pilotage et expertise à la mairie de Paris, lors d'une visite de chantier dans le XIXe arrondissement. Dans le quartier de place des Fêtes, les bains-douches Petitot s'offrent une seconde jeunesse, pour améliorer l'accueil des usagers.
Une réhabilitation importante
Les travaux sont menés par la direction de la Jeunesse et des Sports de la Ville de Paris et l'agence Architecte(s). Le chantier, démarré en octobre 2024, a déjà permis le curage et une démolition. "Ce bain-douche n'avait jamais connu de grosse réhabilitation. Ces dernières années, un seul étage fonctionnait pour des raisons techniques, ce qui signifiait que 27 cabines n'étaient pas disponibles. De surcroît, les douches et planchers n'étaient pas étanches", indique Nessrine Acherar.
L'accueil va être retravaillé (marquise, signalétique, menuiseries), un ravalement de façade mené, l'étanchéité travaillée. La plomberie, la chaufferie, la ventilation et l'électricité seront modernisées, les menuiseries, douches et bancs rénovés, ainsi que les revêtements de sol pour rappeler ceux de 1935. "Les éléments architecturaux d'époque seront réemployés et retravaillés. C'est un travail de fourmi", affirme-t-elle.
Cette mission est menée conjointement avec les architectes des Bâtiments de France (ABF), en s'appuyant sur les archives de Paris afin de respecter au maximum le patrimoine des années trente. Le chantier fait la part belle au réemploi, notamment concernant le carrelage du site. In fine, le bâtiment doublera sa capacité d'accueil en offrant une quarantaine de cabines. Certaines seront dédiées aux personnes à mobilité réduite et aux familles.
Une expérimentation doit être, par ailleurs, entreprise sur ce site puisqu'un dispositif de récupération de calories des eaux de douche sera installé pour permettre 25% d'économie d'énergie. "Nous avons également l'autorisation de l'Agence régionale de santé pour réutiliser les eaux de douches afin d'alimenter les WC et laver les sols, permettant une économie d'eau de 13%", ajoute la porte-parole de la Ville de Paris. Les bains-douches Petitot rénovés devraient être livrés début 2026.
Espaces solidaires
Petitot et Rouvet, tous deux dans le XIXe arrondissement, ne sont pas les premiers bains-douches à être réhabilités. En effet, d'autres, comme celui de la Butte aux cailles dans le XIIIe arrondissement, l'ont été avant eux. Rien que pour Petitot, 4 millions d'euros - provenant de la Ville et d'un budget participatif - ont été débloqués pour assurer les travaux de réhabilitation. "La Ville a pour volonté d'entretenir et de réhabiliter ce patrimoine parisien qui a une vocation sociale et porte un enjeu patrimonial et architectural", souligne Nessrine Acherar.
En outre, de nouveaux services sont également proposés à Petitot et dans d'autres bains-douches parisiens. Dans le XIXe, les usagers retrouveront des espaces beauté et une bagagerie solidaire. La Ville veut aménager un espace de "banque solidaire pour que les riverains puissent déposer des produits d'hygiène et de premières nécessités afin de favoriser la solidarité". Les bains-douches de Charenton, dans le XIIe arrondissement, possèdent, eux, des locaux pour "garder les affaires des usagers pendant leur douche".
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Une histoire singulière
Paris compte actuellement 17 bains-douches en activité, dont trois dans le XIXe arrondissement et trois classés monuments historiques, qui fonctionnent du lundi au samedi.
Dès l'Antiquité, le territoire se dote de bains-douches sous la forme de thermes romains. Ces sites restent, jusqu'au XIXe siècle, des lieux de loisirs réservés à l'élite aristocratique. C'est seulement à la moitié du XIXe siècle, lors de politiques hygiénistes menées en Europe, que les bains-douches modernes ont été développés. La mention de la première douche apparaît en 1872, et la ville de Paris crée alors les premiers bains-douches, d'abord payants mais bons marchés.
"Ces programmes-types répondent à des logiques fonctionnelles, avec des cabines de douches individuelles", raconte Nessrine Acherar. Dans les années vingt et trente, une dizaine de bains-douches sont conçus dans un style Art déco, dont Petitot en 1935. Du carrelage, des mosaïques et des couleurs chaudes rythment ces intérieurs.
La gratuité de l'accès aux bains-douches est actée en 2000 afin d'accueillir ses différents publics (familles, jeunes travailleurs modestes, population défavorisée). Aujourd'hui, la municipalité "essaie d'améliorer, modestement, les services proposés et de moderniser les espaces", explique la fonctionnaire.