La Fondation Abbé Pierre vient de publier son rapport annuel sur l'état du mal-logement en France. 3,5 millions de personnes sont en situation de mal-logement, même en étant propriétaires de leur habitation. La Fondation regrette le désengagement de l'Etat en matière de dépenses liées au logement, et dénonce une politique du logement incohérente. Etat des lieux et propositions.
On peut être propriétaire et en situation de mal-logement. C'est l'une des sonnettes d'alarme tirées par la Fondation Abbé Pierre, qui a publié mardi son rapport 2009 sur l'état du mal-logement en France. En effet, 84% des seniors vivant sous le seuil de pauvreté (situé à 681 euros par mois pour une personne seule) sont propriétaires de leur logement, qui se dégrade faute de pouvoir l'entretenir. «Le passage à la retraite s'accompagne déjà d'une incontestable baisse de revenu», rappelle le rapport. Certaines de ces personnes, vivant souvent seules, n'ont pas de chauffage, de toilettes ou de douche à l'intérieur de leur habitat, indique la Fondation, qui parle même de «clochardisation à domicile». Le rapport indique que 600.000 personnes âgées vivent avec une allocation de solidarité de 628 euros.
«Urgences sociales»
En prélude à ce rapport de 294 pages, Raymond Etienne, président de la Fondation Abbé Pierre, critique des politiques publiques qui «apportent à des urgences sociales des réponses symboliques ou partielles, en perdant parfois de vue que les statistiques qu'ils combattent sont des douleurs humaines avant d'être des chiffres dramatiques. La loi relative au Droit au logement opposable sera-t-elle applicable sans une politique du logement social ? Quelle est la priorité d'un État qui se préoccupe davantage des programmes immobiliers abandonnés que de construction de logements accessibles ?», s'interroge-t-il.
La Fondation se montre en effet critique à l'égard du Plan de relance annoncé par le gouvernement, dénonçant «le développement d'une offre totalement décalée» à travers un programme de construction de 100.000 logements supplémentaires «dont moins de 50%» seront de véritables logements sociaux. De même, la Fondation regrette que le nombre de logements sociaux financés depuis 2004 soit essentiellement poussé par l'offre locative intermédiaire (PLS), à laquelle les ménages les plus modestes n'ont pas accès. Dans son «tableau de bord» de suivi des politiques du logement, le rapport déplore en outre le recul des dépenses engagées par l'Etat en faveur du logement, passées de 1,36% du PIB en 2000 à 1,1% en 2008.
La Fondation estime également que la crise immobilière va encore creuser le déficit de logements, qui risque de passer de 800.000 à 900.000 logements manquant d'ici à la fin de l'année. Elle pointe une politique du logement «incertaine et incohérente». 88.400 ménages, locataires ne parvenant plus à s'acquitter de leur loyer ou propriétaires ne pouvant faire face aux remboursements de prêts, sont menacés d'expulsion. Ces personnes font partie des 3,5 millions de «mal-logés» recensés par l'organisme, pour des raisons diverses telles que des situations de précarité dues à des loyers impayés, ou encore des situations de surpeuplement. Enfin, la Fondation estime à 600.000 le nombre de logements insalubres en France, abritant plus d'un million de personnes.
Propositions
Pour une politique de l'habitat «plus juste, plus soucieuse des faibles et plus vigilante à une égalité d'accès aux droits et aux territoires», les responsables de la fondation proposent notamment d'imposer, dans tous les programmes immobiliers comptant plus de dix logements, un quota minimum de 20% de logements à loyers accessibles. Elle demande également une intervention de l'Etat pour empêcher les bailleurs de fixer des loyers de relocation au-dessus de l'indice des prix. Concernant les expulsions, qui doivent reprendre à la fin de la trêve hivernale en mars, la Fondation réclame que soient suspendues les expulsions locatives des «personnes de bonne foi». Elle veut en outre que les contrevenants à la loi SRU, qui oblige chaque commune de plus de 3.500 habitants à posséder au moins 20% de logements sociaux, soient plus durement sanctionnés.
Toutes ces mesures sont soutenues le Collectif des 32 associations, avec lequel la Fondation travaille toute l'année.