Un colloque organisé par l'OPPBTP, avec le ministère du travail et le collectif coordination SPS (coprec, FA, AFCO, GOC.sps, GRAC), a fêté ce 19 mars les 25 ans de la coordination sécurité et protection de la santé (CSPS) et a permis de revenir sur cette mission méconnue, et pourtant essentielle, du secteur. L'occasion de rappeler ses défis actuels, mais également de mettre en lumière ses acteurs, résolument tournés vers l'avenir.
Ils s'appellent Isabelle, Jean-Michel, Afif, Olivier… dans le secteur du bâtiment, certains les surnomment "les Casques&Bottes" mais pourtant, leur métier ne se résume pas à rappeler aux ouvriers comment ils doivent être habillés, loin de là ! Ils sont "coordonnateurs sécurité protection de la santé", ils doivent ainsi assurer la coordination de l'ensemble des acteurs sur un chantier, afin de prévenir et protéger tous les intervenants lors de la construction. Leur objectif : faire que tous rentrent chez eux en fin de chantier, comme ils y sont arrivés, en pleine santé. Mais pas seulement : ils pensent également les dispositifs en phase exploitation, à travers le dossier d'interventions ultérieures sur l'ouvrage (DIUO).
Un métier méconnu et peu valorisé
Un métier essentiel et valorisant donc, mais malheureusement trop méconnu et peu valorisé. 25 ans après la création de la coordination sécurité et protection de la santé (CSPS) par la loi du 31 décembre 1993, un colloque organisé par l'OPPBTP avec le soutien du ministère du travail, et en partenariat avec le collectif coordination SPS (coprec, FA, AFCO, GOC.sps, GRAC), a permis ce mardi 19 mars de s'interroger sur le bilan et les perspectives de la CSPS. À quels enjeux les coordonnateurs doivent-ils faire face ?
Plusieurs temps se sont ainsi succédé : après avoir retracé les origines et les évolutions réglementaires de la CSPS, une carte européenne a été dressée permettant de voir les différences avec nos voisins, notamment luxembourgeois ; puis les témoignages de CSPS et maîtres d'ouvrage ont permis d'aborder le quotidien des missions et des initiatives innovantes pour la faire avancer. Parmi elles, la mise en place par la MOA du projet EOLE, d'une coordination de coordonnateurs CSPS, face à la complexité du chantier ; les apports d'une CSPS dès la phase conception sur un chantier d'un hôtel Disney ; une gestion plus formelle de la mission de la coordination par le maître d'ouvrage mené par IDEC ; et enfin, à Angers métropole, la simplification et l'appropriation des DIUO par leur mise sur plans, avec la création de "plans simplifiés d'interventions ultérieures sur ouvrage."
Retour 3 avec Hervé Bernard, Responsable Qualité sécurité environnement du groupe Idec @groupeidec
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Le groupe a créé un cahier des charges pour la mission CSPS afin de la valoriser.#CSPS #25ansCSPS #préventionBTP pic.twitter.com/mqD2lk2Zuk
"CSPS, soyez fiers d'exercer ce métier !"
S'appuyant sur une enquête réalisée avec l'appui de l'OPPBTP, sous l'autorité d'un groupe projet constitué des principales structures représentatives de la profession SPS et de MOA privés et publics, qui a permis de dresser un état des lieux de la CSPS, un livre blanc avait été présenté en fin d'année dernière, avançant plusieurs propositions d'évolutions.
Ces propositions sont apparues en filigrane tout au long de cette matinée, notamment lors d'une table ronde avec Patrick Grossmann, vice-président du GOC.sps, Vincent Giraudeaux, président de la fédération des acteurs de la prévention et, Jérôme Glénat, président de la commission COPREC CSPS.
La première génération des CSPS va bientôt partir à la retraite et 2000 postes seront à pourvoir. Face à cet enjeu majeur de recrutement, les acteurs doivent répondre, en faisant mieux connaître ces métiers, non seulement vis-à-vis de l'extérieur - que Pôle emploi arrête de les confondre avec des maîtres-chiens pour ne prendre qu'un exemple flagrant - mais également, au sein même des chantiers. La CSPS est une valeur ajoutée, notamment pour la MOA, de la conception jusqu'aux travaux ultérieurs, a-t-il été rappelé. Bien entendu, la question de la formation a été également largement évoquée. Dite formation qui doit comporter, au-delà d'une expertise terrain sur le chantier, des volets de savoir-être et de communication pour armer correctement les futurs CSPS à faire face à toutes leurs missions.
"C'est un métier dont il faut être fier." souligne Patrick Grossmann#CSPS #25ansCSPS #préventionBTP pic.twitter.com/DXpOQbu8os
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Sans cacher les difficultés ni les écueils, ce colloque a ainsi montré que la CSPS est tournée vers l'avenir et tous se sont accordés sur la nécessité d'avancer sur les propositions du livre blanc, notamment dans la meilleure mise en œuvre et la mesure des impacts du cadre législatif et réglementaire, permettre de dépasser la seule relation contractuelle entre MOA et CSPS ; de développer la valeur ajoutée de la mission de CSPS avec des outils mieux adaptés, partagés et des compétences renforcées ; enfin et surtout répondre à l'enjeu de recrutement, qui peut se révéler aussi une opportunité.
Des propositions que les pouvoirs publics ont pour partie reprises. La conseillère de la ministre du travail, Lucie Lourdelle, ainsi que par le directeur général du travail, Yves Struillou, ont ainsi félicité les acteurs de ce travail et annoncé leur étude actuelle par les services concernés ainsi que dans le cadre du prochain examen du 3e plan santé au travail, plus largement aussi dans celui de la réforme de la santé au travail et enfin, dans l'action de l'inspection du travail.
Yves Struillou remercie les préventeurs et les signataires du Livre blanc de la CSPS dont il salue la qualité.
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Il revient sur les bénéfices de la mission et s'engage à rencontrer ses acteurs.#CSPS #25ansCSPS #préventionBTP pic.twitter.com/pi4qm2k4qq
En 1992, on comptait 160.000 accidents avec arrêts de travail et près de 300 accidents mortels. En 2017 leurs nombres étaient tombés à 86.886 accidents et 120 décès. Certes, la CSPS ne fait pas tout, mais c'est sans doute aussi grâce à elle. Tous les intervenants n'ont eu enfin de cesse de le marteler : les CSPS doivent être fiers de leur travail au quotidien !
Retrouvez un live-tweet du colloque sur le compte twitter de l'OPPBTP
La plupart des coordonnateurs SPS interrogés ont eu accès à la formation sur la base d'une expérience acquise sur les chantiers. De nouveaux profils professionnels peuvent désormais prétendre à la formation de coordonnateur SPS grâce au nouveau dispositif de formation. Pour autant, celui-ci ne répond pas encore aux questions posées concernant les conditions d'accès à l'exercice réel de la mission.
Bien qu'ils semblent mal la connaître et ne pas en comprendre tous les rouages, les maîtres d'ouvrage interrogés militent en faveur de la coordination SPS.
Les entreprises interrogées pensent avoir tout à gagner à recevoir des conseils du coordonnateur SPS, ce que confirment 92 % des maîtres d'œuvre qui considèrent le coordonnateur SPS comme un allié de l'entreprise, une interface indispensable entre les acteurs du chantier, dans la conduite de l'action de prévention.
59% des entreprises plébiscitent la coordination SPS
Le coordonnateur SPS conduit sa mission en étroite collaboration avec les entreprises. Elles reconnaissent son appui et ses apports en informations et solutions concrètes qui leur permettent de prendre en compte la coactivité et de participer, indirectement mais significativement, à la démarche de prévention mise en œuvre par le maître d'ouvrage sur son chantier.
Ce pourcentage de maîtres d'œuvre interrogés révèle l'ignorance de la méthode d'analyse des plans particuliers de sécurité et de protection de la santé du coordonnateur SPS. Cette méconnaissance du travail du coordonnateur SPS, pour partie due à un manque d'organisation collective des travaux en amont, favorise un cloisonnement entre ces deux intervenants essentiels de l'opération.
Les trois quarts des coordonnateurs SPS déclarent ne pas être ou être peu associés aux réunions d'étude en conception. Une évaluation des risques faite le plus en amont de l'opération assure au maître d'ouvrage que les choix techniques intègrent une dimension santé et sécurité au travail. Une opportunité pour lui de réduire in fine le coût de son opération comme celui de l'entretien de son ouvrage une fois construit.
La maîtrise d'ouvrage déclare dans plus de la moitié des cas ne pas organiser de réunions avec le maître d'œuvre et le coordonnateur SPS. En l'absence de modalités pratiques de coopération établies en amont, la maîtrise d'œuvre prend peu en compte les questions de santé et sécurité au travail dans la gestion de l'opération et la conduite du chantier. La coordination SPS vise pourtant à faciliter l'organisation du chantier et sert aussi les intérêts de la maîtrise d'œuvre.
Dans les trois quarts des cas, le Registre-Journal ne remplit pas son rôle d'outil de liaison entre le coordonnateur SPS et les entreprises et leur personnel. L'absence de documents standardisés et adaptés aux besoins de chaque acteur est l'un des freins à la bonne marche de la mission et à la mise en œuvre d'actions de prévention.
Plus d'un tiers des coordonnateurs SPS interrogés déclare mener simultanément un grand nombre de missions. Cet état de fait influe sur la conduite même de la mission : visites de chantier plus difficiles à réaliser, échanges plus rares avec chaque acteur, moindre présence sur le chantier, etc. Le renforcement des effectifs en coordination SPS serait une réponse à cette difficulté.
Dans près d'un tiers des cas, les coordonnateurs SPS reconnaissent le très faible coût horaire de leur mission, en comparaison à ceux pratiqués notamment pour des missions d'expertise ou de contrôle technique généralement situés entre 65 € et 80 € de l'heure