ANALYSE. Une disposition contenue dans le projet de loi énergie climat pourrait modifier considérablement le pilotage des certificats d'économie d'énergie dans les années à venir. Un secteur très dynamique, qui profite depuis le début de l'année du "coup de pouce chauffage". Détails.
La commission mixte paritaire a été conclusive pour le projet de loi énergie et climat, et ce texte contient de quoi changer significativement le dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE). "Députés et sénateurs devraient prendre la main sur le pilotage du dispositif", décrypte pour Batiactu Marina Offel de Villaucourt, de Géo PLC, délégataire dans le secteur des CEE.
En effet, le texte validé par la CMP précise à l'article 1 bis A qu'avant le 1er juillet 2023, une loi devra fixer pour trois périodes successives de cinq ans "les priorités d'action de la politique énergétique nationale pour répondre à l'urgence écologique et climatique". Sont notamment concernés les CEE qui se verront affectés des niveaux minimum et maximum d'obligations d'économie d'énergie pour cinq années. "Cette prise en main des parlementaires était incontournable car le dispositif coûte cher, de l'ordre de quatre milliards d'euros par an, et nous avons déploré des fraudes. Il est normal qu'ils fixent un volume minimal et maximal ; après quoi le ministère choisira le volume précis", détaille Marina Offel de Villaucourt. Pour l'instant, c'est le Gouvernement et lui seul qui fixe les obligations sur des périodes de trois ans, via le ministère de la Transition écologique et solidaire.
Un "emballement" du nombre de prime
Une décision qui, si elle était validée (le Gouvernement peut encore intervenir avant le vote définitif de la loi énergie climat), pourrait entraîner une politisation de l'outil, et poserait la question des années 2022 et 2023, la quatrième période s'achevant en 2021.
Les attentes sont en tout cas fortes de la part des acteurs, notamment au vu du fait que le dispositif est en peine expansion, encore plus depuis le lancement du nouveau coup de pouce "chauffage" en janvier 2019. Nicolas Moulin, fondateur de Vos travaux éco qui revendique 40% du marché, évoque auprès de Batiactu un "emballement du nombre des primes". "Nous sommes collectivement [c'est-à-dire en tenant compte de l'ensemble des délégataires de CEE, NDLR] à plus de 30.000 demandes de CEE par mois", ajoute-t-il. Chez Vos travaux éco, le coup de pouce (lancé initialement en 2017 et élargi début 2019) a fait augmenter, au premier trimestre 2019, le nombre de ménages bénéficiaires de +78% par rapport au T1 2018.
Du côté d'Effy, autre délégataire en CEE, le coup de pouce a déclenché 25.000 demandes de pompe à chaleur. "Nous mettons l'accent sur la qualité de l'intervention, le bon dimensionnement de la Pac en amont, pour contrer le préjugé selon lequel une offre à 1 euro ne serait pas forcément de bonne qualité", explique à Batiactu Audrey Zermati, directrice stratégie. Le secteur, échaudé par les nombreux cas de fraudes ces dernières années et la présence des CEE dans deux rapports consécutifs de Tracfin, plaide aujourd'hui clairement pour un renforcement des contrôles - d'ailleurs prévu par le projet de loi énergie climat.
Du côté de Géo PLC, on enregistre également une hausse des demandes en 2019, mais le coup de pouce chauffage ne s'est pas encore traduit en chantiers concrets.
Coup de pouce chauffage : les filières toujours en structuration
Et ce pour une raison simple : le temps nécessaire pour structurer les filières sur les chaudières, les Pac et autres radiateurs électriques, en passant des partenariats avec des industriels et en recrutant des artisans installateurs. Attirer ces derniers n'est pas évident, dans la mesure où ces entreprises de génie climatique n'ont pas forcément besoin du système des CEE pour disposer d'une clientèle soutenue. "Et les industriels mettent forcément un certain temps pour investir dans des lignes de production", note Nicolas Moulin.
Quoi qu'il en soit, la croissance vive du marché préexistait à la dernière offre coup de pouce de janvier 2019. Ainsi, pour Vos travaux éco, le nombre de dossiers déposés a augmenté de 520% en cinq ans. La société assure avoir versé 205 millions d'euros de primes à plus de 180.000 bénéficiaires rien que pour l'année 2018 (+44% en matière de financement, montant moyen de 1.143 euros par prime). Cinquante-huit pour cent des clients ont choisi les travaux d'isolation (toiture, mur, plancher). Le deuxième poste privilégié est constitué des système de chauffage vétuste (un tiers des demandes), et 11% préfèrent le remplacement des fenêtres.
"Simplifier la dimension administrative du processus"
Pour l'avenir, les défis du dispositif des CEE sont liés aux contours de la cinquième période, alors que la quatrième vient d'être prolongée d'un an jusqu'à la fin de 2021. "Nous souhaitons encore simplifier la dimension administrative du process", explique Nicolas Moulin. "Comment essayer de simplifier l'obtention de la prime et la finalisation du dossier ?" Pour clarifier les règles, Marina Offel de Villaucourt (Géo PLC) appelle ainsi les pouvoirs publics à séparer les services d'instruction des dossiers des services de sanction - aujourd'hui, les mêmes responsables effectuent ces deux taches.
Audrey Zermati insiste pour sa part sur l'occasion créée par le coup de pouce pour parler rénovation énergétique. "Réfléchissons ensemble sur le travaux de rénovation par étapes, en visant une performance dans le temps. C'est un changement de mentalité à opérer, dépasser l'opposition entre geste unique et bouquet de travaux en montrant que la progression lot par lot peut amener à du global."
Quant à la fraude, le fondateur de Primes énergies l'assure, "cela diminue, mais cela n'est pas fini". Ce qui corrobore les propos de l'association française des pompes à chaleur (Afpac), qui invite les particuliers à rester vigilants. Tout comme Effy : "Le sujet des CEE est trop important et ne doit pas être décrédibilisé par les fraudes", explique Audrey Zermati. "Il est important pour les artisans d'être dans un schéma très qualitatif." Pour cela, le délégataire propose notamment d'élargir les compétences du médiateur de l'énergie à la rénovation énergétique, ou intégrer les organismes de qualification dans le repérage des fraudeurs.
Des offres à 0 euro pour les grands ensembles
2.500 rénovations : c'est ce qu'a réalisé la société Crust énergie, engagée dans les certificats d'économie d'énergie sur les marchés du tertiaire et de la copropriété, en un an. "Nous faisons signer des devis à 0 euro pour des travaux simples mais efficaces, isolation intérieure, en sous-sol, les parties froides...", explique à Batiactu Rodolphe Roux, directeur général de la jeune pousse créée en avril 2018. L'idée de Crust est de ne traiter que des gros volumes avec les clients qui en disposent, grands groupes, copropriétés, gestionnaires immobiliers, Ehpad, villages-vacance... La taille importante des interventions permettant notamment de réaliser des économies d'échelles sur les fournitures. A la clé, des économies d'énergie globales allant selon les cas de 5 à 10%.
2.500 rénovations : c'est ce qu'a réalisé la société Crust énergie, engagée dans les certificats d'économie d'énergie sur les marchés du tertiaire et de la copropriété, en un an. "Nous faisons signer des devis à 0 euro pour des travaux simples mais efficaces, isolation intérieure, en sous-sol, les parties froides...", explique à Batiactu Rodolphe Roux, directeur général de la jeune pousse créée en avril 2018. L'idée de Crust est de ne traiter que des gros volumes avec les clients qui en disposent, grands groupes, copropriétés, gestionnaires immobiliers, Ehpad, villages-vacance... La taille importante des interventions permettant notamment de réaliser des économies d'échelles sur les fournitures. A la clé, des économies d'énergie globales allant selon les cas de 5 à 10%.
Le fabricant de radiateurs électriques Thermor et le délégataire en CEE Sonergia ont annoncé avoir passé un partenariat pour le remplacement des convecteurs électriques, dits "radiateurs grille-pain", dans le cadre du coup de pouce chauffage. L'offre s'adresse aux bailleurs sociaux. Les nouveaux équipements répondraient "aux critères de la norme NF 3*œil, qui, grâce à la détection automatique d'occupation, réduisent la consommation d'énergie des locataires", précise un communiqué de presse.