CONJONCTURE. En ce début d'année 2019, les artisans du bâtiment se montrent prudents. Après une phase de croissance continue qui dure depuis l'année 2016, le marché semble se diriger vers une forme d'atonie. Détails.

L'année 2018 pour les artisans du bâtiment aura été bonne, avec une hausse d'activité de 5% dans le neuf et 1% dans l'entretien. Mais 2019 ne sera pas à l'euphorie. La Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), qui tenait son point de conjoncture le 22 janvier, dans son siège parisien, envisage en effet une croissance de tout juste +0,5% pour l'année en cours (-0,5% dans le neuf, +1% dans l'entretien-amélioration).

 

La courbe des carnets de commandes, qui s'est élevée jusqu'à atteindre un pic en juillet 2017 (94 jours), descend progressivement depuis jusqu'à finir à 76 jours en janvier 2019. "Cette diminution nous interpelle, car elle peut se perpétuer dans les mois à venir", commente Patrick Liébus, président de la Capeb. L'organisation observe un attentisme des clients. Notamment du fait du mouvement des gilets jaunes, qui aurait représenté un manque à gagner de 0,5% de croissance pour le secteur (chantiers bloqués, transports affectés, etc.).

 

La plupart des artisans du bâtiment en-dessous des 3% de marge

 

Mais l'atonie du marché a des causes plus profondes, comme le ralentissement sur le marché du neuf, ou encore l'absence du décollage, tant attendu depuis maintenant dix ans, du marché de la rénovation énergétique des logements. Sans parler du dynamisme très relatif du marché de la rénovation tout court, qui n'est pas comme il devrait l'être vitaminé par le nombre record de transactions dans l'ancien. La faute, probablement, aux coûts du foncier et de l'immobilier qui augmentent, mobilisant les moyens financiers des acquéreurs (notamment des primo-accédants) lors d'une opération immobilière.

 

 

Une chose est sûre : la profession doit faire face à des cycles économiques plus courts qu'avant, de l'ordre de deux ou trois ans seulement. Car trois ans après le redémarrage franc du marché, voilà que l'on parle déjà de récession en France, alors même que les artisans estiment n'avoir pas eu assez de temps pour reconstruire leurs marges. "La majorité des artisans du bâtiment dégagent moins de 3% de marge", tranchent les dirigeants de la Capeb, et de nombreux petits patrons se paient au Smic, parfois en-dessous. "Quand la rentabilité va mal, c'est que ça bloque sur l'investissement", analyse Patrick Liébus. "Ce qui signifie qu'il y a un manque de visibilité. Et on peut le comprendre : nous avons devant nous trois mois de grand débat, les élections européennes, les élections municipales..."

 

Contre l'obligation de travaux

 

En matière de rénovation énergétique, la Capeb a par ailleurs proposé aux pouvoirs publics un travail sur les différents interlocuteurs existant, aux niveaux national et territorial, pour accompagner les particuliers. "Plusieurs guichets sont nécessaires, nous ne souhaitons plus un guichet unique de la rénovation ; mais ces guichets doivent être coordonnés de manière à ce que le client ait la même information, quelle que soit la personne à laquelle il s'adresse", détaille Patrick Liébus. Autre avancée envisagée : le financement d'un audit énergétique après de premiers travaux, financé par les certificats d'économie d'énergie.

 

"Si l'on instaure l'obligation de travaux, les Français feront tout pour la contourner !"

 

La Capeb est également attentive à l'offre de "chaudière à un euro" annoncée récemment par le ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy. En souhaitant que les artisans qui installeront ces appareils soient en mesure de travailler correctement et au bon prix.

 

Quant à l'obligation de travaux, Patrick Liébus en est certain : "Si l'on instaure ce procédé, connaissant les Français, ils feront tout pour contourner l'obligation ! Introduire une contrainte signifierait par ailleurs que l'on supprimerait probablement les aides incitatives, puisque pourquoi maintenir de l'incitatif s'il y a une obligation ?" Dans le cas d'un marchand de sommeil et d'habitat indigne, toutefois, la Capeb se prononce en faveur de l'obligation.

 

"Pour 2019, les perspectives sont plus que mesurées", résume Patrick Liébus. "En effet, un nouveau ralentissement de l'activité se profile dans le neuf. Le contexte réglementaire et le climat actuel, ne peuvent que confirmer notre inquiétude pour l'activité de cette nouvelle année."

 

Un artisan sur deux soutient les gilets jaunes
D'après des chiffres communiqués par la Capeb, 20% des artisans du bâtiment ont ressenti un impact négatif des gilets jaunes sur leur activité. Pourtant, la moitié d'entre eux soutient le mouvement, bien que 60% espèrent une issue rapide du conflit l'opposant au Gouvernement.

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