CRISE. Cette année, en Europe et aux Etats-Unis, le ton est monté d'un cran face à la crise du logement abordable. En cause, des métropoles de plus en plus inaccessibles, et un parc social figé.
Plus de 10 ans après la crise des subprimes, celle qui concerne le logement dans les grandes métropoles ne faiblit pas. A l'attractivité de villes-mondes telles que Paris, Londres, Berlin ou New-York, s'ajoute l'expansion des locations saisonnières meublées s'appuyant sur la plateforme Airbnb qui raréfie l'offre locative et fait grimper les prix du mètre carré.
Cette année, les protestations populaires, appels d'acteurs du logement et actions municipales se sont faits jour, face à un parc locatif social où la mobilité est au point mort, avec une liste de demandeurs à rallonge.
En Europe, les élections européennes ont constitué une fenêtre de tir pour appeler les eurodéputés et les gouvernants à une reprise en main du sujet du logement abordable. La revendication a trouvé sa traduction au Festival du logement social à Lyon au début du mois de juin. Dans un appel "pour une société du logement abordable", les initiateurs du texte - dont l'Union sociale pour l'habitat, et Housing Europe- exhortent les Etats à "repenser la mise à disposition d'une offre de logements sociaux et abordables dans toutes ses dimensions" et à freiner "la financiarisation croissante du logement".
Manifestations contre "la folie des loyers"
A l'échelle européenne, l'appel de Lyon appelle à remettre "le logement social et abordable au cœur des priorités de l'agenda urbain de l'Union européenne", et à créer un fonds d'investissement européen dédié.
Il y a "une crise du logement abordable dans toute l'Europe, née de la crise immobilière de 2008 et d'un phénomène de métropolisation", expliquait Laurent Ghekiere (représentant de l'USH à Bruxelles) le 3 avril dernier, lors de la présentation du 4e rapport sur le mal-logement par la Fondation Abbé Pierre et la Feantsa (Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abris).
Quelques jours plus tard, Berlin et d'autres grandes villes d'Allemagne étaient secouées par des manifestations contre "la folie des loyers". Dans la capitale, le marché de l'immobilier a vu le prix des loyers doubler en près de dix ans. Où des groupes tels que Deutsche Wohnen et Vonovia se sont imposés en mastodontes de l'immobilier, en rachetant des immeubles à bas prix.
Une rapporteuse de l'Onu en visite en France
En réponse, la municipalité berlinoise a présenté au mois de juin un projet de plafonnement et de gel des loyers pour une durée de cinq ans. Cette mesure, envisagée à partir de l'année 2020, concernerait un parc de 1,5 à 1,6 million de logements anciens, et soumettrait à approbation officielle une augmentation de loyer sous prétexte de travaux de rénovation.
A Paris, l'encadrement des loyers est appliqué depuis le 1er juillet dernier. Dans une ville où le prix du m² à l'achat frôle la valeur du lingot d'or, la Ville mène depuis quelques années une lutte contre la plateforme Airbnb autant que la vacance, phénomène grandissant. La France avait d'ailleurs été dans le viseur de la rapporteuse spéciale de l'Onu pour le droit au logement convenable, Leilani Farha.
Elle avait notamment opposé "la loi du droit au logement opposable qui n'existe nulle part ailleurs" aux "dix ans d'attente pour bénéficier d'un logement social", et appelé l'Etat à "protéger son parc de logements sociaux en interdisant sa vente à des entreprises à but lucratif (…) notamment dans les zones dites tendues". En visite à Clichy-sous-Bois, elle s'était notamment exprimée sur le phénomène de gentrification, demandant à ce que les opérations de renouvellement urbain "ne déplacent pas des habitants pour faire venir des classes plus aisées".
Cette tendance est vécue de plein fouet dans l'Etat de New York, qui a voté le 14 juin 2019 une loi visant à empêcher les propriétaires de "contourner l'encadrement de centaines de milliers de loyers à l'occasion d'un changement de locataire ou de travaux de rénovation".