A l'occasion des 10 ans de Batiactu, nous avons souhaité donné la parole aux acteurs et actrices du BTP qui ont contribué à l'histoire du secteur de la construction durant une décennie. Aujourd'hui, Lionel Carli, président du Conseil national de l'Ordre des architectes (CNOA), nous donne sa vision.
Batiactu : Quel est votre regard sur la décennie écoulée ?
Lionel Carli : Ces dix dernières années ont été évidemment marquées par l'émergence de la question environnementale dans la commande et notre implication dans sa prise en compte.
Elle a exigé un effort de remise à niveau pour tous les architectes qui s'est faite très rapidement et pour ainsi dire « naturellement ». Les architectes sont devenus incontournables pour faire vivre les valeurs du développement durable. Leur approche est avant tout de privilégier la valeur d'usage des bâtiments, le bien-être et la qualité de vie apportée aux usagers. Par là, ils se démarquent d'une approche purement quantitative et énergétique à l'ombre de laquelle s'empilent inconsidérément normes et certifications.
La dynamique positive du développement durable est aujourd'hui en train de s'étendre aux questions urbaines. C'est logique : une architecture responsable nécessite d'avoir une vision globale du bâti et de prendre toujours plus en compte son contexte. Passer à l'échelle de l'urbain, croiser les échelles territoriales et raisonner en fonction de projets urbains durables, tel est l'enjeu actuel.
Batiactu : Quel est l'événement le plus marquant ?
L. C. : Une tendance large à la financiarisation de l'économie et à la dérégulation a donné naissance aux Partenariats Publics Privés et autres contrats de partenariats depuis 2005. Ils ont fait considérablement évoluer la commande publique et menacé le rôle et l'indépendance des architectes. De même dans l'urbanisme, ce sont aujourd'hui des quartiers entiers dont la maîtrise d'œuvre est déléguée au privé. Dans toutes les formes de délégations, il est vraiment urgent de trouver un encadrement satisfaisant du rôle des opérateurs privés afin que la puissance publique garde pleinement sa mission de garante de l'intérêt général. Et que les architectes puissent également y apporter leur contribution dans les meilleures conditions.
Batiactu : L'innovation la plus révolutionnaire ?
L. C. : Le Grenelle de l'Environnement a été une mobilisation innovante de l'ensemble de la société autour de l'objectif d'un développement durable.
Batiactu : Le projet phare ?
L. C. : Plus qu'un projet phare, cette décennie a été marquée par des projets d'envergure menés par des élus visionnaires, accompagnés par des architectes militants de la recomposition de la ville pour le "bien vivre ensemble". Le développement et la requalification urbaine de quartiers dans de nombreuses grandes villes françaises comme Rennes, Montpellier, Lyon, Lille, Nantes, Bordeaux ou Grenoble, etc. ont été des réussites frappantes car elles ont su mettre en musique de véritables projets urbains, en reconquérant là des quais, ici des friches urbaines, là encore en maîtrisant le développement de nouveaux quartiers en cœur de ville ou en périphérie. Lorsque le projet urbain est bien mené, la commande architecturale est plus exigeante et les architectures produites sont de qualité.
Batiactu : Votre rêve le plus fou ?
L. C. : Et pourquoi pas des candidats à l'élection présidentielle discutant avec passion d'architecture lors du débat télévisé de l'entre-deux tour ?