INTERVIEW. Une nouvelle ère s'ouvre au Centre scientifique et technique du bâtiment, suite au départ de Bertrand Delcambre. Avec Etienne Crépon au poste de Président, l'opérateur public entend encore mieux se faire connaître auprès de ses partenaires, les acteurs de la construction, au service de l'innovation. Rencontre.

Batiactu : Vous venez de prendre vos fonctions, mais où en êtes-vous dans l'élaboration de votre feuille de route ?
Etienne Crépon :
Ayant pris mes fonctions il y a quelques semaines seulement, je suis dans une phase de rencontre de mes équipes, des partenaires - institutionnels et clients - pour qu'ils me fassent part de leurs avis et appréciations sur le CSTB. Ensuite, j'aurai des discussions avec notre tutelle, les ministères de l'Ecologie et du Logement, et seulement à ce moment-là, je pourrai établir une feuille de route. Ce sera pour la fin de l'année.

 

Batiactu : Quelles sont justement vos relations avec vos autorités de tutelle ?
Etienne Crépon :
Je vous confirme qu'elles sont très bonnes, nous avons des échanges permanents en totale confiance.

 

Batiactu : Vous arrivez également au moment où une polémique met à mal le CSTB avec l'affaire des isolants minces, notamment, et les critiques de l'OPECST…
Etienne Crépon :
Je ne ferai aucun commentaire sur cette affaire en cours d'instruction. L'ensemble des parties prenantes sont tenues à la confidentialité. En revanche, je peux effectivement vous dire que je prendrai en compte ces critiques dans mon analyse de la situation du CSTB.

 

Batiactu : Vous êtes présent depuis longtemps dans le secteur de l'habitat… Quelle vision aviez-vous alors du CSTB avant d'entrer dans les lieux ?
Etienne Crépon :
Pour moi, le CSTB est une mine de compétences, de savoirs acquis depuis 70 ans. C'est un organisme qui n'a que peu d'équivalent dans le monde. Comme j'ai pu, dans mes précédentes fonctions, le constater dans mes discussions avec les directeurs en charge du logement d'autres pays, il suscite l'envie. J'ai pu aussi mesurer sa capacité à se remettre en cause. De fait, en 2012, un énorme travail s'est opéré sur les procédures d'évaluation des produits afin d'introduire plus de transparence, plus de réactivité et plus d'ouverture aux procédés innovants développés notamment par les PME. D'énormes progrès ont été réalisés dans l'accompagnement de l'innovation. Ce qui a conduit à une forte progression des procédures d'évaluation, associée à une progression de l'innovation.
Ainsi, alors que l'on comptait, il y a sept ou huit ans, quelque 500 Avis techniques (Atec), aujourd'hui il y en a environ 800, dont 40 % environ demandés par des entreprises étrangères. Surtout, le délai d'obtention de ces Atec est passé de 18 à 8 mois, soit l'équivalent de ce qui se passe en Grande-Bretagne et moitié moins de temps qu'en Allemagne !

 


"Il y a autant d'innovations que d'améliorations de produits"

 


Batiactu : Vous parlez de multiplication, de "boom" de l'innovation… Mais peut-on plutôt parler de véritables innovations ou d'amélioration de produits ?
Etienne Crépon :
Je crois qu'il y a autant d'innovations que d'améliorations. Il y a un secteur où l'innovation est bien réelle, c'est celui des produits bio-sourcés, par exemple. Les matières premières sont nouvelles et leurs applications aussi. Une autre innovation essentielle - je dirais même qu'il s'agit d'une vraie révolution industrielle - se situe dans la maquette numérique.

 

Batiactu : Toutes les tailles d'entreprises sont-elles concernées par les progrès en matière d'évaluation des produits ?
Etienne Crépon :
Huit mois est un délai moyen. Il est évident que pour une grande entreprise aguerrie aux démarches d'Avis techniques, cela peut être moins long. En revanche et je voudrais insister sur ce point : pour les TPE/PME, la démarche d'Avis technique peut sembler complexe, le CSTB a donc déployé des dispositifs spécifiques, parmi lesquels une réduction tarifaire de 30%, qui s'applique également à toutes les entreprises qui font leur première demande d'Atec (primo-accédants), et un accompagnement tout au long de la procédure par des équipes du CSTB dédiées. L'objectif est de fluidifier le process. Depuis la mise en place de ce dispositif, ce sont plus de 200 entreprises qui en ont profité. Bien entendu, nous avons encore beaucoup de progrès à faire, il faudra aller plus loin, et c'est, là aussi, l'objet de ma mission.

 

Batiactu : Plus globalement, quelle est votre vision du secteur de la construction ?
Etienne Crépon :
Je dirais trois choses. Premièrement, c'est un secteur où il y a de l'innovation. Ensuite, c'est un secteur très éclaté, au vu de la multiplicité des acteurs depuis la matière première jusqu'à la livraison du produit - j'entends le bâtiment - contrairement à des secteurs comme l'automobile ou l'aéronautique. Il n'y a pas de chef d'orchestre naturel, et c'est - et j'y reviendrai - là que la maquette numérique prend tout son sens. Enfin, c'est un secteur où chaque ouvrage conçu est unique, rendant plus compliquée les démarches d'industrialisation.

 


"La maquette a un rôle important à jouer comme chef d'orchestre de la filière"

 


Batiactu : Dans ce contexte, quel est alors le rôle que doit et devra avoir le CSTB ?
Etienne Crépon :
Le CSTB est un acteur indispensable dans le secteur, à l'écoute de l'ensemble de ses partenaires ; qui est en capacité de faire de la recherche, en capacité d'infuser cette recherche pour aider l'innovation, en capacité de garantir aux acteurs que l'innovation répondra aux besoins pour lesquels elle a été conçue. Mais il doit mieux faire connaître son rôle. Il est à l'antithèse de ce à quoi certains voudraient le réduire, un opérateur qui se cantonne à valider des opérations. C'est, au contraire, un organisme qui va anticiper les enjeux de demain et les traduire en problématiques industrielle et scientifique.

 

Batiactu : Pour conclure, quelles sont les valeurs que vous portez au CTSB ?
Etienne Crépon :
Tout d'abord, l'excellence scientifique et technique, qui est le premier actif du CSTB. Mais également, la neutralité, avec tout ce qu'elle comporte en termes de déontologie et d'indépendance. Enfin, je dirais l'écoute de l'ensemble des partenaires de la filière.
Le CSTB se doit d'être un partenaire de confiance, qui est et sera toujours aux côtés des acteurs du bâtiment pour améliorer la qualité, la sécurité et la performance des bâtiments.

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