INTERVIEW. Utopiste, visionnaire ou avant-gardiste, Vincent Callebaut est un architecte qui propose des solutions pour l'urbanisme du futur. Depuis le début des années 2000, il esquisse de nombreux projets mêlant l'inspiration biologique à l'ingénierie humaine. Sa première réalisation devrait voir le jour à Taipei en 2016. Entretien.
Batiactu : Vous êtes très prolifique, avec près de 50 projets imaginés en 14 ans d'activité, comment se déroule la genèse de l'un d'entre eux ?
Vincent Callebaut : Après avoir été diplômé de l'Institut Victor Horta de Bruxelles en 2000, je suis venu m'installer à Paris, ce qui était un rêve pour moi. Mais le milieu de l'architecture était saturé et il était difficile pour un jeune de s'exprimer sur des sujets de société ou de géopolitique. Il n'était pas possible d'inventer un nouveau mode de vie. En 2007, les projets spontanés ne répondaient à aucun client mais à des thématiques d'actualité. Ils étaient très prospectifs et allaient me fixer un cap à tenir pour les deux décennies à venir. Le premier à avoir trouvé un écho international était le projet "Lilypad", de plateforme aquatique, autosuffisante, afin de répondre à la problématique des réfugiés climatiques aux Maldives. Une réponse de jeune architecte idéaliste pour définir un nouveau mode de vie et un modèle de société. Puis il y a eu le projet de ferme verticale "Dragonfly" en 2007-2008, qui consistait à ramener l'agriculture au cœur de la ville, une thématique dont on parle beaucoup actuellement.
Vincent Callebaut : Après avoir été diplômé de l'Institut Victor Horta de Bruxelles en 2000, je suis venu m'installer à Paris, ce qui était un rêve pour moi. Mais le milieu de l'architecture était saturé et il était difficile pour un jeune de s'exprimer sur des sujets de société ou de géopolitique. Il n'était pas possible d'inventer un nouveau mode de vie. En 2007, les projets spontanés ne répondaient à aucun client mais à des thématiques d'actualité. Ils étaient très prospectifs et allaient me fixer un cap à tenir pour les deux décennies à venir. Le premier à avoir trouvé un écho international était le projet "Lilypad", de plateforme aquatique, autosuffisante, afin de répondre à la problématique des réfugiés climatiques aux Maldives. Une réponse de jeune architecte idéaliste pour définir un nouveau mode de vie et un modèle de société. Puis il y a eu le projet de ferme verticale "Dragonfly" en 2007-2008, qui consistait à ramener l'agriculture au cœur de la ville, une thématique dont on parle beaucoup actuellement.
Batiactu : Quelles sont vos sources d'inspiration ?
V.C. : Ces projets sont inspirés du biomimétisme, c'est-à-dire du monde du vivant. Ils sont conçus pour être moins énergivores voire pour produire leurs propres énergies, et pour recycler leurs déchets. Les projets doivent évoluer comme un écosystème. Dans le livre "Archibiotic", publié en 2008, nous exposons que nous souhaitons combiner l'architecture, les biotechnologies et les nouvelles technologies de l'information et de la communication (TIC), ceci afin de faire la synthèse de la nature et de l'ingénierie humaine. Personnellement, mes inspirations sont variées et je suis ouvert à toutes les disciplines culturelles. Il y a des exemples à suivre en termes de persévérance et de qualité des œuvres livrées, comme Stanley Kubrick. Ils enseignent qu'il ne faut pas suivre le cap du moment et se battre contre tout pour défendre les valeurs auxquelles on croit, même si on n'en recueille pas les fruits immédiatement.
Batiactu : Comment sont accueillis vos projets futuristes ?
V.C. : Nos projets ont été très bien accueillis à l'étranger : ils ont été présentés à l'ONU, au Parlement européen et partout dans le monde. Ils ont été reconnus dans les pays émergents plus qu'en Europe, notamment par des jeunes investisseurs d'une trentaine ou une quarantaine d'années. Dans ces pays, il est plus facile de prendre des risques et ils constituent une plateforme d'innovation et de tentatives techniques. Et les clients étrangers apprécient les architectes français synonymes de bon goût et de qualité. En France, nous avons candidaté trois fois à l'Album des Jeunes Architectes, mais on ne correspondait pas à l'état d'esprit ambiant. Nos projets ont une double lecture : ils sont qualifiés d'utopiques en Europe, mais d'avant-gardistes dans le reste du monde. Les prix que nous avons reçus démontrent que notre démarche est valide.
V.C. : Nous sommes désormais invités sur des concours internationaux. Fin 2009, nous avons gagné le concours pour la réalisation d'un immeuble d'habitations à Taipei (Taiwan) face à Zaha Hadid et Norman Foster. Notre projet "Agora Garden" (ci-contre) se différenciait par son aspect organique et une structure répétée, préfabriquée en usine. La tour spiralée vise la certification environnementale Leed Gold +. Le chantier a démarré au début de 2012 et devrait être livré à la fin de 2016. D'autres projets sont en cours d'étude : "Coral Reef" est en attente de validation et nous sommes en phase d'avant-projet pour un ensemble de 450.000 m² de logements au Caire. Nous participons à de nombreux concours sur invitation, notamment à Abou Dhabi, en Haïti ou en Chine, où un client nous a sollicités. Nous avons proposé "Flavours Orchards", des villas à énergie positive reliées à une smart-grid pour la ville de Kunming (sud du pays). En revanche, nous ne sommes plus trop amenés à répondre à des appels d'offres et nous avons encore des difficultés à participer à des concours ouverts, anonymes, où les sujets sont intéressants mais où la puissance des grands cabinets internationaux prévaut. Notre équipe est composée d'une petite dizaine de personnes qui s'occupent des phases d'esquisse et de montage des dossiers complets, et nous travaillons avec des architectes locaux qui peuvent suivre les chantiers.
Batiactu : Quelles sont vos motivations et comment envisagez-vous l'avenir ?
V.C. : Le plus intéressant est la mixité des programmes. Dans la monographie "Villes fertiles" qui sortira en septembre, nous signons un manifeste pour des villes vertes, denses, mixtes et verticales. Nous nous projetons vers la réintégration de la nature au cœur de la ville, vers l'autosuffisance des énergies et des ressources. Il faut redensifier le tissu urbain, muséifié en Europe, dans les 20, 30, 40 ans. Nous ne menons pas encore de projet de rénovation ou de réhabilitation, mais nous nous pencherons sur cette question dans le futur. Car il faudra assurer l'équilibre entre parc patrimonial historique, énergivore, et une compensation par des "smart buildings" visant à une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous nous inscrivons dans cette dynamique et nous travaillons avec des technologies émergentes ainsi qu'avec la recherche appliquée en industrie. Pour le projet "Agora Garden", il a, par exemple, fallu inventer des gaines obliques qui suivraient la rotation de la tour. Nous travaillons avec des ingénieurs américains, taiwanais et des constructeurs japonais, afin d'accélérer l'innovation. Nous tenterons également de répondre au désir schizophrénique des urbains actuels, souhaitant rester connectés en permanence tout en étant au milieu d'une "jungle urbaine", réinvestie par la nature…
Découvrez différents projets de Vincent Callebaut en images dans les pages suivantes.
Asian Cairns
Shenzhen (Chine). Vincent Callebaut propose sa vision de la ville du futur, avec le projet "Asian Cairns", et milite pour la construction d'un pôle multifonctionnel écologique. Une nouvelle façon de penser l'urbanisation d'une ville verte, dense, connectée et éco-conçue.
Solar Drop
Mer d'Oman (Abou Dhabi). L'architecte visionnaire belge a imaginé un élégant complexe aquatique sur une île artificielle, posée devant les côtes d'Abou Dhabi. Le "Solar Drop" abritera sous son double-dôme hélicoïdal un ensemble de piscines, spas et un centre thermal de cure. Le projet possède également un volet environnemental avec une importante installation photovoltaïque et une végétalisation poussée.
Coral Reef
Mer des Caraïbes (Haïti). Après le séisme de 2010, Vincent Callebaut a imaginé un projet pouvant prendre place face à l'île des grandes Antilles. Inspiré d'un récif corallien, le programme met en scène deux vagues formant un village tridimensionnel et autosuffisant en énergie.
Hydrogenase
Hydrogénase est une ferme biologique mobile autosuffisante.
L'aérostat habitable, est capable de se poser sur l'eau, afin de venir en aide aux victimes de catastrophes naturelles. Le projet s'inspire des mécanismes de la nature et fonctionne à l'hydrogène.
L'aérostat habitable, est capable de se poser sur l'eau, afin de venir en aide aux victimes de catastrophes naturelles. Le projet s'inspire des mécanismes de la nature et fonctionne à l'hydrogène.
Dragonfly
New York (Etats-Unis). Fini le fast food, l'architecte belge a conçu un prototype de ferme urbaine verticale alliant à la fois cultures, élevages, logements et bureaux. Sous les traits d'ailes de libellules, le projet Dragonfly, implanté à Manhattan, ambitionne de reléguer la société énergivore au second plan.
Anti-Smog
Paris (France). Anti-Smog n'est pas un titre de film de sciences fiction mais bien le nom d'un projet de Vincent Callebaut. Ce site futuriste et écologique a pour objectif de recycler et purifier l'air pollué de la région parisienne. Ici, on pense développement durable, on consomme énergies renouvelables et on construit design !