INTERVIEW EXCLUSIVE. Yves Laffoucrière, ingénieur civil des ponts et chaussées et architecte DPLG, directeur général d'immobilière 3F depuis 2005, l'un des bailleurs sociaux les plus productifs défend bec et ongles le monde du logement social. Il dresse un état des lieux et dévoile les orientations qui sont les sont les siennes et l'affirme haut et fort : "Dans cette tempête qui frappe les constructeurs, les promoteurs, seul le logement social est là !"
Batiactu : Que pensez-vous de la toute dernière baisse de 0,25% du taux du livret A ?
Yves Laffoucrière : Nous aurions préféré que ce taux soit ramené à 0,5% comme le permettait la stricte application de la formule de calcul des taux de l'épargne réglementée. Nous saluons néanmoins cette baisse certes limitée, mais dont les effets ne peuvent être que positifs sur l'équilibre financier des organismes d'HLM et le niveau de la production de logements sociaux puisque les emprunts sont indexés sur le taux du livret A. D'autant plus que les loyers augmentent de moins de 0,5 % par an alors que nos charges progressent de 2%.
Yves Laffoucrière : Nous aurions préféré que ce taux soit ramené à 0,5% comme le permettait la stricte application de la formule de calcul des taux de l'épargne réglementée. Nous saluons néanmoins cette baisse certes limitée, mais dont les effets ne peuvent être que positifs sur l'équilibre financier des organismes d'HLM et le niveau de la production de logements sociaux puisque les emprunts sont indexés sur le taux du livret A. D'autant plus que les loyers augmentent de moins de 0,5 % par an alors que nos charges progressent de 2%.
Batiactu : Quel regard portez-vous sur le logement social en ce moment ?
Yves Laffoucrière : Dans cette tempête qui frappe les constructeurs, les promoteurs, seul le logement social est là ! L'an dernier à la même époque, le changement d'équipes municipales avait conduit, dans la foulée des élections de mars, au gel de nombreux projets de construction de logement sociaux. Il venait s'ajouter aux difficultés de commercialisation des promoteurs privés qui reportaient ou annulaient le lancement de nouveaux programmes que nous devions pour partie acheter en Vefa. La situation se débloque progressivement, même si certains élus se donnent encore du temps pour réexaminer les projets et que d'autres ont opté pour des opérations moins denses.
Aujourd'hui, nous sommes davantage préoccupés par la dégradation de notre taux de recouvrement des loyers, qui a baissé de 0,5 % en un an du fait de la paupérisation d'une part importante de nos locataires. Dans ce contexte difficile, la réforme de l'APL, un temps envisagée par Bercy, pourrait avoir de graves conséquences sur la solvabilisation de notre clientèle.
Batiactu : Comment faites-vous pour satisfaire une clientèle notamment plus pauvre ?
Yves Laffoucrière : Nous avons déployé un certain nombre de dispositifs de soutien et d'aides en direction des locataires en difficulté, pour lesquels nous avons été amenés à recruter l'an dernier une dizaine de nouveaux collaborateurs spécialisés dans l'accompagnement social et le recouvrement pré-contentieux. Compte tenu des derniers faits-divers à Stains (Seine-Saint-Denis) où deux responsables de l'Habitat de 3F ont été agressés, nous devons redoubler de vigilance. La paupérisation de nos clients nous oblige, par ailleurs, à maîtriser nos coûts de construction pour être en mesure de proposer des loyers moins chers sans pour autant sacrifier la qualité.
Batiactu : Justement, quelle est votre approche par rapport aux coûts de construction ?
Yves Laffoucrière : Notre politique de maîtrise de nos coûts de construction s'appuie, notamment, sur une réduction des surfaces des logements et l'expérimentation de nouveaux matériaux et procédés, comme la construction industrialisée en filière sèche.
Batiactu : Quelle est votre réflexion au sujet de la conception-réalisation ?
Yves Laffoucrière : Nous voyons dans cette procédure, que nous avons utilisée pour la construction de plusieurs dizaines d'opérations depuis 2009, un moyen de maîtriser les délais et les coûts. Notamment, pour les projets qui présentent un enjeu technique ou une innovation à promouvoir. Plus généralement, nous restons très attachés à la maîtrise d'ouvrage directe, dont la part est tombée, l'an dernier, à 40% de notre production, au profit de la Vefa. Notre objectif est de porter cette part à 50% cette année. Nous travaillons en entreprise générale ou en corps d'états séparés et, pour diversifier la commande architecturale, nous organisons des concours auxquels nous associons les collectivités.
Batiactu: Autre sujet qui vous tient à cœur, la surélévation à Paris, qu'en-est-il ?
Yves Laffoucrière : La surélévation est, en effet, l'un des outils que nous utilisons pour densifier notre patrimoine existant situé au cœur de Paris, où le foncier se fait rare. Ainsi, à Belleville (Ndlr : 20ème arrondissement de Paris), la requalification d'un ensemble immobilier de 75 logements conduite par l'architecte François Brugel, nous a permis de créer 15 logements supplémentaires, dont 6 en surélevant de deux étages l'un des immeubles du 19 siècle donnant sur rue.
Pour cet ensemble immobilier, le coût de construction s'est élevé à 2.600 euros/m², dont 500 euros de toiture l'équivalent du neuf, l'acquisition du foncier en mois. D'ailleurs, nous lançons plusieurs autres opérations de ce type dans la capitale et en première couronne.
Batiactu: Comment voyez-vous la deuxième génération de projets de rénovation urbaine, cela va-t-il dans le bons sens ?
Yves Laffoucrière : L'année 2014 a été marquée par l'achèvement du premier programme national de rénovation urbaine (PNRU), dont nous tirons un bilan très positif, et par la publication des 200 quartiers prioritaires du PNRU 2. Aujourd'hui, nous attendons du gouvernement qu'il précise les règles de financement pour lancer de nouvelles opérations de renouvellement urbain sur des sites comme Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) ou Garges-lès-Gonesse (Val-d'Oise), où il y a une urgence sociale absolue. Nous poursuivons parallèlement la requalification de patrimoines obsolètes que nous avons engagée, en accord avec les maires, dans les quartiers situés hors périmètre ANRU.
Batiactu : Qu'en est-il des perspectives futures ?
Yves Laffoucrière : En 2014, nous avons livré 5.448 logements, signé des engagements fonciers pour 7 634 logements et réalisé 4.200 réhabilitations. Nous avons également signé 985 promesses de ventes de logements aux locataires. La signature de 500 nouvelles promesses depuis le 1er janvier, dont 310 en Ile-de-France, devrait nous permettre de reconduire le même score cette année. Nous comptons également lancer la production de plus de 7.000 logements et maintenir ce rythme dans les cinq prochaines années.
Parc : 17 Esh, 221.144 logements, 13.151 places en foyers (en équivalents-logements) et 1.899 locaux commerciaux
Effectif : 3.400 collaborateurs
Engagements fonciers 2014 : 8.228 logements (+30%) dont les deux tiers en Ile-de-France
Mises en chantier 2014 : 6.249 logements (-2%) - avec 40% en Vefa - dont 4.000 en Ile-de-France
- 2013 : 5.006
- 2014 : 5.448
- 2013 : 951 millions d'euros
- 2014 : 1,108 milliard d'euros
Source : Immobilière 3F