ENERGIES. Une table ronde organisée ce 2 juillet 2019 sur le thème de l'autoconsommation collective a été l'occasion pour les différentes intervenants de dresser un état des lieux de ce phénomène en France, tout en rappelant ses opportunités mais aussi ses limites, notamment sur les plans réglementaire, économique et social.

Ce 2 juillet 2019, l'Association des ingénieurs et techniciens en climatique, ventilation et froid (AICVF) ainsi que l'organisme de qualification Qualifelec ont organisé une table ronde sur le thème de l'autoconsommation, en se penchant plus précisément sur la transition de phénomènes individuels à un phénomène collectif. Pour commencer, les intervenants ont dressé un état des lieux de la pratique en France, en rappelant au passage ses tenants et ses aboutissants : "L'autoconsommation, c'est consommer une ressource de taille modeste", a ainsi affirmé Eric L'Helguen, directeur général d'Embix, une entreprise spécialisée dans l'accompagnement des villes intelligentes. Cela implique en toute logique une moindre utilisation du réseau de distribution d'énergie, et donc une moindre quantité de taxes à payer pour financer la sollicitation de ce réseau. "C'est là où les pouvoirs publics ont un rôle à jouer", poursuit Eric L'Helguen. Or si les professionnels du secteur ont beau constaté une volonté des citoyens et des territoires à développer les systèmes d'autoconsommation, ils sont plus dubitatifs quant à la volonté du régulateur et ce, malgré des expérimentations introduites par les lois Elan (logement) et Pacte (croissance et économie). Les initiatives ne manquent pourtant pas dans ce domaine, comme le prouve l'exemple de l'association Enercitif, qui est déjà parvenue à obtenir un accord d'installation de centrales photovoltaïques sur plusieurs toits d'établissements appartenant à la Ville de Paris.

 

 

Différences de classes sociales, barrières réglementaires, dimensionnement du réseau de distribution... autant de difficultés à l'expansion de l'autoconsommation

 

Cet exemple parisien ne peut toutefois pas faire oublier une réalité d'ordre à la fois économique et social : un phénomène non-négligeable de gentrification doit être pris en compte pour expliquer l'essor des pratiques d'autoconsommation. En effet, une part importante de citoyens urbains et aisés se retrouve dans les populations engagées en faveur de ce développement, du fait de leurs niveaux de revenus plus élevés et de leurs préoccupations probablement plus orientées vers l'écologie et les énergies renouvelables. Car l'ensemble de la population nationale ne peut vraisemblablement pas jouir de revenus suffisants et prétendre avoir pour priorité le développement durable pour se lancer dans pareille démarche. Mais bien d'autres obstacles doivent encore être évités par les partisans de l'autoconsommation : les barrières réglementaires, le "poids des lobbys" (comprendre le nucléaire), les "embûches dans la construction tarifaire" sont dénoncés par les professionnels du secteur, qui appellent également à une simplification et à un "packaging" des procédures destinées aux copropriétés. "L'environnement législatif est hostile et le pouvoir centralisé se bat pour sa place", confirme Eric L'Helguen. Des acteurs qui soulignent les vertus de la pédagogie et du "courage" pour affronter cette "usine à gaz".

 

Maître Olivier Ortega, avocat au barreau de Paris et membre du cabinet LexCity, a pour sa part dévoilé un schéma pour le moins complexe illustrant les relations juridiques d'ensemble pour un système d'autoconsommation collective ; un autre aspect qui peut en rebuter plus d'un de se lancer dans l'aventure. Et, d'une manière plus générale, les intervenants ont insisté sur la nécessaire adéquation entre les capacités du réseau de distribution d'énergie et les besoins auxquels il est censé répondre : "La beauté de l'autoconsommation est là : elle va vous permettre d'utiliser de l'énergie renouvelable mais sur un petit bout de réseau", insiste Eric L'Helguen. Pour le secteur, la croissance des énergies renouvelables ne doit pas se faire au détriment d'une sollicitation trop conséquente du réseau. Lequel, à l'image d'une infrastructure routière qui doit supporter un flux de véhicules, doit être correctement dimensionné pour répondre aux mieux aux besoins du trafic, que celui-ci soit automobile ou énergétique.

 

"A force de nous contraindre, on a trouvé des solutions non-contraignantes"

 

 

Sur la base de ce constat, quel avenir se dessine pour l'autoconsommation collective, et quelles sont les tendances majeures de l'autoconsommation individuelle ? Les professionnels considèrent que le coût d'une installation photovoltaïque est aujourd'hui davantage lié à la fourniture de l'énergie qu'aux panneaux eux-mêmes. Bien que la question financière ne peut évidemment être balayée, il demeure trois questions-clés aux yeux d'une société comme Reservoir Sun, spécialisée dans le développement du photovoltaïque pour l'autoconsommation collective : où s'implanter, comment se raccorder et comment valoriser la production ? Ce à quoi Franc Raffalli, président du GMPV (Groupement des métiers du photovoltaïque, une branche de la Fédération française du bâtiment) et fondateur de SYS ENR, répond sur un ton volontairement provocateur : "A force de nous contraindre, on a trouvé des solutions non-contraignantes pour faire exploser le marché". Parmi les pistes techniques et technologiques envisagées, le bureau d'études Kerexpert, spécialisé dans le logement collectif neuf, met en avant le principe de la cogénération : celui-ci permet de produire simultanément deux formes d'énergies au sein de la même installation - la plupart du temps une énergie thermique et une mécanique.

 

Les solutions ne manquent donc pas pour gagner des parts de marché au photovoltaïque, mais ce dernier souffre toujours d'un coût relativement élevé, à environ 200 € du m². L'avenir de cette énergie reste néanmoins dégagé si l'on en croit le président de l'AICVF Ile-de-France, Philippe Herbulot : "Il y a une lame de fond qui amène les citoyens et les territoires à plus de résilience et d'énergie propre". Un mouvement sur lequel l'autoconsommation pourrait surfer pour séduire davantage de "consommacteurs".

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