REACTION. L'Union nationale des syndicats français d'architectes (Unsfa) vient d'affirmer son soutien à la clause Molière. Les professionnels s'inquiètent en effet de nombreuses dérives dues au fait que les différents acteurs d'un chantier ne parlent plus la meme langue. Explications avec Gilbert Ramus, architecte.
"Loin d'être une mesure discriminatoire, la clause imposant la compréhension de la langue française (par soi-même ou par personne interposée) est une mesure de bon sens, nécessaire, à la fois pour la qualité des ouvrages, la sécurité des chantiers et le respect des règles de toutes natures." Dans un article rédigé par l'architecte Gilbert Ramus, publié sur le site internet de l'organisation, l'Unsfa déclare son soutien à la clause Molière.
Les architectes s'inquiètent en effet des conséquences de l'augmentation, sur le terrain, du travail détaché. "Nous faisons le constat que sur les chantiers de nombreuses personnes parlent peu ou pas le français et ceci de plus en plus", peut-on lire dans l'article. "Travailleurs détachés, salariés, autoentrepreneurs, sous-traitants en cascade, toute la main d'œuvre du bâtiment semble touchée. Le débat sur la clause Molière nous semble utile et même indispensable. Les situations de crise deviennent fréquentes : non compréhension des règles de sécurité, de vie commune (propreté, etc.), consignes non comprises, petits conflits inhérents à la nature même de tout chantier non réglés, parfois même apparition de la violence."
La non-communication sur les chantier est une "aberration"
Autant de symptômes qui amènent l'Unsfa à apporter un soutien à ce dispositif. "En trente cinq ans de carrière, je n'ai jamais cessé d'apprendre en discutant avec les entreprises sur les chantiers", explique Gilbert Ramus, contacté par Batiactu. "Et je pense que l'inverse est vrai. La non-communication sur un chantier est une aberration."
Ce point de vue de l'Unsfa est publié alors que le conseil d'Etat vient d'autoriser, contre toute attente, l'utilisation d'une certaine version de la clause Molière, baptisée "clause d'interprétariat". Elle contraint l'entreprise à avoir recours aux services d'un interprète pour fournir des instructions aux salariés au début d'un chantier.
"Quel désarroi lorsque ni le chef d'équipe, ni les ouvriers ne parlent le français !" Gilbert Ramus, architecte
Une décision qui ne convainct pas totalement Gilbert Ramus. "Je regrette que le conseil d'Etat minimise le rôle de l'interprète", affirme-t-il. "Car la communication doit persister tout au long des opérations. Il faut ne pas connaître la vie d'un chantier pour ne pas le penser : cela évolue minute après minute !" Et l'intégrité des bâtiments ne peut être assurée, selon l'Unsfa, que si est opéré un suivi de la qualité à chaque étape. "Les compagnons qui ont bien travaillé hier, peuvent tout 'rater' le lendemain, s'ils n'ont pas compris les indications adéquates, qu'elles émanent des autres acteurs ou de la lecture de multiples notices et modes d'emploi. Tout le monde doit participer à la recherche de qualité. [...] Quel désarroi lorsque ni le chef d'équipe, ni les ouvriers ne parlent le français ! L'impossibilité d'expliquer laisse la porte ouverte à toutes les non-qualités et erreurs", peut-on également lire sur le site de l'Unsfa.
Enfin, Gilbert Ramus affirme qu'il souhaite voir de telles clauses utilisées en marchés privés. "La clause Molière est suspectée d'être anti-européenne, anti-travailleurs détachés et protectionniste, discours souvent développés par des personnes étrangères au monde du bâtiment qui prétendent que sur un chantier 'on ne communiquerait que par signes'. C'est donner bien peu d'estime à ces ouvriers", écrit-il.