Emmaüs Habitat et l'architecte François Pélegrin ont déposé le premier permis de construire numérique (BIM) de France, pour un ensemble de logements locatifs sociaux à Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne). Avec le soutien de la commune et de l'aménageur Epamarne, le dossier repose sur l'utilisation d'une maquette 3D interactive d'où peuvent être tirées tous les plans et les métrés requis. L'étape suivante consistera à BIMiser le PLU, pour faciliter encore la démarche.
La démarche est novatrice mais elle devrait rapidement faire tache. A Bussy-Saint-Georges, au cœur de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, la mairie vient de recevoir, à la fin du mois de mars 2016, le premier dossier de permis de construire numérique de France. Ce sont le maître d'ouvrage, Emmaüs Habitat, et le maître d'œuvre, François Pélegrin, qui l'ont déposé pour un programme résidentiel de 109 logements locatifs sociaux dans l'éco-quartier Sycomore. Une démarche soutenue par le Plan Transition Numérique dans le Bâtiment, le CSTB et Epamarne.
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Pour l'architecte, impliqué depuis longtemps dans cette démarche de conception en 3D, les avantages sont déjà connus : efficacité, rapidité, clarté… Des caractéristiques qui se retrouvent également lors de l'étape d'instruction du permis de construire. Adieu les plans en deux dimensions abscons, exit les quelques coupes de bâtiments. Grâce à la modélisation numérique, il est désormais possible de tourner autour et de réaliser de véritables coupes chirurgicales des futures constructions. "Les plans du dossier sont tous issus de la maquette numérique. Et les trois coupes obligatoires dans un permis de construire sont ici remplacées par une multitude de coupes possibles, comme un scanner du bâtiment, à la convenance de l'instructeur", précise François Pélegrin. En régime d'expérimentation, ce procédé d'examen 3D des plans par les services de la mairie, ne nécessite pas que le personnel soit formé spécifiquement : la démarche de prise de cotes sur les plans demeure la même.
Une instruction du dossier plus rapide et efficace
L'employée qui a mené l'instruction du dossier confirme : "J'ai été agréablement surprise. Cela permet de comprendre le projet plus vite. La gestion sur des plans en 2D génère beaucoup d'interrogations, les coupes n'étant pas forcément là où cela nous intéresse. En 3D, au contraire, cela nous permet de vérifier la conformité du projet avec les enjeux de l'urbanisme local". Le BIM apporte donc de la clarté au dossier, en apportant la visualisation de la construction dans sa globalité et dans ses détails. De quoi satisfaire l'architecte qui demande, en retour, que les délais d'instruction soient divisés par trois. Une requête bien entendue par Chantal Brunel, la maire de Bussy-Saint-Georges : "Je veux bien les raccourcir mais, nous sommes sur l'emprise d'une opération d'intérêt national et tout remonte à la direction départementale des territoires (DDT)… Mais nous sommes partants et enthousiastes pour développer un PLU BIMisé !".
Car il s'agit là de l'étape suivante. Quatorze articles en tout ont été intégrés par l'équipe de maîtrise d'œuvre dans la maquette numérique (accès et voiries, réseaux, implantations par rapport aux voies et emprises publiques ou par rapport aux limites séparatives du terrain…). Chacun est régi par un règlement spécifique du plan local d'urbanisme qui définit les hauteurs et dégagements requis. "Il faudra bien BIMiser les PLU pour que les architectes n'aient pas à ré-écrire toutes ces règles à chaque fois", fait remarquer François Pélegrin, dont l'équipe a passé un certain temps à le faire pour cette opération. Une représentation partielle de la ville en 3D a été réalisée par le CSTB, et elle intègre les contraintes du PLU. Une maquette numérique à l'échelle du quartier va également être développée pour une autre zone de Marne-la-Vallée, et adoptera un standard de haute définition, y compris pour les espaces publics. Il sera par exemple possible de connaître la structure des chaussées ou le tracé des réseaux souterrains.
Atteindre le niveau de fiabilité de l'industrie aéronautique
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De son côté, Bertrand Delcambre, le président du Plan Transition Numérique dans le Bâtiment, salue ce premier permis de construire numérique : "Le Plan a été lancé il y a un an, en réponse à des attentes des professionnels, maîtres d'ouvrage, maîtres d'œuvre, architectes, ingénieurs, industriels, assureurs… Il faut accélérer le mouvement car il y a une certaine urgence à construire vite et mieux. Si cela paraît évident pour de grandes tours à la Défense, sur de 'petits' projets comme ici, il est très important de mettre en évidence les avantages du BIM et de les expliquer pour convaincre et donner envie (…) Bravo à madame la maire, bravo à l'aménageur, bravo à l'architecte !". Pour lui, les priorités vont à l'acquisition de compétences nouvelles par les acteurs de la construction, à des investissements de temps et au développement d'outils toujours plus adaptés. "Il faut gagner en confiance, avoir des données fiables, s'appuyer sur une normalisation internationale (…) Pour les outils, la compétition entre les éditeurs tire la qualité vers le haut. Les meilleurs et les plus fiables l'emporteront", poursuit-il. Bertrand Delcambre n'exclut cependant pas de faire intervenir une organisation tierce pour faire certifier ces logiciels. L'objectif ? Atteindre le même niveau de fiabilité dans la conception-réalisation des espaces urbains que dans la conception aéronautique depuis les années 1980. Epamarne espère également réduire les coûts des travaux de la construction, de -5 à -10 %, dès 2017, grâce à l'adoption du BIM.
En tout, 109 logements sociaux seront construits : 82 dans cinq immeubles classiques, placés sur les côtés ouest et nord de la parcelle du lot SY7, et 27 logements dans des maisons jumelées, placées à l'est et au sud. Ces maisons, à structure bois, seront préfabriquées par Bénéteau Habitat. Il est prévu que les loyers soient deux fois inférieurs à ceux du marché. Le choix des matériaux et solutions constructives a donc été crucial pour maintenir le coût à un niveau raisonnable pour que l'investissement soit amorti sur 40 ans. Pour Clément Lhomme, directeur Développement & Maîtrise d'ouvrage chez Emmaüs Habitat, "le BIM n'a pas été une contrainte mais un ensemble de données à respecter".