Le texte transposant de façon anticipée la future directive européenne d'application de la réglementation existante sur les travailleurs détachés vient d'être adopté au Sénat. Il prévoit la possibilité de poursuivre un donneur d'ordres pour des fraudes relevant d'un de ses sous-traitants internationaux.

Alors que les élections européennes avancent à grand pas, la proposition de loi du parlementaire Gilles Savary (PS), visant à "lutter contre le dumping social" a été adoptée, mardi 6 mai, au Sénat après avoir été votée à l'Assemblée nationale le 23 février dernier.

 

Ce texte tente de traduire dès maintenant en droit français le compromis signé par les 28 Etats membres de l'Union européenne en décembre 2013 sur le renforcement de la directive travailleurs détachés. Toutefois, ce compromis doit encore être confirmé par un accord du Conseil des ministres européens pour une entrée en vigueur en 2016.

 

"La proposition de loi déposée par Gilles Savary, vise à renforcer la responsabilité des maîtres d'ouvrage et des donneurs d'ordre dans le cadre de la sous-traitance internationale, a rappelé François Rebsamen, ministre du Travail dans son discours, prononcé mardi dernier, au Sénat. Elle a un but que nous partageons tous : lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale."

 

Une hausse de 10 % de salariés détachés en 2013
D'après les données de la Direction générale du Travail (DGT), le détachement de travailleurs étrangers n'est pas un fait nouveau, mais il se développe : ces détachements ont concerné 170.000 salariés en 2012 et sont évalués à 220.000 salariés en 2013, soit une hausse de 10%. "Un grand nombre de nos compatriotes en bénéficient également, a signalé le ministre du Travail. 140.000 Français sont détachés à l'étranger par des entreprises françaises. La France est le troisième pays en Europe à user de cette possibilité."

 

Autre chiffre révélateur de la situation en 2012 : 17.000 salariés français sont principalement détachés par les entreprises de travail temporaire contre 28.000 en 2009. Les salariés polonais représentent, eux, la première nationalité de main-d'œuvre détachée (31.700 - 18%) devant les Portugais (20.100 - 15%), Roumains (17.500 - 13%).

 

"Ce principe même du détachement des travailleurs n'est pas en cause, ce qui est en cause, ce sont les montages frauduleux et les abus qui peuvent l'entourer et qui malheureusement se développent de plus en plus", a insisté le ministre du Travail.

 

Un nouveau principe musclé
Ainsi, le nouveau texte français plus "musclé" propose de poursuivre un donneur d'ordres pour des fraudes relevant d'un de ses sous-traitants en matière de travailleurs détachés. Tous les secteurs comme l'agroalimentaire, le transport sont impactés par la responsabilité solidaire et plus particulièrement dans le BTP. Toutefois, dans le compromis européen, l'élargissement à ces secteurs est facultatif.

 

 

Un amendement supprime le seuil de 15.000 euros pour les amendes
Le texte met également en place dans l'article 6, une liste noire, où pourront figurer pendant deux ans, sur décision du juge, les entreprises ayant été condamnées pour "travail illégal" à une amende. Initialement, les sénateurs ont décidé d'instaurer un seuil de 15.000 euros d'amendes pour inscrire une entreprise sur la liste noire, mais un amendement du Sénat a supprimé, mardi 6 mai, ce seuil. Désormais, reste à savoir, sur quels critères la liste sera établie ?

 

Ce texte étant déclaré en procédure accélérée, notamment sur la question des sanctions, doit être débattu et finalisé au Parlement en commission mixte paritaire (CMP), pour une adoption attendue avant cet été.

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