Londres fait le pari des tours avec la récente inauguration du «Shard», le gratte-ciel le plus haut d'Europe. D'autres capitales comme Moscou et Madrid ont également fait le choix de se hérisser de constructions toutes plus vertigineuses les unes que les autres. Tour d'horizon de ces immeubles de très grande hauteur.
Le gratte-ciel est apparu à la fin du 19e siècle grâce à la combinaison de plusieurs facteurs, dont l'utilisation de l'ossature métallique et celle de l'ascenseur, deux technologies sans lesquelles construire verticalement aurait été impossible au-delà d'une certaine hauteur. La barre symbolique des 200 mètres est atteinte dès 1909 par la Metropolitan Life Tower de New York. Depuis, le record a été largement battu : la tour Burj Khalifa de Dubaï dépasse même les 800 mètres ! Aujourd'hui, le monde compte pas moins de 15.000 tours de plus de 200 mètres et les architectes-urbanistes rivalisent d'audace et d'inventivité.
Si les plus hautes tours du monde se trouvent en Asie et en Amérique du Nord, l'Europe n'est pas en reste. On assiste même à un engouement pour les immeubles de très grande hauteur (ITGH) depuis quelques années, qui s'apparente presque à une course. Champion en titre : Londres avec « The Shard » inauguré en juillet dernier, un éclat de verre acéré de 310 mètres de haut. Jeux olympiques obligent, la capitale britannique devait se doter d'un repère, d'un phare, visible de loin. La dernière-née des tours anglaises, construite en face de la City, dépasse de 75 mètres la tour « One Canada Square », édifiée en 1991 dans le quartier réhabilité de Canary Wharf. Elle domine également la « Heron Tower », très récente (2011), qui atteint tout de même les 230 mètres.
Sur la deuxième marche du podium apparaît le complexe moscovite « Capital City », édifié en 2010, qui associe plusieurs grandes tours dont la « Moscou » de 302 mètres et la « Saint-Pétersbourg » de 257 mètres. La cité russe truste d'ailleurs un nombre impressionnant de places dans le classement. Outre les deux tours précédemment évoquées, ces dernières années ont été fertiles en projets vertigineux : le « Triumf Palace » (2005), au design d'inspiration soviétique, qui culmine à 264 mètres a ainsi été rapidement détrôné par la « Naberejnaïa Tower » de 268 mètres, achevée en 2007. Citons également la tour ouest du complexe « Federation » (2008), qui dépasse les 240 mètres, ou encore la « Imperia Tower » (2011), qui tutoie cette altitude.
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Mano a mano entre Moscou et Madrid
Autre capitale très dynamique sur le plan des ITGH, Madrid. En l'espace de quelques années, elle s'est dotée de quatre immeubles, tous situés dans le même quartier d'affaires, très logiquement nommé « Cuatro Torres Business Area ». Les plus hauts édifices de toute la péninsule ibérique s'y trouvent concentrés : « Torre Caja Madrid » (2008) de 250 mètres, « Torre de Cristal » (2008) de 249 mètres, « Torre Sacyr Vallehermoso » (2008) de 236 mètres et « Torre Espacio » (2007) de 234 mètres. Les autres tours européennes du classement se trouvent disséminées dans diverses grandes capitales économiques : Istanbul pour la « Sapphire Tower » (2011) qui dépasse les 260 mètres, Milan pour la « Porta Nuova Garibaldi Tower » (2011) de 231 mètres, ou encore Francfort, ville qui a longtemps détenu le titre dans les années 1990 avec la « MesseTurm » (257 mètres) et la « Commerzbank Tower » (259 mètres). Quant à la France, la vénérable « tour Montparnasse » (1972) ne figure plus dans le Top 20, et a même été dépassée par la tour « First » (ex-tour Axa), réhabilitée et rehaussée en 2011, qui atteint désormais les 231 mètres.
Mais quel est l'intérêt de cette course à la hauteur ? Les partisans des tours mettent en avant la nécessaire densification des villes permettant de lutter contre l'étalement urbain et contre la perte de temps (et d'énergie) liée aux déplacements. Ils avancent également que les immeubles de dernière génération sont écologiques. Les opposants quant à eux, mettent en avant des contraintes nombreuses, des coûts de construction élevés destinant les gratte-ciel à de rares nantis. « La tour interrompt la continuité urbaine, s'intègre rarement avec harmonie avec les bâtiments existants, s'isole du réseau viaire et des lieux urbains accessibles et gratuits », développe Thierry Paquot, philosophe et professeur à l'Institut d'urbanisme de Paris (université Paris 12). Selon lui, la tour serait un donjon, symbole anti-démocratique de la réussite, un emplacement artificiel et anxiogène, replié sur lui-même, sans échappatoire, sans lyrisme et sans poésie.
Pourtant les projets se multiplient toujours, parfois ralentis par la crise ou par des recours de riverains, comme dans le cas du « Hermitage Plaza » avec ses tours jumelles de plus de 320 mètres qui pourrait voir le jour à La Défense non loin de la tour « Phare » de 300 mètres de haut, également en projet. La folie des hauteurs n'est donc pas encore calmée. Ce en dépit d'une étude signée par la très sérieuse banque britannique Barclays qui relie les cas de gigantisme immobilier à la survenue de crises économiques…
Découvrez le classement en images les 20 plus hautes tours d'Europe.
The Shard (Londres 2012), 310 m
La tour Shard, conçue comme un éclat de verre, a été dessinée par Renzo Piano. Elle culmine à 310 mètres, ce qui en fait le plus haut immeuble d'Europe.
Moscow & St. Petersburg towers (Moscou, 2010), 268 & 257 m
Le complexe "Capital City" abrite plusieurs tours de très grande hauteur, dont les presque jumelles "Moscou" (268 m.) et "Saint-Petersbourg" (257 m.). Déjà détrônées par l'immeuble britannique, elles seront également dépassées par leur voisine, la "Mercury City Tower" de 339 mètres, actuellement en construction dans le quartier d'affaires international de la capitale russe.
Naberejnaïa tower (Moscou, 2007), 268 m
La tour "Naberejnaïa" est, elle aussi, implantée dans le nouveau quartier d'affaires de Moscou qui rassemble les plus hauts immeubles de la fédération de Russie. De nombreux projets ont été stoppés, mais au moins deux tours de plus de 300 mètres devraient venir couronner l'ensemble.
Triumf Palace (Moscou, 2005), 264 m
Contrastant avec toutes les autres constructions de ce palmarès, le "Triumf Palace" puise son inspiration dans l'architecture soviétique. Il rappelle notamment la tour de l'Université d'Etat Lomonosov qui elle aussi dépasse les 200 mètres.
Sapphire Tower (Istanbul, 2011), 261 m
La tour "Sapphire" doit offrir une vue unique sur la capitale économique turque, située de part et d'autre du Bosphore, ce bras de mer séparant l'Europe de l'Asie mineure.
Commerzbank tower (Francfort, 1997), 259 m
Francfort sur le Main est la 5e ville d'Allemagne. Elle abrite une population de 700.000 habitants et constitue un centre d'affaires et financier international, notamment grâce à la présence de la Bourse, de la Banque centrale européenne et de la Banque fédérale du pays. Rien d'étonnant dès lors de voir apparaître des ITGH de plus de 250 mètres destinés à abriter les sièges de compagnies multinationales.
Messeturm (Francfort, 1990), 257 m
La "Messeturm" est typique du début des années 1990. Surnommée "le crayon" - tout comme la tour Part Dieu de Lyon (165 m), elle aussi surmontée d'une pyramide - elle s'inscrit dans la mouvance d'un renouveau Art Déco, tout comme la "Bank of America Plaza" d'Atlanta (1992) et la "Key Tower" de Cleveland (1992).
Torre Caja (Madrid, 2008), 250 m
La "Torre Caja Madrid" est l'une des quatre tours de plus de 230 mètres du nouveau quartier d'affaires de la capitale espagnole. Cette dernière a fait preuve d'un grand dynamisme architectural à la fin de la dernière décennie.
Torre de Cristal (Madrid, 2008), 250 m
La très esthétique "Torre de Cristal" reflète le ciel madrilène. Très épurée, elle ressemble à un immense cristal de quartz ou d'améthyste.
Torre Sacyr Vallehermoso (Madrid, 2008), 236 m
Troisième des tours du quartier d'affaire "Cuatro Torres", la tour "Sacyr Vallehermosa" apparaît comme étant la plus simple géométriquement et la plus sombre.
Torre Espacio (Madrid, 2007), 235 m
La "Torre Espacio" culmine à 235 mètres, ce qui en fait la plus petite des quatres tours de Madrid. Elle dépasse donc tout de même l'ensemble des gratte-ciels français, y compris les tours First et Montparnasse.
Federation west tower (Moscou, 2008), 242 m
La tour Ouest du complexe de la "Federation" culmine à 242 mètres. Achevée en 2008, elle devrait être dépassée par sa jumelle, la tour Est, qui dépassera les 330 mètres une fois achevée.
Imperia tower (Moscou, 2011), 239 m
La tour qui répond au nom évocateur de "Imperia", évoque l'hégémonisme russe et les ambitions internationales retrouvées du pays. Elle appartient au même quartier d'affaires que toutes les autres tours moscovites du palmarès.
One Canada Square (Londres, 1991), 235 m
L'emblématique "One Canada Square" de Londres, symbole du nouveau quartier d'affaires de Canary Wharf, excentré par rapport à la City, a également succombé à la mode du pyramidion lancée au début des années 1990... On retrouve cette marque stylistique sur de nombreux immeubles de l'époque.
Heron Tower (Londres, 2011), 230 m
La "Heron Tower" de Londres, achevée en 2011, n'est pas aussi reconnaissable que "The Shard" ou que l'énigmatique "Gherkin".
Porta Nuova Garibaldi tower (Milan, 2011), 231 m
La pointe de la tour "Garibaldi" domine Milan et toute l'Italie. Mais elle est inutilisée. Le dernier plancher se trouve en fait plus bas que le dernier niveau d'une autre tour milanaise, le "Palazzo Lombardia" de 161 mètres.
Tour First (Paris-La Défense, 2011), 231 m
Clôturant ce palmarès, la tour First est un cas à part : anciennement tour Axa, elle a été déconstruite puis recontruite et réhaussée entre mars 2007 et septembre 2011. Elle dépasse désormais la tour Montparnasse (210 m) mais devrait être à son tour dépassée par les tours Hermitage et Phare en projet à La Défense.
Et demain ?
L'avenir est en marche : la construction de la tour "Mercury City" à Moscou est en bonne voie. L'immeuble atteindra les 339 mètres une fois achevé, récupérant le titre de plus haute tour d'Europe au "Shard" londonien. Mais pour combien de temps ?